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La fin des feux en Australie : conséquences environnementales et géopolitiques

10/09/2020

Céline Clément, Déléguée Asie du Sud, Pacifique & Océanie de l'Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, s'est entretenue avec David Frederic Camroux. Il enseigne à Sciences Po depuis 1987 ainsi qu'aux universités de Keio (Tokyo), Yonsei (Séoul) et Malaya (Kuala Lumpur).

Comment citer cet entretien :

David Frederic Camroux, « La fin des feux en Australie : conséquences environnementales et géopolitiques », Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, Juillet 2020. URL : https://www.institut-ega.org/l/la-fin-des-feux-en-australie-consequences-environnementales-et-geopolitiques/


Céline Clément : Il y a des feux de brousse chaque année en Australie ; mais depuis juin 2019, le pays est touché par des incendies sans précédents. Ces derniers sont déclarés éteints depuis mars 2020, mais les conséquences environnementales sont terribles. À l'époque, les scientifiques prévoyaient environ un milliard d'animaux morts. On sait aujourd'hui, grâce aux rapports récents de WWF, que ce fut aux alentours de trois milliards. Il s'agit donc d'un désastre écologique sans précédent, et d'un désastre humain.

Cette catastrophe a pris une telle ampleur que la communauté internationale a réagi. Il est temps aujourd'hui d'établir un bilan de la catastrophe aux niveaux politique, environnemental et géopolitique, et d'étudier l'aide internationale reçue par l'Australie.

Des images choquantes des incendies ont été diffusées dans la presse internationale de juin 2019 à mars 2020. Des conséquences écologiques et humaines sont désormais observables, telles que l'accélération de la fonte des glaciers en Nouvelle-Zélande provoquée par la fumée et les cendres, ou encore les nombreux décès directs ou indirects d'animaux et d'humains. Après ces événements, peut-on parler d'une nouvelle ère de conscience environnementale parmi les australiens et la communauté internationale ?

David Frederic Camroux : On aurait pu le penser tout de suite après les incendies, mais entre temps la COVID-19 est arrivée avec d'autres sujets de préoccupation qui ont éclipsé cette prise de conscience de la situation environnementale en Australie. Pour situer, il faut comprendre plus de choses.

Premièrement, le système politique australien est un système fédéral, comme aux États-Unis, au Canada ou en Allemagne. De ce fait, la gestion des feux de forêts est traditionnellement la responsabilité des États, avec des volontaires au sein des services de pompiers des États. Le gouvernement fédéral a réagi tardivement en disant que ce n'était pas de sa responsabilité mais celle des États. On sait que ces feux étaient prévisibles. Il y avait un rapport qui date de 2009, de la Commission Garnaut, qui a prévu avant 2020 que l'Australie allait rencontrer des feux de forêts importants. On le savait depuis 10 ans. Les scientifiques ont prévenu qu'avec le changement climatique, l'Australie risque d'avoir des incendies terribles.

C'est vrai, comme vous l'avez dit, que l'Australie a chaque année des feux de forêts. Plusieurs choses diffèrent dans le cas des incendies de 2019. Premièrement, au niveau environnemental, ces feux n'ont pas simplement touché les forêts au climat tempéré dans le Sud, où il y a des espèces d'eucalyptus qui ont besoin de feu pour se propager. Les aborigènes le savent depuis 40 000 ans, ils allument eux-mêmes les feux pour régénérer les forêts. Ce qui est différent cette fois, c'est qu'avec le changement climatique, il n'y a pas seulement les forêts du Sud, mais aussi les forêts plus au Nord, les forêts tropicales qui en général ne sont pas touchées par les feux, qui ont aussi brûlé. Donc pour la première fois dans l'histoire de l'Australie, on a des feux de forêts pas simplement dans le Victoria et dans la Nouvelle-Galles du Sud, mais aussi le Queensland, l'Australie-Occidentale et Méridionale. C'est une catastrophe nationale.

Ces feux sont arrivés dans une Australie où il y a une prise de conscience du changement climatique qui était un enjeu des élections législatives au niveau fédéral du mois de mars, où on a prévu une victoire des travaillistes - centre gauche - alliés avec des mouvements verts.

Sans rentrer dans les détails, il s'agit d'un vote préférentiel et alternatif, qui a un peu le même impact que le système de deux tours en France. C'est-à-dire que pour le premier tour, on choisit sa première préférence, on vote avec son cœur. Et pour le deuxième tour, on vote avec la raison. C'est un peu cela qui est arrivé pour les préférences de ceux qui ont voté pour les verts, ou bien pour les partis qu'ils leur sont le plus proches, comme le parti travailliste (un des deux grands partis, avec le parti libéral de centre-droit). On avait prévu une victoire travailliste, étant donné aussi le désarroi dans le parti conservateur qui a changé son choix de Premier ministre trois fois en l'espace de même pas 10 ans - même encore moins, 5 ou 6 ans. C'est un discrédit du centre-droit, mais malheureusement les travaillistes ne sont pas passés, ils étaient trop honnêtes. D'abord, ils ont affirmé que pour faire face au changement climatique, il faudrait une taxe carbone et qu'on devrait payer plus pour l'énergie. En outre, ils avaient un leader qui a « le charisme d'un expert-comptable ». C'est cela, la différence avec la Nouvelle-Zélande où il y a un leader charismatique, une femme avec un vrai sens de l'empathie.

En Australie, le Premier ministre Scott Morrison est un ancien responsable de publicité et marketing - on le surnomme « Scottie from marketing » - mais qui a un vrai discours populiste. C'est un peu le Trump australien, qui a nié le changement climatique. Il a déclaré que de toute façon, l'Australie est responsable de 1,3% des émissions de gaz à effet de serre du monde. Notre contribution est minime, et on ne devrait pas faire d'efforts. C'est un discours malhonnête car si on ajoute les émissions de gaz à effet de serre de tout le charbon et le gaz vendus par l'Australie en Chine et ailleurs, on arrive plutôt à 6% des émissions. Scott Morrison a réussi à gagner ces élections, du côté des conservateurs du parti libéral. C'est la première fois que quelqu'un issu du courant évangélique, dans une configuration très proche de celle des États-Unis, arrive au pouvoir. Lui-même a d'ailleurs affirmé que le fait d'arriver au pouvoir était un miracle digne du destin de Dieu. Il a minimisé toutes les questions de changement climatique. En ce qui concerne les feux de forêts, il a déclaré que cela ne sortait pas de la normale, car toutes les années il y a des feux de forêts. Ce discours a tenu quelques semaines - mais quand les feux ont continué sans s'arrêter, et que par-dessus ça il est parti en vacances à Honolulu (Hawaï), il a été à son retour vivement critiqué.

Il a fait comme tous les populistes quand il y a un problème : il a envoyé l'armée. Pour se rattraper de sa posture selon laquelle il ne s'agissait pas de la responsabilité du gouvernement fédéral mais de celle des États, il a décidé d'envoyer l'armée de l'air et la marine nationale pour faire évacuer les vacanciers des plages, notamment dans le Sud. Ceci m'a personnellement beaucoup touché, car je vois en flammes mon enfance - ce n'est pas une situation abstraite, ce sont des endroits où j'ai passé des vacances avec ma famille, c'est cette naïveté et cette innocence qui sont parties en flammes.

Ces feux entraînent des conséquences politiques directes sur la popularité du Premier ministre, qui a une majorité relativement restreinte - un ou deux sièges de majorité au Parlement. Comme il n'y a pas d'élections prévues avant 3 ans, il a pu faire face à toutes ces critiques en faisant un petit mea culpa, mais en restant ferme sur ses positions. Ce qui est dramatique aussi, c'est l'erreur politique - car comme je vous l'avais dit, c'était prévisible depuis 2009, et durant le mois des élections en mars, les chefs des services des pompiers des différents États, volontaires la plupart, ont demandé une réunion à Canberra pour prendre des décisions avant l'arrivée des feux. Mais le Premier ministre a décidé de ne pas les recevoir.

CC : Pensez-vous que cette politique intérieure risque de continuer face à la possibilité que des feux d'une telle ampleur continuent ? Changera-t-il son discours et prendra-t-il des mesures ?

DFC : Je pense qu'il va prendre des mesures, déjà du fait de la COVID-19. Scott Morrison a été « sauvé par la COVID-19 ». C'est une responsabilité des États, mais au niveau de la réponse économique, comme en France et comme en Europe, la réponse doit être à la hauteur de l'enjeu du fait pandémique. Jusqu'à il y a deux semaines, l'Australie a plus ou moins réglé son problème de COVID-19, mais on est déjà dans la deuxième vague dans le Victoria. Cette fois, il a appris de ses erreurs des feux de forêts et a convoqué ce qu'il a appelé le Cabinet national, avec les Premiers ministres des 6 États ainsi que le Premier ministre au niveau fédéral pour coordonner entre les États et le gouvernement fédéral les réponses à la COVID. On voit déjà, dans le projet de réponse économique, qu'il y a une prise en compte de la dimension climatique et de la nécessité de faire face aux changements climatiques.

CC : Quelles aides internationales a reçu l'Australie pendant et après les incendies ? Ces aides internationales sont-elles révélatrices des relations internationales de l'Australie ?

DFC : L'aide internationale n'était pas énorme. L'Australie est un pays riche, et n'avait pas trop besoin d'aides de ce genre. Mais d'autres types d'aides ont été apportés, comme les avions de bombardiers d'eau qui sont venus des États-Unis. Ça, c'est une manifestation d'une alliance avec le grand frère américain. Donald Trump et Scott Morrison sont des populistes qui s'aiment, ils ont le même genre de discours, donc ils s'apprécient. De la France, par rapport au Pacifique Sud, car notre voisin le plus proche est la Nouvelle-Calédonie, c'était plutôt de l'aide d'avions et de bombardiers à eau qui sont venus d'ailleurs.

CC : On a vu aussi en juin 2008, lors d'un discours de l'Asia Society de Sydney, le Premier ministre Kevin Rudd qui avait annoncé le projet « Communauté de l'Asie-Pacifique à horizon 2020 ». Ce projet visait une coopération avec l'ensemble des pays d'Asie Pacifique sur des sujets assez divers comme le libre-échange, la coopération, l'anti-terrorisme, les questions sécuritaires mais aussi beaucoup de coopération au niveau des catastrophes naturelles et en cas de pandémie. Cependant, le projet n'a pas été mené à bout car des pays de l'ASEAN avaient fortement dénoncé ce projet en 2009. Aujourd'hui, avec les catastrophes des incendies australiens et la pandémie, l'Asie Pacifique n'avait-elle pas besoin d'un projet tel que la « Communauté de l'Asie-Pacifique » (CAP) ? Est-ce qu'on ne peut pas voir ce type de coopération à l'avenir ?

DFC : C'est une très bonne question. J'étais à Sydney en 2009 pour le lancement de ce projet de Kevin Rudd. C'est le premier Premier ministre travailliste sinophone, ancien diplomate qui a fait un discours à Pékin en pékinoiset qui dit des vérités sur la Chine. Maintenant, il dirige l'Asia Society aux États-Unis, et n'a plus de carrière politique. L'Asie-Pacifique, le projet de Rudd, n'a pas marché, parce que ce qui compte pour les pays de l'ASEAN c'est la centralité de l'ASEAN : il faut construire autour de cet organisme, les pays d'Asie du Sud-Est, et leur région l'Asie-Pacifique.

Rudd, en faisant peu de cas de l'importance de l'ASEAN, a échoué dans son projet. Mais ce dernier est revenu sous d'autres formes. L'APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation), qui date de 1989, est à l'origine un projet conjoint coréen et australien, porté par les Japonais, comme c'est souvent le cas avec des alliances de moyennes puissances. Et c'est cela, je pense, qu'on verra de plus en plus dans cette région. L'APEC a donné naissance, avec la présidence d'Obama, à ce fameux pivot, ce virage vers l'Asie-Pacifique. Ceci a donné ensuite à un accord de libre-échange appelé TPP (Trans-Pacific Partnership) qui a été lancé par Barack Obama à Honolulu en 2016. La première chose qu'a faite Donald Trump, c'est de s'échapper de ce projet de libre-échange. Dix jours après son investiture en janvier 2017, il a fait sortir son pays de ce projet. L'objectif était de construire la région Asie-Pacifique autour des normes promues par les États-Unis, c'est une bêtise géopolitique majeure de Donald Trump, mais vu que c'était d'Obama, tout ce qui relève de ce dernier devait être changé. À Washington on n'utilise plus l'expression d'Asie-Pacifique. L'expression en vogue, désormais, est l'Indo-Pacifique.

L'idée de l'Indo-Pacifique est une idée promue également par l'Australie depuis 2013. C'est dans les premiers documents du Ministère des Affaires Étrangères et de la Défense. Il y a une vision de l'Indo-Pacifique en Australie. C'est une expression qui fait consensus dans le pays au niveau de la politique interne. Ce qui a poussé ce projet, ce concept, ce sont les femmes et les hommes politiques de l'Australie-Occidentale, à Perth. Deux ministres des Affaires Étrangères, Kevin Beasleyet Julie Bishop. Les gens de Perth ne se retrouvaient pas dans l'expression « Asie-Pacifique ». Avec la notion d'Indo-Pacifique, tout le monde est content parce que l'Australie, avec ses deux faces maritimes, trouve sa place.

Ce concept a aussi été promu par les japonais, et c'est le Premier ministre japonais Shinzō Abe qui a soufflé le mot à Donald Trump en l'informant de l'importance du projet s'il voulait une coopération entre les grandes démocraties régionales : les États-Unis, l'Inde, le Japon et l'Australie. On a donc les bases et les codes qui ont poussé à promouvoir cette notion d'Indo-Pacifique. Le Premier Ministre indien, Modi, a aussi rejoint ce dispositif pour sa propre vision de l'importance de l'Inde entre l'océan Indien et Pacifique.

Donald Trump utilise désormais davantage cette expression. Les pays de l'ASEAN n'étaient pas très satisfaits, mais les indonésiens qui ont une diplomatie assez habile et fine sont revenus en proposant une vision de l'ASEAN et de l'Indo-Pacifique parce que pour eux, l'Indo-Pacifique a un sens aussi. Les Indonésiens se considèrent comme un peuple charnière entre les océans Pacifique et Indien. Culturellement ils sont en grande majorité musulmans, donc liés au Moyen-Orient par les questions de religion - mais ils se trouvent bien sûr dans le Pacifique. Ça correspondait à cette idée promue par les Indonésiens, surtout l'ancien Ministre des Affaires Étrangères, Marty Natalegawa, formé en Australie, qui a poussé cette idée d'Indo-Pacifique - et aussi de l'Indonésie comme pivot maritime. Les Indonésiens ont développé leur propre concept d'Indo-Pacifique : l'année dernière ils ont fait accepter cette vision par les pays membres de l'ASEAN, parce que cela renforce la centralité de l'ASEAN dans l'Indo-Pacifique.

Ceux qui ne sont pas très contents de cette notion de l'Indo-Pacifique, ce sont les Chinois, parce que dans l'idée de Donald Trump, l'Indo-Pacifique est un instrument d'endiguement contre les Chinois, comme au temps de la guerre froide. Maintenant, certains pensent qu'on rentre dans une deuxième guerre froide avec la Chine car nous ne sommes plus seulement dans un conflit commercial, mais dans une situation de risque d'un accident militaire grave. Le conflit sino-américain échauffe tous les esprits, et les alliés des États-Unis ainsi que des pays de l'ASEAN ne veulent pas choisir entre la Chine et les États-Unis. C'est là, le défi pour l'Australie. La Chine est son premier partenaire commercial et les États-Unis sont le grand allié. On ne veut pas être forcés de choisir entre son protecteur et son banquier. La diplomatie américaine a fait cette grande erreur, d'essayer de forcer les pays de la région à choisir entre la Chine et les États-Unis.

CC : Dernièrement, le 4 juin 2020, il y eu un accord militaire entre l'Inde et l'Australie : le Mutual Logistics Support Agreement, qui renforce le soutien de la notion d'Indo-Pacifique et promeut un rapprochement entre les gouvernements australien et indien. Pensez-vous qu'il s'agit d'une réaffirmation de l'Indo-Pacifique et que l'Australie choisit le populisme de par son engagement politique ?

DFC : Il est clair que l'Australie est progressivement liée avec l'Inde. Il y a des amitiés de longue date, ce sont quand même deux pays qui sont les contributions de l'Empire britannique. Il y a aussi effectivement la diaspora indienne en Australie qui augmente en importance. C'est plutôt l'Inde qui bouge de sa neutralité, parce que comme les États-Unis ou l'Australie, elle est confrontée à une Chine de Xi Jinping qui s'affirme et devient de plus en plus agressive. On est loin de l'époque de Deng Xiaoping, où on disait qu'il suffisait que la Chine trouve son moment. La diplomatie chinoise est passée du « peaceful rise and harmonious development » à la « Wolf and Warrior diplomacy ». Nous avons aujourd'hui un ambassadeur chinois à Canberra qui dit d'une façon très peu diplomatique que l'Australie est « un chewing-gum collé à sa semelle ».

Donald Trump doit trouver, pour sa réélection, des ennemis à la fois internes et externes - c'est le classique des autocrates : quand il y a des problèmes économiques et domestiques, il faut trouver un ennemi. C'est la Chine, maintenant ce sont les gauchistes radicaux à Portland - ennemis internes - ou les radicaux démocrates. On a cela d'un côté, et de l'autre une Chine de Xi Jinping qui devient de plus en plus autoritaire, qui se ferme de plus en plus et est de plus en plus agressive, ce qui entraîne aussi - et ceci est une bêtise diplomatique - le fait que les pays de l'ASEAN commencent à montrer un peu plus de solidarité entre eux. Par exemple, entre le Vietnam et les pays qui sont les clients de la Chine et qui ont des régimes très liés à la Chine, comme le Cambodge ou le Laos, des régimes presque achetés par les Chinois. Là, les Chinois ont un peu trop poussé - surtout au niveau maritime - et on a vu lors de la dernière réunion de l'ASEAN, présidée par les Vietnamiens, qu'on a pour la première fois une critique de la Chine un peu plus conséquente que d'habitude. Jusqu'à maintenant, les autres pays n'avaient pas souhaité qu'on critique trop la Chine, parce qu'ils en dépendent au niveau des investissements - ce qui est le propre des pays de l'ASEAN, même de l'Australie : c'est, dans le langage des relations internationales, du soft balancing, c'est-à-dire de l'équilibre.

Là, il y a des pays que l'on ne regarde pas assez, c'est le rôle du Japon et de la Corée. On parle du projet « Belt and Road » de la Chine mais ce sont quand même les Japonais qui sont les premiers investisseurs en Asie du Sud-Est, où on voit des pays comme le Myanmar (des cas très intéressants à regarder car c'est un terrain de concurrence entre les Chinois, les Japonais et les Coréens) où Aung San Suu Kyi et son gouvernement jouent assez bien pour ne pas trop dépendre des Chinois, des Japonais ni des États-Unis. Ce que les pays de l'ASEAN essayent de faire est en accord avec le titre d'une publication du Brookings Institute intitulée « Don't ask us to choose » : « Ne nous demandez pas de choisir » entre la Chine et les États-Unis.

Est-ce que cela répond aux feux de forêts ? Très indirectement. Justement dans ces relations, quelle est la dimension climatique ? Encore une fois, l'Australie se trouve confrontée à un autre dilemme : ses petits voisins sont des îles du Pacifique Sud, qui est la partie du monde la plus menacée par le changement climatique. Avec Scott Morrison, les Australiens sont fortement critiqués par le Pacifique Sud à cause du peu d'action sur le changement climatique. Les îles de cette région, comme le Vanuatu ou les îles Cook, ne sont pas très peuplées, mais là-bas le changement climatique n'est pas quelque chose d'abstrait, c'est une question de vie ou de mort. Les pays risquent de disparaître avec la montée des eaux dans quelques décennies. Là, ce que doit faire l'Australie par rapport à ses petits voisins du Pacifique Sud, ce n'est pas foncièrement de la même dimension économique que par rapport à la Chine ou par rapport aux pays membres de l'ASEAN. C'est clair que la seule conséquence visible en ce moment reste les feux de forêts. Un récent sondage du Law Sydney Institute l'a démontré : quand on a posé la question aux Australiens sur ce qui est, d'après eux, la première menace sécuritaire en Australie, on est à 55% ou 60% sur le changement climatique. Quand on regarde ce résultat par tranche d'âge, les personnes âgées nient ce changement, mais les jeunes de 18-25 ans ou de 18-40 ans sont 65-70% à penser que la première menace sécuritaire est réellement le changement climatique.

Je crois que la chose « positive » de ces feux de forêt, je l'ai vu chez ma famille et amis, c'est que tout le monde a été impacté, même ceux qui n'ont pas eu leur maison brûlée. Ils étaient confinés, il y avait des fumées qui arrivaient à Sydney. Il y eu peu de morts directement liées aux feux de forêts, mais les médecins ont prévu des milliers de décès supplémentaires liés à des problèmes respiratoires qui surgissent dans les grandes villes causés par ces feux.