Les armes de destruction massive au coeur de l'actualité
Entretien réalisé par Florian Bunoust-Becques, Directeur du Pôle Armées de Notre Centre de recherche.
Le Colonel Claude Lefebvre est actuellement consultant indépendant en technologies de défense NRBC et gestion crise. Il est également conseiller scientifique au sein du Centre International de Recherche & d'Analyse des Ambassadeurs de la Jeunesse.
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Florian Bunoust-Becques : Mon Colonel, vous venez de publier avec Guillaume WEISZBERG l'ouvrage intitulé « Les armes de destruction massive et leur interdiction » aux éditions L'Harmattan. Pourquoi cette publication ?
Claude Lefebvre : J'ai servi plus de 37 ans dans l'Armée de terre dont 17 années dans des unités d'Artillerie nucléaire de 1975 à 1992 (période de la « guerre froide ») avant de rejoindre le domaine de la défense Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique (NRBC) pour une seconde partie de carrière de 20 années. C'est dire que je connais bien la nature et surtout les effets dévastateurs pour ne pas dire apocalyptiques des Armes de Destruction Massive (ADM).
Il m'est donc apparu naturel et logique de rejoindre le docteur en Droit Guillaume WEISZBERG, fervent défenseur du démantèlement des ADM dans sa démarche de rédiger un ouvrage en ce sens en y apportant plus un regard technique et scientifique que juridique.
F. B-B : La configuration des conflits actuels nous laisse à penser que les stratégies militaires sont de plus en plus obsolètes face à l'émergence des groupes terroristes. Dans ce contexte, quel impact et quel rôle auront les ADM, en particulier les armes chimiques et biologiques ?
C.L : Dans tout conflit asymétrique, il est fort à craindre que le belligérant le plus faible ou le moins armé, puisse être tenté d'utiliser des armes non conventionnelles. Les déclarations de Ben Laden lorsqu'il était leader du mouvement terroriste Al-Qaïda ne laissent aucun doute à ce sujet. Il est donc absolument nécessaire de prendre en compte la possibilité d'emploi de telles armes par un mouvement terroriste qui n'a pas les moyens d'engager une guerre ouverte contre les Nations auxquelles il s'oppose idéologiquement. Il est donc de la responsabilité des États de tout faire pour contrer une telle menace.
Dans un tout autre contexte, malgré les multiples traités internationaux, force est de constater que la course aux armements les plus sophistiqués n'a pas cessé avec l'éclatement du bloc de l'Est. Bien au contraire, les recherches dans le domaine très spécifique des ADM a tendance à prendre de l'ampleur. La puissance et la diversité des armes nucléaires se sont considérablement accrues (missile SATAN Russes par exemple) ainsi que la vélocité des vecteurs (missiles hypersoniques).
Le domaine des armes de destruction massive est donc bien un sujet d'actualité qu'il convient de suivre très attentivement afin de pouvoir anticiper et développer des moyens de protection encore plus sophistiqués qui répondent aux nouvelles menaces.
F. B-B : Peut-on affirmer que les dispositifs internationaux en vigueur en faveur de la non-prolifération des ADM sont efficaces ?
C.L : C'est l'un des sujets principaux abordés dans l'ouvrage qui est paru en 2019. Force est de constater que malgré les traités, accords et conventions internationaux visant à interdire la prolifération des ADM ainsi que leur développement, la course à la prédominance militaire dans ce domaine ne s'est pas particulièrement ralentie.
Les faits d'actualité récents ont démontré la faiblesse de accords qui, s'ils ont été parfois signés, n'ont pas forcément été ratifiés.
Les essais menés par la Corée du Nord, le développement des armes nucléaires de la Russie, le retrait des États-Unis des instances internationales visant à la limitation et au démantèlement des armes nucléaires, entre autres, montrent bien la limitation de la portée des différents traités souvent bafoués par les États nucléarisés.
F. B-B : La crise sanitaire actuelle du COVID-19 nous interroge quant à la préparation de l'État français et de nos armées, en particulier le Service de santé des Armées (SSA), à faire face à des crises de nature biologique et bactériologique. Quel est votre point de vue sur le sujet ?
C.L : Les Armées Françaises (Air, Mer et Terre) ont toujours pris en compte les menaces à caractère NRBC. Leurs personnels sont formés et s'entraînent régulièrement à faire face à ce type de menace dans toutes leurs composantes : détection, identification, protection, décontamination et prophylaxie.
Elles sont dotées de matériels performants qui évoluent au rythme des recherches et développement des programmes qui visent à mettre à leur disposition les meilleurs systèmes de protection du moment (nouveau masque de protection respiratoire, nouvelles tenues de protection, nouvelles méthodes de décontamination, nouveaux traitements médicaux plus efficaces, plus ciblés, etc.). Le domaine des risques et menaces biologiques (et non bactériologique qui est un terme trop réducteur - le Covid-19 étant par définition un virus et non une bactérie) fait l'objet de recherches continues et ciblées dans les laboratoires de type P4 de la DGA et du Service de Santé des Armées (IRBA : Institut de Recherches Biomédicales des Armées).
Ces laboratoires travaillent bien entendu en coopération avec les laboratoires civils pour mettre au point les techniques les plus adaptées pour contrer la prolifération du coronavirus, soyez-en persuadé.