Taïwan, la présidente et la guerre
Recension effectuée par Yohan Briant, directeur général de l'Institut d'études de géopolitique appliquée.
La recension n'engage pas la responsabilité de l'auteur de l'ouvrage.
À propos de l'auteur et du contexte
Arnaud
Vaulerin est journaliste chez Libération. Depuis plus de vingt ans, il couvre
les principaux théâtres asiatiques : Chine, Taïwan, Japon ou encore
Birmanie, deux pays sur lesquels il s'est également penché dans le cadre
d'ouvrages. Après avoir préfacé l'ouvrage Le Piège khmer rouge de
Laurence Picq, Arnaud Vaulerin est l'auteur de La Désolation. Les humains
jetables de Fukushima, publié en 2016 aux éditions Grasset. Fruit de deux
années de travail, cet ouvrage dresse le portrait des travailleurs occupés à
nettoyer le site dévasté de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi. Son
dernier ouvrage, Taïwan, la présidente et la guerre, publié aux éditions
Novice, conserve une approche humaniste, soucieuse du sort des individus pris
dans la tourmente de forces qui les dépassent. Tsai Ing-wen n'a jamais rêvé
d'être présidente et c'est pourtant elle qui s'est retrouvée, bon gré mal gré,
à la tête d'une des démocraties les plus vivaces et les plus menacées de la
planète
À propos de l'ouvrage
Un premier chapitre introductif offre, de façon pédagogique et engageante, quelques éléments de compréhension au lecteur peu averti. L'histoire de la région est dense, complexe et éminemment politique. Elle représente encore aujourd'hui l'un des principaux point d'achoppement entre les deux pays. Jusqu'à quel point ? Gérer la possibilité d'une guerre ou défaite serait synonyme d'annihilation et fait partie du quotidien des dirigeants taïwanais depuis 1949. Il aurait donc été impossible de faire l'impasse sur le sujet mais l'ouvrage vient confirmer ce que son titre suggère (Taïwan, la présidente et la guerre), c'est-à-dire que la possibilité d'un conflit armée avec la Chine demeure encore une question politique et doit donc être traitée parmi tant d'autres, dans le cadre de la fonction présidentielle.
Cette distance
mise avec la chose militaire permet à Arnaud Vaulerin de dresser un portrait
humain, parfois intimiste, de Tsai Ing-wen. Elle permet également d'offrir une
vision compréhensive des réalités de la fonction présidentielle taïwanaise,
notamment sur le plan des politiques internes, aspect crucial et bien trop
souvent occulté dans le traitement que les médias français offrent de l'île.
Arnaud Vaulerin saupoudre intelligemment les éléments contextuels nécessaire à
l'appréhension des dynamiques historiques et socio-culturelles qui sous-tendent
la politique de Taïwan. Il convoque pour cela les analyses de spécialistes tels
que Alice Ekman, Antoine Bondaz, Stéphane Corcuff… de façon partielle, mais
toujours dans l'optique assumée d'expliciter le lien réel entre le contexte
régional et l'histoire personnelle de Tsai Ing-wen, élément indispensable à la
compréhension de son rôle, mais également de sa personnalité.
L'ouvrage, qui
ne contient aucune source en langue chinoise, se base néanmoins sur une
bibliographie fournie, très contemporaine, ainsi que sur une quantité
importante d'entretiens, conduits avec des proches de Tsai Ing-wen et des
acteurs politiques locaux. Ces témoignages confortent le ton général de
l'ouvrage et contribuent au sentiment d'authenticité qui se dégage du portrait
de Tsai. À l'exception de ces trois derniers chapitres, qui tirent davantage du
côté de l'analyse géopolitique, le lecteur est confronté à une enquête, sourcée
et approfondie, mais qui conserve une place importante à l'aspect humain. En un peu moins de 150 pages, Arnaud Vaulerin
esquisse ainsi un portrait de Taïwan, de sa présidente sortante et de cette
guerre hypothétique, qui occupe de façon souvent disproportionnée l'espace que
les médias consacrent aux îles taïwanaises. En suivant le parcours de
Tsai Ing-wen, le lecteur parvient à appréhender les dynamiques socio-politiques
d'une société qui prend conscience d'elle-même, tout en demeurant si
vulnérables à un climat géopolitique qui va en s'aggravant.