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La nouvelle approche stratégique américaine. La boucle est bouclée

22/08/2021

Par Alexandre Negrus, Président de l'Institut d'Études de Géopolitique Appliquée


Comment citer cette publication

Alexandre Negrus, La nouvelle approche stratégique américaine. La boucle est bouclée, Institut d'd'Études de Géopolitique Appliquée, Paris, Août 2021


pixabay.com
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D'aucuns imaginent la puissance américaine en déclin et brandissent le cas afghan comme le symbole de sa perte de puissance. En réalité il n'en est rien. La première puissance mondiale a préparé, depuis plus d'une décennie, son redéploiement stratégique : un désengagement des théâtres d'opérations méditerranéen et moyen-orientaux, pour se focaliser sur une nouvelle région bien plus stratégique dans la nouvelle guerre économique avec la Chine, l'indo-pacifique. Le « pivot » engagé par Barack Obama est aujourd'hui assumé par Joe Biden.

Loin du déclin, les États-Unis préparent au contraire leurs offensives contre leurs nouveaux adversaires, au premier rang desquels la Chine. Leur méthode ? Ne plus sacrifier des hommes et des budgets dans des guerres sans fin, ne plus tenter d'instaurer à l'étranger une démocratie libérale sur la base de valeurs étrangères [1] dont le résultat est à chaque fois (Irak, Afghanistan) implacable, à savoir le rejet par une partie des populations locales, dont on a trop souvent oublié de prendre en compte le nationalisme et le prisme religieux. De quoi nous interroger dans une autre mesure, en France, sur l'avenir de notre engagement au Mali où les groupes que l'on combat bénéficient d'un soutien populaire.

Quoi qu'il en soit, la puissance américaine, bien que désengagée des théâtres d'opérations, disposera toujours de puissants moyens de détection [2] sur les théâtres où elle s'est désengagée. En cas de nécessité, elle pourra toujours dissuader et frapper lorsque ses intérêts seront directement menacés. Si le théâtre afghan est essentiellement une affaire locale et régionale, qui devra se régler aux échelles locale et régionale, les États-Unis ont déjà noué le contact avec les forces vives en Afghanistan. Les Américains connaissent bien Abdul Ghani Baradar, qualifié de premier vice-commandeur des croyants de l' « Émirat islamique d'Afghanistan » et chef du bureau politique des talibans. Arrêté au Pakistan en 2010, il a été libéré en 2018 à la demande des États-Unis qui ont fait de lui leur principal interlocuteur. Dès lors, aujourd'hui, les États-Unis ont un contact au plus haut niveau avec les talibans [3].

Pour l'heure, la priorité américaine est dans les océans Indien et Pacifique, en mer de Chine méridionale, dans le détroit de Malaca, le canal de Panama et toute l'Asie du Sud-Est [4]. Plus que jamais, l'Union européenne doit penser à son autonomie stratégique. Si la présidence Trump avait imposé aux Européens de repenser leurs intérêts stratégiques, certains voyaient en l'élection de Joe Biden le retour de l'allié américain, garant de nos intérêts et de notre protection. Grand mal leur en a pris. Sur les plans géopolitique et géoéconomique, les prochaines décennies seront guidées par la compétition sino-américaine [5]. C'est là que se nouent les nouveaux équilibres stratégiques.


[1] Gérard ARAUD (éd.), La note que n'osera peut-être pas écrire le Quai d'Orsay, Le Point, Paris, 19 août 2021.

[2] Idem.

[3] Les nouveaux maître de l'Afghanistan, Le Point, Paris, 19 août 2021, p. 38.

[4] Frédéric ENCEL, Nouvelle (fausse) mort de la puissance américaine, L'Express, Paris, 19 août 2021.

[5] Thomas GOMART, L'Affolement du monde. 10 enjeux géopolitiques, Tallandier, Paris, 2019, p. 21.