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Guerre en Ukraine : du temps court au temps long

26/02/2022

Mise à jour le 27 février 2022 à 13h32 (Paris)

Par Alexandre Negrus, président de l'Institut d'études de géopolitique appliquée


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Comment citer cette publication

Alexandre Negrus, Guerre en Ukraine : du temps court au temps long, Institut d'études de géopolitique appliquée, Paris, 26 février 2022


Les prochaines heures et les prochains jours rendront caduques certaines lignes qui suivront. Mais à ce stade, il est déjà possible de réfléchir sur la situation du temps court au temps long. Kiev (et toute l'Ukraine) va continuer de subir de violents assauts militaires de la Russie. Mais Poutine pensait prendre la ville bien plus rapidement. Force est de constater qu'il avait sous-estimé la capacité de résistance des forces ukrainiennes (l'effet de surprise nécessaire à une attaque militaire efficace a largement été annihilé par le renseignement américain), bien plus préparées qu'en 2014 en qui ont même tiré les leçons de l'époque. Et si la puissance militaire de la Russie est supérieure à celle de l'Ukraine, il convient de savoir que les forces russes sont bien plus performantes dans les opérations de déstabilisation et les actions hybrides que dans les configurations des conflits contemporains. La Fédération de Russie a investi dans son armée ces dernières années, mais les forces russes ne sont pas aussi prêtes et entraînées qu'on ne le croit. Je ne sous-entends pas qu'ils sont faibles militairement, car ils détruisent actuellement l'Ukraine avec la détermination d'un paranoïaque qui réécrit l'histoire à sa façon comme tout dictateur. Mais en intervenant en Ukraine, la Russie s'expose à une résistance solide qui causera un certain nombre de pertes si elle venait à s'engager durablement au sol. Ces dernières heures, nombre de pays occidentaux ont annoncé un soutien à l'Ukraine. En sus du soutien humanitaire, le régime ukrainien va bénéficier d'un envoi de stocks d'armes et de financements supplémentaires. L'Allemagne effectue d'ailleurs un revirement stratégique par rapport aux dernières années, en autorisant à son tour le transfert d'armes létales sur une zone de conflit. Une configuration qui constituera un tournant. 

Autre information très importante : Poutine et Kadyrov ont envoyé leurs contingents combattants tchétchènes pour se battre en Ukraine. « Des hordes de djihadistes lancées à l'assaut d'un pays européen » a écrit le journaliste Thibault Muzergues le 26 février 2022.

En tout état de cause, les citoyens Russes auront du mal à comprendre/admettre les cercueils de soldats russes qui rentreront au pays et cela aura aussi un certain impact à long terme. Actuellement les Russes sont en état de sidération, bientôt ils seront gagnés par l'inquiétude. Et il y a ce qu'Arnaud Dubien qualifie de majorité silencieuse, qui ne cautionne pas ce que le régime russe fait actuellement mais ne l'exprime pas (peur des représailles entre autres). Mais cette catégorie de Russes ne soutiendra pas Poutine si dans un avenir proche ou lointain il était mis en difficulté.

À long terme, le grand perdant de cette séquence sera Vladimir Poutine. Elle ouvrira de nouvelles discussions stratégiques sur les concepts d'autonomie stratégique européenne, de défense européenne, le rôle et l'avenir de l'Alliance atlantique. 

S'agissant des sanctions économiques à l'encontre de la Fédération de Russie, leur niveau est de plus en plus robuste. S'il commence à atteindre ce qui peut être le maximum, nul doute que les autorités occidentales gardent encore des leviers en cas d'escalade ou de négociations. Aujourd'hui, on peut écrire que la Russie va se retrouver très largement exclue financièrement et économiquement du monde occidental. Beaucoup écrivent et disent qu'elle peut compter sur la Chine. Certes, mais à long terme, dépendre de la Chine pourra se retourner contre elle et Poutine le sait. Désormais, une autre inconnue : quelle sera la réaction de Vladimir Poutine ? Il faut s'attendre soit à une escalade de sa part qui pourrait aller au-delà de l'Ukraine (les Occidentaux se préparent à des cyberattaques massives), scénario évidemment le plus redouté, soit à un recul. Il y a sans doute un entre-deux qui peut nous échapper quand nous ne sommes pas aux affaires. 

Enfin, Zelenski a raison de refuser des "négociations" au Bélarus. D'une part la délégation qui représenterait la Russie serait conduite par Medinski, ancien ministre de la Culture qui n'est, vous le comprendrez, pas le plus à même de négocier quoi que ce soit et, d'autre part, le Bélarus est le pays depuis lequel la Russie a envahi l'Ukraine. Genève serait l'endroit idéal pour des négociations.