Intimidation militaire en Iran : la continuité des sanctions américaines
Par Rodolphe Danjou, co-responsable de la Commission Sécurité & Défense.
Suite à la prise d'otages à l'ambassade des États-Unis à Téhéran le 4 novembre 1979 [1], ces derniers appliquent leur première sanction contre l'Iran avec le gel des avoirs iraniens. Cette sanction, qui implique uniquement les États-Unis, est insuffisante selon le gouvernement américain. Il poursuit en ce sens, en imposant le premier embargo cinq ans plus tard, lequel visera à stopper le commerce de l'armement et les crédits financiers pour enrayer le projet iranien d'un accès à l'énergie nucléaire et à l'acquisition d'une force militaire. Cette militarisation est en effet préoccupante pour les États-Unis qui considèrent l'Iran comme l'antichambre du terrorisme. Les embargos vont alors se succéder et l'on note un embargo commercial particulièrement agressif en 1995.
Sous G.W Bush, quatre résolutions du Conseil de sécurité vont prévenir du danger iranien. Rédigée par les États-Unis, la dernière en date élargit la capacité de contrôle sur l'Iran : les activités nucléaires iraniennes seront limitées à l'étranger et les navires jusqu'ici inspectés à quai, pourront l'être en mer dans le cas iranien (sous réserve du pavillon). Fortement contraints par le Conseil de sécurité des Nations Unies, l'Iran jouit d'un cessez-le-feu pendant la présidence de B. Obama à la présidence américaine. Pour Téhéran, l'Accord de Vienne est une résurrection qui permet au pays de reprendre les échanges commerciaux et sa coopération scientifique. La Chine et l'Inde reprennent les affaires commerciales avec Téhéran sur le secteur pétrolier tandis que l'Union Européenne s'allonge sur un échange économique plus large et renoue la coopération scientifique. La France relance les partenariats entrepris en 2005 avec le Partenariat Hubert Curien (PHC), mis en place juste avant l'approbation des Nations Unies pour les sanctions appliquées à l'Iran. Ce sont aussi des établissements membres de la Conférence des Grandes Ecoles (CGE) avec parmi elles les études d'ingénierie, qui sont incluses dans le partenariat.
Ce regain de proximité avec l'Iran n'est pas du goût de D. Trump dont une des promesses électorales était de rompre l'Accord de Vienne. Celui-ci rompu en Mai 2018, c'est la fin du libéralisme avec l'Iran et les États-Unis pourront appliquer le Foreign Corrupt Pratices Act (FCPA), adopté par l'OCDE en 1997 pour une bonne conduite diplomatique qui mettrait les puissances économiques mondiales sur un pied d'égalité. Cet accord interdit par ailleurs aux banques étrangères d'être en relation avec la banque centrale d'Iran pour financer les achats de pétrole iranien. L'Union Européenne aurait dû se douter du danger que représentait cet engagement déjà contraignant, avec les lois américaines de lutte contre le contournement d'embargo adoptées l'année précédente (loi Helms-Burton et loi Amato-Kennedy).
Selon Ali Laïdi, chercheur et journaliste sur les questions de terrorisme et de guerre économique, lorsqu'une entreprise est cotée en bourse à Wall Street, elle est accueillie par le territoire américain. De cette façon, les lois américaines sont applicables aux entreprises étrangères qui sont répréhensibles devant la loi, et pour lesquelles l'administration américaine a la possibilité d'ouvrir une enquête. L'intrusion américaine devient alors un risque énorme à prendre en compte dans l'intelligence économique des entreprises. C'est ce que l'on appelle l'extra-territorialité du droit. Le libéralisme économique est donc dicté par la guerre économique.
Les entreprises doivent donc avoir le consentement de l'Office of Foreign Assets Control (OFAC), dépendant du Département du Trésor des États-Unis en charge des sanctions internationales. En Juillet 2019, l'OFAC émet plusieurs communiqués de presse pour prévenir la Chine des sanctions qui lui incombent pour ses échanges commerciaux, le Ministre des Affaires étrangères iranien pour son affiliation au Guide Suprême, ou l'industrie aéronautique iranienne.
Mais la guerre économique n'est pas à la hauteur de l'ambition américaine déjà affichée par G.W BUSH, désireux de terminer son mandat en réprimant toute tentative iranienne d'accès à l'arme nucléaire. B. Obama marque une rupture en adoptant un soft power dans la ligne diplomatique globale par la signature de l'Accord de Vienne tandis que D. Trump revient sur une politique étrangère plus agressive et semble engager véritablement son pays, quand G.W BUSH le faisait derrière le Conseil de sécurité (cf : Graphique de l'historique des sanctions).
[1] : Arman Tai, Alexis Benlarbi - De Carvalho, « Les relations irano-américaine : des tensions permanentes. Quels risques pour le Moyen-Orient ? », Ambassadeurs de la Jeunesse, 03 août 2019. https://www.ambassadeurs-jeunesse.org/l/les-relations-irano-americaines-des-tensions-permanentes/