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La France dans le combat de l’universalité des droits de l’Homme dans le monde

18/04/2024

Par Delphine Borione, ambassadrice pour les droits de l'Homme depuis février 2021, chargée de la dimension internationale de la Shoah, des spoliations et du devoir de mémoire. Elle a occupé dans sa carrière de nombreux postes bilatéraux et multilatéraux dans les domaines politique, du développement durable et de la coopération économique, culturelle et éducative. Elle est membre du conseil scientifique de l'Institut d'études de géopolitique appliquée.


Le 10 décembre 2023, la France a organisé une conférence commémorant le 75e anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'Homme dans les lieux mêmes de la réunion de l'Assemblée générale des Nations unies au palais de Chaillot à Paris. Bâtie sur les cendres de deux guerres mondiales et de la barbarie de la Shoah, la Déclaration universelle des droits de l'Homme, souvent appelée « DUDH », comme la Charte des Nations unies, visait à lutter contre les guerres et la barbarie et à établir une paix mondiale en diffusant la démocratie et la liberté.

Adoption de la DUDH par l'ONU en 1948
Adoption de la DUDH par l'ONU en 1948

Depuis 1948, des progrès accomplis ont été légion : décolonisations, enracinement de la démocratie, progrès des droits des femmes et des enfants ou encore en matière d'éducation et de santé. Des millions de personnes sont sorties de la pauvreté et nombre de pays répondent infiniment mieux aujourd'hui aux besoins de leurs populations qu'au milieu du XX e siècle. En 1998, un nouveau progrès était accompli en faveur de la justice internationale avec la création de la Cour pénale internationale, après celle de tribunaux spécialisés pour répondre aux crises régionales, qui est le recours ultime pour réprimer les crimes contre l'Humanité.

À l'aube du troisième millénaire, un consensus semblait donc se dégager sur la centralité des droits de l'Homme et des valeurs démocratiques inspirant la gouvernance mondiale. Le contexte actuel est hélas beaucoup plus sombre.

Un monde polarisé où les droits de l'Homme sont des plus en plus contestés

À travers le monde, les espaces de la société civile se restreignent et la liberté d'expression de plus en plus réprimée. Les discriminations ou les persécutions contre les minorités resurgissent, notamment celles fondées sur le genre, l'appartenance ethnique, les croyances ou les orientations sexuelles.

Des régimes répriment leurs opposants politiques et incriminent les activités des défenseurs des droits. L'administration de la justice reste trop souvent arbitraire. Selon Amnesty international, les actes de torture ou de mauvais traitements sont encore exercés dans trois pays sur quatre dans le monde.

Les populations civiles paient très cher de leur vie les guerres d'agression et les conflits armés que la diplomatie n'arrive pas à résoudre et arrêter. Le terrorisme montre son visage monstrueux, en niant toute dignité humaine. Les nouvelles crises sanitaires ou climatiques renforcent les inégalités et entrainent de graves violations des droits humains dans de nombreuses régions du monde.

Les nouvelles technologies non régulées favorisent la propagation des discours de haine, des manipulations de l'information, des distorsions de l'Histoire et de toutes formes de négationnisme.

Au plan même des idées, l'universalité des droits est remise en cause dans un contexte d'affirmation croissante des conservatismes et de nouvelles polarisations idéologiques. Des pays assument sans complexe un modèle hybride de développement, mêlant capitalisme et autoritarisme. Ils s'emploient à promouvoir ce modèle hors de leurs frontières, comme une alternative à la démocratie qualifiée de « décadente ».

C'est le retour du relativisme qui voudrait réduire les droits de l'Homme à l'Occident. Ce récit est en fait souvent une manœuvre destinée à justifier la répression au mépris d'une vérité historique, à savoir que l'aspiration aux droits et libertés existe dans toutes les régions du monde et exprime le refus du totalitarisme.

Certaines démocraties bien établies, y compris en Europe, sont également menacées de l'intérieur par des courants populistes qui contestent la séparation des pouvoirs, l'indépendance de la justice, la garantie des libertés publiques et de la presse.

Le combat des droits pour tous et partout doit donc continuer à être porté avec vigueur et engagement.

L'universalité des droits de l'Homme comme idéal

Ainsi que le Préambule de la Déclaration universelle de 1948 le proclame, les droits de l'Homme sont « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations ». Ils sont notre Humanité partagée. Nelson Mandela affirmait ainsi que « priver les gens de leurs droits fondamentaux revient à contester leur humanité même ». La France a d'ailleurs été un pays précurseur avec la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 qui énonçait « les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme ».

Avec les droits de l'Homme, ce sont l'État de droit et la démocratie qui prévalent. Garantir des droits égaux pour tous, c'est le gage d'une société plus juste, plus libre, plus stable et plus pacifiée, où les conflits sont régulés par la justice. Dans ces conditions, l'innovation, la créativité et l'audace peuvent s'exprimer pour libérer les énergies et offrir les conditions privilégiées à la prospérité.

Au-delà d'un discours placé sous le signe essentiel de l'éthique, nos démocraties doivent également, face aux contre-récits puissants actuels, renforcer leur récit pour démontrer que leur projet de société basé sur les droits est la meilleure garantie du bien-être individuel comme du développement commun.

Ce combat se mène dans le concert international et la France y prend une part active.

L'engagement indéfectible de la diplomatie française des droits de l'Homme

Dès la fin de Seconde Guerre mondiale, la France a été un pilier du multilatéralisme. Membre permanent du Conseil de sécurité, nouvellement réélue au Conseil des droits de l'Homme, elle agit pour faire progresser la coopération internationale et dénoncer les violations des droits.

La France porte depuis 2019 une diplomatie féministe qui lutte contre les violences, notamment dans les situations de conflits, défend le droit de chacune à disposer de son corps et promeut le rôle des femmes dans toutes les composantes de la société et notamment aux postes de responsabilité. Autre grand enjeu, celui de l'abolition universelle de la peine de mort. La France accueillera ainsi le prochain Congrès mondial contre la peine de mort en 2026, en plaidant cette cause à travers le monde pour faire disparaitre cette sentence injuste, inhumaine et inefficace.

La France est aussi engagée contre toutes les discriminations et toutes les haines. Elle combat ainsi l'antisémitisme dont on voit aujourd'hui la résurgence, ainsi que toutes les formes de racisme. Elle promeut les droits égaux de tous, notamment ceux des personnes LGBT+ en promouvant notamment la dépénalisation de l'Homosexualité.

Autre question fondamentale, la liberté, l'indépendance et la pluralité des médias. Les manipulations de l'information sont autant de dangers pour la démocratie et la cohésion de nos sociétés. La France a ainsi initié un Partenariat mondial Information et Démocratie, qui regroupe désormais 52 pays.

La France est aussi fermement engagée en faveur de la lutte contre l'impunité. Elle soutient activement les juridictions nationales et les processus de justice transitionnelle qui permettent aux pays en crise d'assurer leur reconstruction en apaisant les tensions du passé.

L'engagement de la France ne se limite pas aux droits civils et politiques. Les droits ne peuvent être effectifs que lorsque les conditions matérielles sont garanties pour se nourrir ou se soigner. L'aide publique française au développement, la quatrième au monde, agit sans relâche auprès des plus vulnérables pour donner une réalité concrète à l'ensemble des droits, qu'ils soient économiques, sociaux, culturels, environnementaux, civils ou politiques. Engagée dans la réalisation des 17 Objectifs du développement durable définis par les Nations unies, la France a intégré les droits humains à l'ensemble de ses actions de coopération au développement.

Partageant le constat que les dégradations de l'environnement affectent la vie quotidienne et les droits réels de tous, la France agit, depuis le sommet de Rio en 1992 en passant par l'Accord de Paris en 2015 jusqu'au Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète de juin 2023 qui a permis d'obtenir un engagement de 100 milliards de dollars, pour que personne n'ait à choisir entre la lutte contre la pauvreté et la préservation de la planète.

Lors de la conférence du 10 décembre 2023, le président de la République, tout en réaffirmant l'universalisme du combat en faveur des droits de l'Homme, a tracé une feuille de route pour la diplomatie des droits de l'Homme pour les années à venir. Il a rappelé les priorités françaises en matière de défense des droits : la sécurité dans l'environnement numérique, la protection des enfants et la défense du droit des femmes, le soutien aux droits des personnes LGBT+ ou encore la lutte contre l'impunité sur tous les terrains. Il a également valorisé le rôle des défenseurs des droits de l'Homme qui, par leur action sur le terrain, documentent, alertent, dénoncent, soutiennent les victimes et portent le combat des droits et des libertés, parfois au péril de leur vie et celle de leurs proches. C'est la raison pour laquelle la France renforce progressivement sa politique de soutien à ces combattants de l'universalité des droits.

L'initiative Marianne pour les défenseurs des droits est un programme d'aide et de soutien original lancé à l'initiative du Président de la République en 2022, qui finance des projets à l'étranger et accueille chaque année en France durant 6 mois 15 défenseurs sélectionnés pour suivre un programme de renforcement de capacités.

Réaffirmant la place de la France comme lieu d'asile pour celles et ceux qui sont menacés pour leur engagement en faveur de la liberté, le Président a aussi annoncé la création d'une « Maison des défenseurs des droits humains » à Paris ainsi que la facilitation de la délivrance de visas aux défenseurs des droits étrangers.

Pour conclure cette brève présentation de la politique française en matière de droits de l'Homme, il apparaît ainsi une situation alarmante des droits de l'Homme dans le monde et pour laquelle les possibilités d'intervention sont souvent difficiles voire impossibles, mais un engagement déterminé de la France, avec ses partenaires affinitaires, notamment de l'Union européenne, dans ce combat pour les droits universels, garants de nos libertés fondamentales et de nos modèles de sociétés démocratiques et respectueuses de la dignité humaine.