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Élection présidentielle équatorienne de 2023 : quels enseignements ?

20/11/2023

Par Emma Giuliano, responsable du département Amérique latine de l'Institut d'études de géopolitique appliquée.


Les élections présidentielles du 7 octobre 2023 en Équateur se sont tenues dans un contexte inédit. Accusé de malversations liées à un contrat public sur le transport de pétrole brut, le président Guillermo Lasso a préféré dissoudre l'Assemblée, déclarer sa destitution et convoquer des élections extraordinaires. Ce scénario est souvent désigné sous le terme de « mort croisée », car la décision du président de raccourcir le mandat des députés entraîne également un raccourcissement de son propre mandat.

Cette campagne a été caractérisée par plusieurs paramètres qu'il convient d'analyser pour mieux en comprendre les enjeux. L'assassinat de Fernando Villavicencio, candidat du parti Construye, a mis en évidence plusieurs problèmes endémiques dont le plus évident est la pénétration de la violence qui découle de l'activité des groupes criminels dans la vie politique. L'État manque visiblement à son devoir de garant du monopole de la violence légitime. Si ce vice a déjà gangrené le paysage politique d'Amérique centrale, il semble se généraliser massivement dans le reste du continent. Le débat politique continue par ailleurs d'être dominé par le clivage traditionnel entre correistes et populistes. 

Daniel Noboa (Acción Democrática Nacional) et Luisa González (Revolución Ciudadana), deux figures idéologiquement divergentes, se sont opposés pendant cette campagne singulière. D'un côté, l'ambassadrice du correisme qui incarne l'époque prospère et stable du gouvernement de Rafael Correa propose des changements ambitieux et révolutionnaires. De l'autre, le fils de l'homme le plus riche du pays qui se revendique de centre gauche trahit une sensibilité néo-libérale par le monde des entreprises privées duquel il est issu. Finalement, la confrontation de ces deux paradigmes traduit davantage de continuité que de changement et témoigne de la longévité de la polarisation qui caractérise la toile politique équatorienne. 

Si Luisa González a su séduire l'électorat pendant les premières semaines de la campagne atteignant 40% des intentions de vote dans les sondages, Noboa a su récupérer l'électorat choqué par l'assassinat de Villavicencio grâce à ses propositions stratégiques et ambitieuses pour lutter contre le crime organisé.

Daniel Noboa, le nouveau chef de l'État, complètera le mandat de son prédécesseur jusqu'à début 2025, accompagné par une Assemblée nationale polarisée dont les bancs sont majoritairement occupés par les législateurs de Revolución Ciudadana. Cette situation remet en question la capacité du président à tenir ses promesses électorales, surtout sur des sujets qui divisent comme l'éducation ou la sécurité. En outre, la durée limitée du mandat ainsi que la crise économique et sécuritaire que traverse le pays seront des défis majeurs pour le jeune président amateur en politique. La déterritorialisation du trafic de drogue fera partie, entre autres, des axes de travail prioritaires pour le gouvernement et il conviendra à Noboa d'identifier la manière la plus adaptée pour récupérer le contrôle de l'État.