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Socialisme au Mexique : quel héritage dans la société contemporaine ?

27/11/2023

Judith Prost, responsable du département Amérique latine de l'Institut d'études de géopolitique appliquée, s'est entretenue avec Carlos Illades Aguiar au sujet de l'histoire du socialisme mexicain et de l'influence de ces courants dans le pays. Carlos Illades Aguiar, est professeur de l'Université nationale autonome de Mexico et spécialiste des gauches au Mexique. Docteur en Histoire, professeur émérite de l'Université autonome métropolitaine et membre à l'Académie mexicaine d'histoire. Il est l'auteur de dix-neuf livres, dont quatre ont été primés.


Comment citer cet entretien :

Judith Prost, « Socialisme au Mexique : quel héritage dans la société contemporaine ? », entretien avec Carlos Illades Aguiar, Institut d'études de géopolitique appliquée, Paris, 27 novembre 2023.

Avertissement :

L'intitulé de l'entretien a été déterminé par l'Iega. Les propos exprimés n'engagent pas la responsabilité de l'Iega.


« La terre appartient à ceux qui la travaillent ». Ce propos, symbole du courant zapatiste, était au cœur des revendications de ce qui est communément appelé la Révolution mexicaine (1910). À cette époque, le pays avait déjà connu une première révolution, seulement deux ans après l'indépendance du pays en 1821. Colonisé par l'Espagne pendant des siècles, ce mouvement armé mit fin à l'Empire de Agustín de Iturbide et instaura une République fédérale.

Le Mexique subit une nouvelle atteinte à sa souveraineté dans les années 1840, lorsque les États-Unis envahirent plusieurs territoires mexicains, notamment la Californie, l'Arizona, le Nouveau Mexique et le Nevada. La France chercha aussi à contrôler le pays, en imposant en 1864 le Second Empire mexicain, avec à sa tête l'autrichien Maximilien.

Ces événements majeurs de l'Histoire du Mexique ont eu un impact dans les courants anti-impérialistes et socialistes du pays. Quelle place prend cet héritage dans la société mexicaine contemporaine ? Ces courants ont-ils encore une influence dans la politique du pays


Judith Prost – Quelles sont les origines du socialisme au Mexique ?

Carlos Illades Aguiar - Le socialisme au Mexique émerge au XIXe siècle, à partir de la fin des années trente et du début des années quarante. C'est à cette époque que se développent les premières idées socialistes, notamment avec l'influence de Charles Fourier [1]. En 1861, Plotino Rhodakanaty [2] arrive au Mexique et devient le principal précurseur du socialisme romantique dans le Mexique du XIXe siècle.

L'empreinte du socialisme s'efface un peu durant le porfiriato [3]. Elle réemergera sous une autre forme (l'anarchisme) avec les frères Flores Magón [4], avant et pendant la révolution mexicaine.

En 1919 à la suite de la révolution, le Parti communiste mexicain est créé. Il est dissous en 1981 pour être remplacé par un nouveau parti, le Parti socialiste unifié mexicain.

J.P - Emiliano Zapata symbolise la Révolution, d'où l'émergence du courant zapatiste [5]. Ce courant a-t-il eu un impact sur la gauche mexicaine ?

C.I.A - Bien sûr. Ce courant a articulé de nombreuses révoltes paysannes du XIXe siècle et a été à l'origine de programmes agraires, notamment de la « loi du peuple » d'Alberto Santa Fe. L'importance du zapatisme dans la Révolution est aussi liée à sa lutte contre le gouvernement constitutionnaliste. Les zapatistes se sont alliés à Francisco Villa, qui était dans le nord du pays et qui avait une puissance militaire plus importante. Finalement les deux échouèrent.

Mais cette revendication agraire est restée ancrée dans la société mexicaine du XXe siècle. Des réformes mises en place après la révolution en sont la preuve, particulièrement dans les années 30 avec Lázaro Cardenas [6].

J.P - La présidence de Lázaro Cardenas a d'ailleurs permis à de nombreux socialistes (Léon Trotsky, des républicains espagnols qui fuyaient le franquisme) de se réfugier au Mexique. De plus, à cette époque, les œuvres de Frida Kahlo et Diego Rivera marquent les esprits. Estimez-vous que cette période marque un tournant dans la gauche mexicaine ? Dans la politique du pays ?

C.I.A - Sans doute. Les historiens mexicains s'accordent sur le fait que la révolution aboutit avec le cardénisme. Cela concrétise la révolution. Lázaro Cardenas a pris des décisions majeures pour le pays et a mis en place la réforme agraire la plus importante du XXe siècle. Le gouvernement qu'il a mis en place était fort et réformé par secteurs. Ce fonctionnement perdura durant une bonne partie du XXe siècle. Il a aussi soutenu, effectivement, les exilés politiques.

Aussi, il ne faut pas oublier l'expropriation pétrolière. À l'époque, une grève des travailleurs pétroliers contre les entreprises britanniques l'a conduit à exproprier ces ressources malgré le fait que cela impliquait de rembourser aux entreprises étrangères ce que leur avait coûté l'installation des infrastructures.

J.P - Quelle a été la réaction des États-Unis ? Ont-ils été hostiles à cette politique socialiste ?

C.I.A - Moins que ce à quoi on pourrait s'attendre. C'est en partie lié au fait que les États-Unis se tournaient déjà vers le national-socialisme et qu'ils se préoccupaient de la guerre qui était sur le point d'éclater en Europe. Les États-Unis ont plus ou moins respecté le régime de Lázaro Cardenas. Par conséquent, même s'il est certain qu'ils n'avaient aucune sympathie pour cette expropriation, ils n'ont rien fait pour l'empêcher.

J.P - L'Histoire mexicaine a été marquée par le colonialisme, la guerre contre les États-Unis et l'impérialisme de Maximilien. Selon vous, ces événements ont-ils eu un impact majeur dans le courant anti-impérialiste mexicain ? Ce courant existe-il toujours, notamment contre les États-Unis ?

C.I.A - L'anti-impérialisme est toujours d'actualité. Ce courant n'a peut-être pas la force qu'il avait il y a des décennies, mais il existe toujours dans la culture politique et dans la culture populaire.

Je pense que le nationalisme mexicain se configure principalement à partir de l'invasion des États-Unis au Mexique, durant la guerre de 1847 - 1848. Par la suite, au XXe siècle et surtout après la révolution, cet anti-impérialisme reste ancré dans le pays, mais aussi partout en Amérique latine. C'est un phénomène plus global.

Au Mexique ce courant persiste après les années 30, parce que les gouvernements ont mis en place une économie nationaliste, dans le but de développer leur propre industrie. Ces gouvernements émanent de la révolution et vont durant des décennies s'inspirer du cardénisme.

Ce nationalisme a failli disparaître lorsqu'un accord de libre-échange a été signé avec les États-Unis et le Canada en 1994. Finalement, ce courant est réapparu sous d'autres formes. Il s'est peut-être affaibli pendant un certain temps, mais il n'a pas disparu et il est même possible que depuis peu, il reprenne une certaine place.

J.P - Estimez-vous que l'anti-impérialisme est exclusivement lié au socialisme ?

C.I.A - Au Mexique il y a effectivement un véritable lien. On l'observe par exemple dans les années vingt et avec le gouvernement de Cardenas. À l'époque, des intellectuels et certains secteurs de la société mettaient en perspective la révolution russe avec la révolution mexicaine. Ce phénomène s'observe bien dans les peintures murales de Diego Rivera, qui rassemblent Zapata, Marx et Lénine.

Bien que les communistes et révolutionnaires n'aient pas les mêmes origines, on peut donc estimer qu'ils articulent un courant de pensée, du moins dans l'imaginaire de la révolution mexicaine et de la révolution russe. C'est quelque chose qui s'observe aussi dans l'art nouveau, par exemple quand Alexandra Kollontaï est envoyée par l'Union soviétique au Mexique en tant qu'ambassadrice. Même si cela n'a pas duré longtemps, il y a eu un soutien très important entre les secteurs de gauche et la révolution mexicaine. C'est aussi le cas de Diego Rivera, qui a joué un rôle majeur dans l'accueil de Trotsky au Mexique, ou avec Victor Serge [7] dans les années quarante, qui s'était exilé au Mexique. Il y aussi eu un exil allemand de communistes hétérodoxes dans le pays, qui se positionnaient à gauche du Parti communiste mexicain.

J.P - Aujourd'hui, plusieurs lieux de pouvoir et institutions sont décorés par des peintures murales effectuées par des artistes socialistes. Dans ces œuvres, ils ont peint leurs opinions politiques et leur vision de l'Histoire mexicaine. Ces peintures sont-elles seulement un témoignage de l'histoire Mexicaine ou bien représentent-elles une certaine adhésion des institutions à ces idées ?

C.I.A - Je ne pense pas qu'il y ait une revendication aussi explicite du socialisme. Ce qui s'est effectivement produit au XXe siècle et qui existe encore aujourd'hui, c'est que le communisme mexicain a eu un certain succès dans la sphère culturelle. Les peintures murales en sont les principaux exemples, mais ces idées apparaissent aussi dans la littérature, les publications et la formation des enseignants.

L'éducation socialiste a été adoptée dans les années trente. Les professeurs, que ce soit au primaire ou au secondaire, enseignaient des écrits sur la révolution russe et le marxisme. Ils étaient les premiers à recevoir les nouveaux écrits sur le communisme qui étaient édités dans le pays.

Cette dynamique est réapparue dans les années soixante et soixante-dix, lorsque le marxisme était étudié dans plusieurs territoires mexicains, notamment dans les universités. Il faut bien avoir en tête que le syndicat des professeurs au Mexique est le plus important de l'Amérique latine.

Je pense donc que ces courants ont toujours une importance, mais exclusivement dans la culture. S'il y a une influence politique, elle concerne surtout les mouvements sociaux, pas le gouvernement.

J.P - Cette année, vous avez déclaré dans une interview avec Universo [8] que « la pensée mexicaine et l'historiographie mexicaine est très conservatrice » et que « l'étude des libéraux et conservateurs du XIXe siècle est prise au sérieux, contrairement à la gauche et au socialisme. » Au-delà du secteur académique, pensez-vous qu'il n'y a aujourd'hui plus de place pour la gauche dans la société mexicaine ?

C.I.A - Oui je le pense mais c'était encore plus vrai au XIXe siècle. On ne reconnaissait pas, ou très peu, le courant socialiste.

Au XXe siècle, dans les années 90 et jusqu'au début du XXIe siècle, le discours néolibéral monopolisait le milieu intellectuel mexicain. C'est seulement depuis une dizaine d'années que ce sujet est à nouveau traité et fait l'objet de réflexions et de recherches, notamment chez les jeunes. Il y a beaucoup plus de thèses, d'essais, d'articles sur les gauches. D'une certaine façon, une partie du gouvernement mexicain actuel vient de cette vieille gauche socialiste, particulièrement ceux qui étaient membres du Parti communiste mexicain. Ils sont minoritaires à Morena, mais ils existent.

J.P - En janvier 2019, vous avez déclaré dans le journal De reportero : « il me semble qu'il y a une conjoncture internationale qui est défavorable à un projet de gauche, puisque quasiment toutes les gauches latinoaméricaines ont lourdement échoué. » À l'époque, Bolsonaro et Trump venaient d'arriver au pouvoir. Aujourd'hui, avez-vous toujours la même opinion ?

C.I.A - Il est clair qu'il y a finalement eu une seconde vague [9] de progressisme en Amérique latine. Cette dernière a d'ailleurs été impulsée par Andrés Manuel Lopez Obrador [10], qui avait pourtant été marginalisé lors de la première vague lorsqu'il avait perdu les élections présidentielles de 2006. Il n'a pas pu participer à la première vague de progressisme, mais il a provoqué la deuxième.

Cette seconde vague de progressisme latino-américain, considérée par certains comme une vague de populisme latino-américain, est plus conservatrice. Moins de présidents de gauche sont arrivés au pouvoir et ceux qui y sont arrivés ne peuvent pas vraiment gouverner.

Je pense par exemple au Chili, ce qui s'y passe est selon moi dramatique. Au Brésil, même si Lula est réélu, ses alliés sont moins de gauche qu'ils l'avaient été. Les gouvernements de gauche sont donc plus faibles. Je pense donc que même si la situation est moins dramatique que ce que l'on aurait pu imaginer il y a cinq ans, la situation actuelle n'est pas comparable à la première vague. Surtout avec la récente victoire de Javier Milei en Argentine, qui va drastiquement changer la politique sud-américaine.

On peut aussi constater que partout en Amérique latine, la montée de l'extrême droite est impressionnante.

J.P - Il semble difficile de savoir si cette seconde vague incarne une adhésion au socialisme, ou s'il s'agit seulement d'un rejet des politiques antérieures.

C.I.A - Je pense en tout cas qu'il y a moins d'intérêt dans la politique. Désormais, la politique de gauche s'incarne dans la rue, dans les mouvements sociaux et plus vraiment dans des partis. Les partis de gauche se rapprochent du centre, alors que les droites se radicalisent.


[1] Philosophe français (1772 - 1837).

[2] Philosophe grec (1828 - 1885).

[3] Terme qui fait référence à la présidence de Porfirio Díaz (1830 - 1915), de 1884 jusqu'en 1911. Considéré comme un dictateur, il est à l'origine de la Révolution de 1910.

[4] Ces trois frères ont pris la tête de la première tentative de la Révolution mexicaine.

[5] Courant qui défend l'autonomie des peuples indigènes et des paysans.

[6] Lázaro Cardenas (1895 - 1970) a été président du Mexique de 1934 à 1940.

[7] Victor Serge (1890 - 1947) était un écrivain marxiste, né en Belgique, de parents russes émigrés politiques.

[8] Média de l'Université de Veracruz.

[9] Carlos Illades Aguiar se réfère à la première vague de socialisme en Amérique latine, qui s'est déroulée de la fin des années 90 au début des années 2000.

[10] Président du Mexique depuis 2018.


En español

Socialismo en México : ¿ Qué herencia hay en la sociedad contemporánea ?

« La tierra es la de quien la trabaja ». Esta frase de Emiliano Zapata es un símbolo de las reivindicaciones de la revolución mexicana de 1910. En esa época, el país ya había conocido una primera revolución, solo dos años después de la independencia del país en 1821. Colonizado por España durante tres siglos, este movimiento armado puso fin al imperio de Agustín de Iturbide e instauró una república federal.

La soberanía de México también fue amenazada en los años 1840, cuando Estados Unidos invadió varios territorios mexicanos, entre otras cosas California, Arizona, Nuevo México y Nevada. Francia también quiso controlar el país, imponiendo en 1864 un segundo imperio, encabezado por el austriaco Maximiliano.

Estos acontecimientos claves de la historia mexicana tuvieron un impacto en las corrientes antiimperialistas y socialistas del país. Hoy en día, ¿qué espacio ocupa esta herencia en la sociedad mexicana ?

Con Carlos Illades Aguiar [1], profesor en la Universidad Nacional Autónoma de México y especialista de las izquierdas en México, vamos a repasar la historia del socialismo en México, antes de hablar de la influencia actual de esta corriente en el país.

Carlos Illades Aguiar - El socialismo en México se comenzó a conocer en el siglo 19, desde finales de la década de los treinta y principios de los cuarenta. Allí llegan las primeras ideas del socialismo, sobre todo del socialismo francés, particularmente de Charles Fourier [2]. En 1861, llega a México un inmigrante griego del nombre de Plotino Rhodakanaty, que es el principal difusor del socialismo romántico en el México del siglo 19.

Después, la huella del socialismo queda un poco borrada en el porfiriato [3]. Reaparecerá ya no como socialismo, sino anarquismo, con los hermanos Flores Magón [4] antes y durante la revolución mexicana. Después de la revolución mexicana, se constituye el Partido Comunista Mexicano en 1919. Desaparece en 1981 con voluntad propia para dar lugar a un nuevo partido que se llamará Partido Socialista Unificado de México.

Emiliano Zapata simboliza la revolución, de ahí el nacimiento de la corriente zapatista [5]. ¿ Existe un impacto del zapatismo en la izquierda mexicana ?

Por supuesto. Por un lado engarza con unas múltiples rebeliones campesinas que hubo en México en el siglo 19, incluso programas agrarios, como la ley del pueblo de Alberto Santa Fe.

Por otro lado, tiene el zapatismo una importancia radical en la revolución mexicana en la medida en que generó una reforma agraria temporal en su territorio, una lucha contra el gobierno constitucionalista, una alianza con Francisco Villa que estaba en el norte del país y que tenía una importancia militar mayor que el zapatismo. Y finalmente a ambos los derrotaron.

Pero la demanda agraria permeó a la sociedad mexicana durante el siglo 20, incluso algunas medidas que se tomaron después de la revolución mexicana y específicamente durante el cardenismo en la década de los treinta, con Lazaro Cardenas [6].

Efectivamente, la presidencia de Lázaro Cardenas permitió a muchos socialistas - Leon Trotsky, republicanos antifranquistas - refugiarse en el país. Este periodo fue también marcado por las obras de Frida Kahlo y de Diego Rivera. ¿Le parece que este periodo da un giro en la izquierda del país ? ¿en la política del país ?

Sin duda. Una idea común entre los historiadores mexicanos es que la revolución mexicana culminó en el cardenismo. El cardenismo es el que le da materialidad. Toma decisiones y hace una reforma agraria la más importante del siglo 20 en México, aparte de lo que tú mencionas de la acogida a los emigrados políticos.

También genera por otro lado un gobierno fuerte, reformado por sectores, que es con lo que funcionara el país en buena parte del siglo 20.

Además, no se olvide con la expropiación petrolera. Hay una huelga de los trabajadores petroleros mexicanos en contra de las empresas británicas y es cuando Lázaro Cardenas decide la expropiación, aunque les pagó a las compañías el coste de sus instalaciones.

¿Cuál fue la reacción de Estados Unidos ? ¿Fue un problema para Estados Unidos que haya esta política socialista ?

No tan grande como podría pensarse. En parte es porque Estados Unidos ya estaba pensando en el nacional-socialismo y en la inminente guerra que habría en Europa. Estados Unidos más o menos respeta al régimen de Lázaro Cardenas. Entonces, si bien es cierto que no tenía ninguna simpatía por la expropiación, tampoco intervienen a tal grado de impedirla.

La historia mexicana fue marcada por el colonialismo, la guerra contra Estados Unidos y por el imperio de Maximiliano. ¿Considera que estos acontecimientos tuvieron mucho impacto en la corriente antiimperialista mexicana ? ¿Sigue existiendo el anti imperialismo en México, especialmente contra Estados Unidos ?

El anti-imperialismo no es pasado. Quizás no tenga la fuerza que tuvo décadas atrás pero sigue presente tanto en la cultura política, como también en la cultura popular. Yo creo que en buena parte, el nacionalismo mexicano se configura a partir de la invasión de los Estados Unidos en México en la guerra de 1847 - 1848.

Luego en el siglo 20 y particularmente después de la revolución mexicana, hay un anti-imperialismo en el país, pero también en América latina. Es algo más amplio.

En México, persiste después de la década de los treinta, porque los gobiernos adoptan un nacionalismo económico, con la idea de desarrollar en el país una industria propia. Estos gobiernos emanan de la Revolución, durante varias décadas y están en la línea con algunos aspectos del cardenismo, pero, por otro lado, detienen la reforma agraria. Después eso entra en problemas, y se pensaba incluso que podría casi desaparecer el nacionalismo mexicano cuando se firme el tratado de libre comercio con Estados Unidos y Canadá en 1994. Pero, en realidad, resurge bajo nuevas formas. Quizás menguó un tiempo pero no desaparece e incluso puede pensarse que ha vuelto a crecer.

¿ El antiimperialismo está exclusivamente vinculado con el socialismo ?

Si, en México hay una confluencia. Eso se ve bien en la década de los veinte y después en el gobierno de Cárdenas. Hubo una especie de intento, al menos de algunos intelectuales o sectores, de empatar la revolución rusa con la revolución mexicana. Yo creo que eso lo ves muy bien en los murales de Diego Rivera, juntar a Zapata con Marx y Lenin, por ejemplo. Entonces, aunque comunistas y revolucionarios vienen de lados distintos, vertebran una especie de sinergia, de acercamiento, al menos en el imaginario de la revolución mexicana con la revolución rusa.

Eso se ve en el arte nuevo, por ejemplo cuando viene Alexandra Kollontaï [7], que la envía la Unión Soviética como embajadora en México. Aunque dura muy poco, tiene una acogida muy importante entre sectores de la izquierda de la revolución mexicana. Ocurre también con Diego Rivera - que tiene un papel importante en traer a Trotsky a México - o con Victor Serge [8] en la década de los cuarenta, quién llega también exiliado a México. Hay también un exilio alemán - pequeño pero importante - de comunistas heterodoxos, que están a la izquierda del Partido Comunista Mexicano.

Hoy en día, varios sitios de poder, instituciones, son decorados por murales de artistas comunistas, anti-imperialistas, quienes en estos murales pintan sus opiniones políticas. ¿ Estos murales sólo son testigos de la historia mexicana, o siguen existiendo esas reivindicaciones políticas ?

No creo que haya esta reivindicación - así tan abierta - del socialismo.

Lo que sí ocurrió en el siglo 20, y todavía ahora se manifiesta, es que el comunismo mexicano tuvo bastante éxito en el ámbito cultural. Lo más notorio son los murales, pero también en la literatura, las editoriales y en la formación de los maestros normalistas.

En México, hay un momento importante en los treinta que se adopta la educación socialista. Los maestros - de primaria, de secundaria - leen textos que tienen que ver con la revolución rusa y el marxismo. Los maestros reciben los primeros textos editados en México sobre comunismo y los reproducen en el aula, los cuentan, los narran. Después será en los sesenta y los setenta cuando el marxismo llegue a distintos lugares del país, a las universidades por ejemplo. Los maestros son los lectores, y no hay que olvidar que el sindicato de maestros en México es el más grande de América latina.

Entonces pienso que tiene una importancia, pero pienso que es fundamentalmente cultural. La influencia política es más en el movimiento social que en el gobierno.

Este año, usted declaró en una entrevista con Universo [9] que "el pensamiento mexicano y la historiografía mexicana es sumamente conservadora", y que "si se estudian liberales y conservadores del siglo XIX se hace academia, pero si se estudian la izquierda y el socialismo lo que se hace es grilla". Más allá del ámbito académico, ¿le parece usted que hoy en día, no hay sitio para la izquierda en la política mexicana ?

Eso es cierto y sobre todo cierto en el siglo 19. No se reconoce, o muy poco, una corriente socialista.

Luego en el siglo 20, en los noventa y hasta principios del siglo 21 en México, el discurso neoliberal arrolla el escenario intelectual. Y será en los últimos diez años, en que ya está volviendo como tema de reflexión y de trabajo de investigación a los jóvenes. Hay mucho más tesis, trabajos, ensayos, artículos sobre las izquierdas. Y en alguna manera, un segmento del grupo que gobierna México actualmente viene de esa vieja izquierda, de esa izquierda socialista, particularmente de los que formaban parte del Partido Comunista Mexicano. Son minoritarios en Morena, pero sí son visibles.

En enero del 2019, usted declaró en el diario De reportero "observó una coyuntura mundial desfavorable para un proyecto de izquierda, pues casi todas las izquierdas latinoamericanas han sido derrotadas de manera contundente." En ese tiempo, Bolsonaro y Trump recién habían llegado al poder. ¿ Hoy en día, sigue teniendo la misma opinión ?

Sin duda hubo una segunda ola del progresismo en América latina. Y esa segunda ola fue iniciada por Andrés Manuel Lopez Obrador [10], que fue marginado de la primera ola [11] por no ganar la elección del 2006. No pudo subirse a la primera ola del progresismo, pero inició la segunda ola.

Sin embargo, la segunda ola del progresismo latinoamericano - o llamado desde otros puntos de vista "populismo latinoamericano" - es más conservadora. Han llegado con menos fuerza los presidentes reivindicados como izquierda. Y los que han llegado prácticamente no pueden gobernar.

Pienso por ejemplo en Chile que me parece un caso dramático. En el caso de Brasil, regresa Lula pero por unos aliados que son más cargados a la derecha que los que tenían antes. Entonces son gobiernos con un componente de izquierda más débil. En ese sentido, si viene cierto no es tan dramático como se podría pensar hace cinco años, en cualquier caso no equivale a la primera ola en América latina. Y esto sin mencionar la reciente victoria de Javier Milei en Argentina, que cambia drásticamente el panorama sudamericano.

Por otro lado, a escala más amplia de América latina, es impresionante el aumento de las ultraderechas.

Es difícil saber si esta segunda ola representa una adhesión al socialismo, o solo un cansancio por las políticas anteriores.

Yo creo que hay menos interés. La política de izquierda se ha vuelto más una política callejera, movimientos sociales y no tanto partidarias. Y las izquierdas se han encargado en el gobierno más hacia el centro, en cambio las derechas se han radicalizado.


[1] Carlos Illades Aguiar es doctor en Historia, profesor distinguido de la Universidad Autónoma Metropolitana y miembro de número de la Academia Mexicana de la Historia. Especialista en historia de la izquierda y de los movimientos sociales ha publicado 19 libros como autor único - cuatro de ellos premiados - , entre ellos Las otra ideas. El primer socialismo en México 1850-1935 (2008), Conflicto, dominación y violencia. Capítulos de historia social (2016), El marxismo en México. Una historia intelectual (2018), El futuro es nuestro. Historia de la izquierda en México (2018), En los márgenes. Rhodakanaty en México (2019) y Por la izquierda. Intelectuales socialistas en México (2023).

[2] Filosofo francés (1772 - 1837).

[3] Periodo que hace referencia a la presidencia de Porfirio Díaz (1830 - 1915) desde 1884 hasta 1911. Fue considerado como un dictador y su política provocó la Revolución de 1910.

[4] Estos tres hermanos encabezaron el primer intento de revolución mexicana.

[5] Defiende la autonomía de los pueblos indígenas y de los campesinos, en contra del caciquismo.

[6] Lázaro Cardenas (1895 - 1970) fue presidente de México desde 1934 hasta 1940.

[7] Alexandra Kollontaï (1872 - 1952) fue una mujer politica soviética, socialista, comunista, marxista y militante feminista.

[8] Victor Serge (1890 - 1947) fue un escritor marxista.

[9] Sistema de noticias de la Universidad Veracruzana.

[10] Presidente de México desde 2018.

[11] Carlos Illades Aguiar hace referencia a un fenómeno político en América latine a finales de los 90 y principio de los 2000, en el cual se observó el aumento de la influencia socialista en el continente.