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L'Iran : enjeu nucléaire, élections présidentielles et relations extérieures

09/06/2021

Manon Chemel, Déléguée Proche, Moyen-Orient & Afrique du Nord de l'Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, s'est entretenue avec Michel Makinsky, directeur général de la société AGEROMYS international (société de conseils sur l'Iran et le Moyen-Orient) et chercheur associé de l'lnstitut d'Études de Géopolitique Appliquée

Comment citer cet entretien

Michel Makinsky, « L'Iran : enjeu nucléaire, élections présidentielles et relations extérieures », Institut d'Études de Géopolitique Appliquée, Juin 2021. URL : cliquer ici


AY COLLECTION/SIPA
AY COLLECTION/SIPA

Manon Chemel - Pourquoi l'Iran constitue une priorité en matière de politique étrangère pour la nouvelle administration Biden ?

Michel Makinsky - C'est tout simplement l'héritage le plus lourd laissé par son prédécesseur. C'est une crise diplomatico-stratégique dont le caractère explosif pourrait provoquer un conflit armé couvrant au moins le Moyen-Orient, voire plus, avec l'implication directe ou indirecte des grandes puissances, au-delà des acteurs régionaux. Sans aller jusqu'au déclenchement d'une guerre, ce dossier comporte en lui une menace non seulement des intérêts américains dans la région (même dans l'hypothèse d'un retrait partiel), et au-delà mais aussi des alliés des États-Unis. Le Moyen-Orient incandescent pourrait s'enflammer sans que l'on sache jusqu'où ceci peut aller. Plus encore, la sécurité nationale de l'Amérique sera directement menacée en cas de l'ouverture d'opérations militaires par quelque protagoniste que ce soit.

On comprend très vite que des cibles américaines partout dans le monde seraient vulnérables, et que le territoire national ne serait pas exempt de risques, notamment d'actions terroristes par des éléments iraniens ou des sous-traitants ('proxies'). Dès à présent, les actions hostiles de type cyber sont à craindre même si Téhéran n'atteint pas le niveau technique des Russes ou des Chinois. La situation pourrait évoluer à cet égard si l'hostilité bilatérale entre Pékin et Washington devait connaître des niveaux plus élevés qui ne peuvent qu'encourager la Chine et l'Iran à renforcer leur coopération dans le domaine cyber dans le cadre de leur 'partenariat stratégique'[1] (en réalité un accord /cadre de coopération) signé le 27 mars. On peut faire la même remarque quant aux conséquences d'une tension plus frontale de l'Amérique à l'encontre de la Russie.

Si le dossier iranien devrait normalement constituer une priorité pour le nouvel exécutif américain au vu des engagements de campagne, nous avouons une certaine perplexité devant le peu d'empressement qui avait été initialement montré par Washington à faire progresser rapidement les négociations avec Téhéran, dont le démarrage a présenté l'apparence d'une impasse[2]. Joe Biden a affiché une position de départ rigide et contradictoire. Il a d'abord affirmé qu'il a la ferme intention de revenir au sein de l'accord nucléaire du 14 juillet 2015 (JCPOA). Il a d'ailleurs donné un premier gage sérieux en notifiant au Conseil de Sécurité des Nations-Unies l'annulation de la déclaration (unilatérale et sans valeur juridique) de Trump énonçant le rétablissement des sanctions prononcées par l'ONU. Ce n'est pas le retour de l'Amérique au JCPOA (qui suppose d'autres démarches devant le Conseil et la Commission de Suivi de l'Accord que Washington devrait réintégrer) mais c'est déjà un signal. La position de départ de Washington est de proposer un mécanisme qui pourrait sembler séduisant : le retour américain au JCPOA en échange du rétablissement par l'Iran du plein respect de ses obligations (« compliance for compliance »).

Là où les choses se compliquent c'est que dans une première phase le chef de l'État américain a posé une condition à ce retour : l'Iran doit d'abord revenir auplein respect de ses propres obligations dont il ne cesse de s'écarter étapes par étapes (réversibles). Ces étapes ont d'ailleurs été programmées par le parlement iranien (majlis) qui a adopté une loi imposant au gouvernement de suspendre une série d'engagements progressifs (dont l'arrêt des opérations de contrôle et de surveillance supplémentaires effectuées par l'AIEA, prévues par le Protocole Additionnel du TNP appliqué à titre volontaire par l'Iran) selon un calendrier dont une étape critique a été franchie le 21 février ,date à laquelle les Américains étaient supposés avoir levé au moins partiellement les sanctions empêchant les exportations iraniennes de pétrole et bloquant les transactions bancaires avec l'Iran.

Les sanctions et pressions américaines de fait bloquent même les opérations bancaires portant sur les importations de marchandises 'humanitaires' (denrées agricoles, agro-alimentaires, médicaments, dispositifs médicaux pourtant expressément exemptés de sanctions). L'importation de vaccins et équipements médicaux contre la COVID-19 ne fait pas exception, ce qui a entraîné une tension avec la Corée du Sud, Séoul ne voulant pas outrepasser les pressions américaines empêchant la libération de fonds iraniens ($7mds) bloqués dans des banques coréennes. Toutefois de discrètes négociations en cours pourraient faire évoluer cette situation.

Pour la République Islamique cette condition est inacceptable, d'autant plus qu'elle-même a posé également une précondition à tout retour de sa part au plein respect de ses obligations. Téhéran demande symétriquement que Washington lève d'abord les sanctions qui empêchent ses exportations de pétrole et bloquent les transactions bancaires.

Nous sommes en présence de 'you first' contre 'you first'. En sus, l'Iran a fait savoir qu'il exige que les engagements américains soient 'vérifiables'. Le Guide a déclaré qu'ayant réclamé lors des négociations du JCPOA des garanties écrites de Washington, les négociateurs américains n'ayant produit que des assurances verbales, qui n'ont pas été respectées. La leçon a été retenue.

Aussi bien Zarif que Rohani, l'ont martelé : ils veulent que les États-Unis posent des actes et une fois ceux-ci vérifiés, Téhéran accomplira ceux qui lui incombent étape par étape.

Il y a une urgence certaine à sortir de cette impasse. En effet, le directeur général de l'AIEA, Raphaël Grossi, avait obtenu un 'sursis' provisoire de 3 mois (jusqu'au 21 mai) pendant lequel Américains et Iraniens doivent parvenir à un accord. En l'absence d'accord dans ce délai (mais une prolongation s'est avérée rapidement inévitable), l'Iran pourrait dénoncer à son tour le JCPOA. Israël brandit maintes menaces, y compris de frappes militaires sur l'Iran[3] si la République Islamique « poursuit ses progrès vers la bombe », et la tension pourrait être redoutable. L'inquiétude est palpable et on a bien remarqué que Moscou a d'un ton inhabituellement ferme 'invité' l'Iran à ne pas créer de situations dangereuses, et Pékin appelle invariablement toutes les parties à faire preuve de 'retenue'. Pour l'heure Téhéran campe (du moins officiellement) sur ses positions tout en lançant des 'ballons d'essai' sur des pistes de sortie de crise qui ne se distancient pas vraiment de ses postures initiales.

La diplomatie européenne, et singulièrement le trio (E3) Allemagne, France, Angleterre, sous le leadership informel mais réel de Paris, a adopté un suivisme fidèle de la ligne de Biden, et rivalisé en fermeté dans le ton à l'encontre des déviations 'inadmissibles' de l'Iran prié d'y remédier 'sans délai'. La France occupe la tête des E3 avec une certaine surenchère. Dans une interview à l'Atlantic Council le 4 février dernier, Emmanuel Macron plaide pour l'inclusion de l'Arabie Saoudite (et d'Israël) dans les discussions nucléaires avec l'Iran (il présente ceci comme une lacune à combler) tout en revendiquant le statut de 'médiateur' entre les parties[4]... Cette curieuse proposition a, sans surprise, non seulement suscité un refus iranien sec, mais a porté un rude coup à la crédibilité diplomatique française sur ces enjeux. La conséquence visible de cet aveuglement est que la France, et dans une moindre mesure ses deux autres piliers du 'club' E3, se marginalisent[5] alors que Téhéran somme les Européens de faire en sorte que Washington se décide urgemment à respecter le JCPOA, ce qui n'a jamais été vraiment dans le cas dans les faits après la levée des sanctions en janvier 2016, les pressions américaines terrorisant les banques européennes et internationales de faire la moindre transaction avec l'Iran. Instex comme le dispositif bancaire suisse SHTA, deux mécanismes[6] destinés à faciliter ces transactions, n'ont chacun pu traiter qu'une seule opération.

La tension monte, les échéances se rapprochant, alimentée par la proximité des élections présidentielles iraniennes en juin 2021. Après la victoire incontestable des conservateurs durs proches des Gardiens de la Révolution Iranienne (pasdarans) aux législatives de février 2020, et l'effondrement du bloc modéré (conservateurs pragmatiques animés par l'ancien président du majlis, Ali Larijani, modérés suiveurs de Rohani, plus une poignée de réformateurs), il y a une forte probabilité qu'un conservateur dur proche des Pasdarans, voire issu de leurs rangs (certains se sont très vite montrés intéressés[7]) soit élu chef de l'État. La question qui se pose est de savoir quelle option Biden a-t-il vraiment retenue ?

Face à l'urgence, l'administration Biden a longtemps tergiversé. Elle se cramponnait à son « you first. Pendant ce temps la diplomatie européenne, principalement française, s'évertue en coulisses à trouver un compromis autour de 'petites mesures' ('baby steps') réciproques permettant aux deux camps de 'sauver la face'. Il pourrait s'agir de libération de quelques fonds gelés dans des banques étrangères en échange d'un retour iranien à la conformité sur un des engagements violés. Mais Emmanuel Macron, tout en maintenant son attachement au JCPOA, d'une part poursuit son suivisme de la position de Biden, mais aussi affiche bruyamment (à l'occasion de la visite du président israélien Rivin le 18 mars à Paris, accompagné du chef d'état-major de l'armée israélienne, venus plaider pour éviter tout ce qui pourrait 'faciliter l'accès de l'Iran à la bombe', selon le mantra connu), sa solidarité avec l'État hébreu et son attachement à sa sécurité. Au passage E. Macron a sommé Téhéran de rétablir promptement sa conformité à l'Accord. Pas un mot sur les violations américaines du JCPOA dont Trump s'est unilatéralement retiré ni sur les gestes que Téhéran serait en droit d'attendre. La France l'avait dit : l'Iran doit faire des 'gestes forts'. Il est muet sur l'Amérique. On saisit tout de suite que l'audience du 'médiateur' risque d'être réduite.

De façon surprenante, alors que les dirigeants iraniens rappellent à leurs interlocuteurs américains que la proximité des présidentielles iraniennes (18 juin 2021) rend extrêmement urgente la formation d'un compromis.

En cela l'attitude de Washington surprend en face de cette urgence, sachant que Robert Malley est un excellent connaisseur de ce dossier et des acteurs qui le pilotent. Alors que les négociations débutaient, il est apparu que le président américain n'avait pas à ce stade finalisé la ligne à adopter. Le consensus au sein des membres des diverses équipes qui le suivent ne semblait pas encore atteint, les divergences entre personnes et sensibilités n'étant pas aplanies. Ceci est notamment dû au fait que le locataire de la Maison-Blanche n'avait pas encore complètement achevé le recrutement des conseillers (des nominations tardives comme Jarrett Blanc, Ariane Tabatabai, sont intervenues récemment).

M.C - Quelles sont véritablement les conséquences économiques liées aux sanctions imposées par l'administration Trump contre Téhéran ? Dans quel état se trouve actuellement le pays ?

M.M - Dresser un état précis de la situation économique de l'Iran est un exercice plus compliqué qu'on ne le pense. Une fois que l'on a dit que l'économie du pays a été sinistrée par les sanctions, mais que cette économie pas plus que le régime ne vont s'effondrer malgré un étranglement dévastateur dont la population est la première victime, on se heurte à des obstacles considérables pour affiner le diagnostic. Ceci révèle un problème de fond dont personne ne parle. En effet, malgré toutes les difficultés que l'analyste rencontre quand il scrute la scène politique iranienne pourtant complexe, procéder à une évaluation demeure un exercice accessible. Il en est de même pour la posture stratégique de la République Islamique. En revanche, la véritable boîte noire de ce pays est son économie.

Les sources statistiques officielles sont plurielles et souvent contradictoires. Ceci est dû autant à une organisation administrative à tout le moins bureaucratique et archaïque (bien que des progrès notables aient été enregistrés dans certains secteurs), qu'à des raisons politiques sur lesquelles nous n'insisterons pas. Les 'vrais' chiffres de l'économie iranienne ne sont sans doute pas au Ministère de l'Economie mais plus probablement à la Banque Centrale.

Un autre 'gisement' totalement méconnu est le Majlis Research Center, le think tank du Parle- ment. Celui-ci, jusqu'à la fin du mandat du président de ce parlement, Ali Larijani, en février 2020, concentre un noyau de spécialistes de bon niveau qui ne se contentent pas d'étudier pour celui-ci la politique économique du gouvernement, mais est capable de proposer des réformes de fond sur celle-ci. C'est cet organe qui a travaillé sur les grands axes de la réforme bancaire indispensable à la restauration de ce secteur à l'agonie. Le Majlis Research Center est sans doute le lieu où l'on a la vue la plus complète de l'état économique du pays. Il est discret, et ses rapports sont, hélas, rarement rendus publics.

Par ailleurs les chiffres publiés par les institutions financières internationales (FMI, Banque Mondiale), ne sont pas nécessairement d'une grande fiabilité. La raison en est simple : leurs évaluations comme leurs projections sont construites à partir des données communiquées par les autorités publiques. Leurs économistes sont conscients de cet état de fait sur lequel ils ne peuvent pas grand-chose, en dehors d'apporter quelques correctifs aux invraisemblances, et d'assortir leurs rapports de quelques commentaires permettant au lecteur de comprendre qu'il faut être prudent. Mais il y a plus : les modèles sur lesquels ont été bâtis simulations et scénarios sont souvent conçus pour des économies 'occidentales', à fonctionnement classique. Or, à l'évidence l'économie iranienne ne 'cadre' pas avec ces modèles.

Où se situe donc le problème principal si ce n'est pas dans les données chiffrées ? La réponse est brutale : tout simplement, on ne sait pas comment fonctionne l'économie iranienne, du moins en Occident. L'économie iranienne obéit à des mécanismes sui generis qui échappent à l'analyse, aux statistiques. Il serait tentant d'attribuer ceci à l'existence de l'économie 'parallèle' dont on dit (sans pouvoir le valider) qu'elle représente environ 40% de l'économie, et qui ne cesse de prospérer malgré les efforts du gouvernement (voir les tentatives de transposition dans la législation iranienne des exigences du GAFI, le gendarme de la finance internationale, qui se heurtent à la résistance acharnée des 'durs' du régime, dont les Gardiens de la Révolution hostiles à une levée des sanctions qui gênerait leurs juteuses opérations opaques).

Cette économie parallèle n'explique pas tout. La raison essentielle de notre incompréhension est bel et bien notre ignorance des modes de fonctionnement très spécifiques de l'économie iranienne. Ces observations faites, quelle image l'Iran projette-t-il de son économie ? Au-delà des chiffres, les témoignages multiples concordent : un secteur industriel qui, avant même le rétablissement des sanctions, était affaibli : nombre d'unités de production 'tournant' à 20 ou 40% de leurs capacités, un chômage réel largement supérieur aux statistiques (beaucoup de chômeurs non comptabilisés car les caisses de l'État sont vides, un chômage partiel non enregistré, etc) , des travailleurs non payés pendant plusieurs mois, etc...Ce qui explique une part non négligeable des mouvements sociaux depuis deux ans (grèves, manifestations souvent réprimées). L'impact des sanctions a fait l'objet d'une série études[8] qui projettent une image contrastée. Surtout si l'on tient compte de la remarque essentielle que la dégradation de l'économie n'est pas due qu'aux sanctions rétablies par Trump mais que la baisse des cours du pétrole intervenue entretemps, qui a perduré jusque récemment avant d'adopter au cours du premier trimestre 2021 un cours haussier, a lourdement pesé. Et n'oublions pas l'héritage d'un secteur public et parapublic qui représente 70% des entreprises industrielles, commerciales, ou de services.

D'un côté on peut effectivement constater que dans plusieurs secteurs l'économie iranienne a été sinistrée, et surtout, encore une fois, que la population est très gravement affectée par cette situation. Il s'agit bien entendu du chômage qui touche environ (selon les données officielles) environ 12% de la population active alors que l'on estime que la population la plus jeune (moins de 30 ans) est beaucoup plus frappée[9] par le chômage (environ 30% des jeunes).

Le secteur des services (commerce, restaurants, hôtels, transports et communications, services sociaux et de santé, etc.) a été particulièrement touché par rapport au secteur de l'industrie qui a plutôt bien résisté : le tourisme a été frappé de plein fouet, alors que la production industrielle a été soutenue de façon volontariste. Les effets de la pandémie sont visibles. Les femmes ont davantage été pénalisées par les pertes d'emploi. Selon le FMI, le taux de chômage devrait passer de 10,8% de la population active en 2020 à 11,2% en 2021. Un élément doit aussi être pris en compte : selon une étude du majlis research Center (le think tank du parlement), 22,3% des chômeurs et 8,9% des salariés ont quitté le trimestre précédent la population active ; en conséquence, s'ils avaient été comptabilisés dans les demandeurs d'emploi, le taux de chômage affiché par le Centre des Statistiques d'Iran aurait culminé à 18,5% au lieu du chiffre officiel de 9,5%[10]. Quant à l'inflation, que Rohani était parvenu à dégonfler rapidement de 35 à 40% lors de son élection en 2013, à presque 10% à la fin de son premier mandat, elle a rattrapé le niveau désastreux du point de départ. Certains biens atteignent même un taux d'environ 60 à70%.[11] L'année iranienne mars 2020/mars 2021 a connu un pic inflationniste de grande ampleur d'environ 36% (ceci est cohérent avec l'évaluation du FMI qui l'estimait à 36,5% et prévoit qu'elle atteindra 39% pendant l'année 2021/ 2022[12]) ; selon le Centre National des Statistiques Iraniennes, le mois de mars 2021 aurait culminé à 48% dans les zones urbaines et 53% dans les zones rurales[13]. De façon générale, la tranche inférieure de la bourgeoisie s'effondre alors que son sort s'était amélioré[14], certains ne s'alimentent plus correctement, beaucoup ne peuvent plus acheter des médicaments importés de l'étranger. Une part non négligeable de la population se trouve de nouveau en dessous du seuil de pauvreté. Le mécontentement social (exacerbé par l'impudence des nantis, les révélations sur la corruption des personnages publics, du clergé, les faillites de banques engloutissant les économies des gens modestes...) alarme les services sécuritaires.

Au début du printemps 2021, peu après l'entrée en fonctions de Joe Biden, l'état de l'économie iranienne est paradoxal. Il présente deux facettes, offrant des lectures contradictoires, du reflet de l'impact des sanctions sur son économie. Une facette est un choc redoutable[15] infligé par le retour des sanctions américaines déclenché par le retrait des États-Unis le 8 mai 2018. Un choc d'autant plus rude que l'Iran n'avait pas tiré plein profit de la levée des sanctions secondaires en janvier 2016, du fait des pressions américaines et des sanctions subséquentes. En 2019, la croissance a chuté de 6 ,5%, marquée par la chute des exportations pétrolières (sans parler de la décrue du cours du baril), la contraction de l'activité manufacturière et de la consommation intérieure. Le secteur non-pétrolier a mieux résisté et permis d'éviter un effondrement.

Au cours de l'année iranienne mars 2019/mars 2020, le secteur agricole et le secteur manufacturier ont même enregistré une croissance de 1,1%. Or au cours de l'année 2020, l'Iran est frappé de plein fouet par l'épidémie COVID-19 qui, à ce jour n'est toujours pas sous contrôle[16]. La population a été très durement touchée, et par voie de conséquence, l'économie a également subi les effets de cette pandémie, encore difficilement chiffrables. La fourniture de vaccins russes Spoutnik, chinois, et sans doute AstraZeneca [17], aux côtés de livraisons indiennes, pourrait améliorer ce bilan.

Au début du printemps 2021 les sanctions perdurent, voire sont renforcées par le nouvel exécutif américain qui continue de traquer les exportations iraniennes de pétrole, le détournement des sanctions, et le paysage économique intérieur reste très dégradé. En 2020, l'économie iranienne s'était contractée de 5%, conséquence des sanctions, de la pandémie qui a affecté d'autant plus durement le pays que la lutte contre le coronavirus a été freinée par les obstacles que les États-Unis, par divers biais, ont mis à l'importation de vaccins, d'accessoires, dispositifs et équipements médicaux bien que ceux-ci soient officiellement exemptés de sanctions. Ainsi, la structure Instex n'a enregistré qu'une transaction pour une entreprise allemande, et le 'canal suisse' Shata (pourtant approuvé par l'OFAC) n'a lui aussi traité qu'une transaction pour le Laboratoire Novartis.

La surprise est venue de la Chine qui a considérablement augmenté ses importations de pétrole iranien au cours des mois de février et mars malgré les sanctions américaines. Selon le Financial Times du 17 mars, d'après les consultants en énergie de Kpler, la Chine a importé en moyenne environ 478.000 barils/jour en février et en a importé 1 million de barils/jour au cours du mois de mars[18]. Felicity Bradford, d'Oilprice.com, avait situé cette perspective dans le même ordre de grandeur (856.000 barils/jour). Un pic. Comme nous l'avons indiqué, les analystes estiment que Téhéran a consenti a d'amples remises. Evidemment, ceci agace l'administration américaine en plein bras de fer avec Pékin. Elle fait savoir à la Chine qu'elle pourrait procéder à de nouvelles sanctions. Il reste que le mois d'avril 2021 est marqué par la poursuite d'exportations iraniennes de pétrole à un niveau élevé[19].

Finalement, peut-on identifier une stratégie iranienne de 'réponse' (adaptation) aux sanctions ? Une récente analyse[20] de Bijan Khajehpour nous donne quelques clés pour la comprendre. Nous les reprenons ci-après. Il relève d'abord des changements structurels dans le commerce extérieur iranien. Certes, l'Iran donne une priorité dans ses échanges extérieurs aux exportations hors pétrole brut ($ 28mds pour la période 20 mars 2020/20 janvier 2021) ceci ne couvrant pas le montant des importations de cette même catégorie ($30mds) pendant la même période. Selon Khajehpour, ce déficit est couvert, cette fois par les exportations de brut. A ses yeux, bien que les 'vrais' chiffres des exportations de pétrole soient confidentiels, il estime raisonnable de les évaluer à $7,2mds pour cette même période, « sur la base d'une exportation moyenne quotidienne de 600.000 barils, et d'un prix estimé de $40 par baril ». Il en déduit la possibilité d'un excédent de la balance commerciale (toujours sur la même période) de $4,7mds. Pour notre part, nous rappellerons que nous ignorons comment et si les montants considérés se traduisent par des encaissements en devises, lesquelles, et comment.

Il y a plus intéressant : la même source remarque que l'on assiste à une concentration des pays concernés fort révélatrice. Les 5 principaux clients des exportations iraniennes sont : la Chine (25,9%), l'Irak (22,8%), les Emirats Arabes Unis (13,3%) qui pratiquent en réalité de la réexportation, la Turquie (7,3%), l'Afghanistan (6,8%). Les 5 principaux exportateurs vers l'Iran sont : la Chine, (25,8%), les Emirats Arabes Unis (24,2%) qui exportent des marchandises provenant d'ailleurs, la Turquie (11,1%), l'Inde (5,8%), l'Allemagne (4,8%). La conclusion qui saute aux yeux est que les échanges extérieurs de l'Iran se sont spécialisés sur la Chine et sur des pays de la région. L'Europe, sauf l'Allemagne, est marginalisée. Il est évident que des mécanismes de 'paiement' ad hoc fonctionnent, avec ces partenaires ; des accords bilatéraux sur le volet financier ont été conclus avec chacun, selon des modalités particulières (transactions en devises nationales, compensation/barter), etc. Nous pensons d'ailleurs à cet égard que le pendant iranien 'miroir' du dispositif européen Instex (STFI, SATMA en persan) est construit de façon totalement différente du volet européen qui est une société par actions simplifiée. Du côté iranien, c'est un groupe de banques organisé autour d'une SSI informatique en relation avec la Banque Centrale d'Iran. Visiblement, l'outil iranien est ab initio conçu pour procéder à des transactions avec les pays de la région bien plus que pour faire la validation de la compensation des rares échanges de biens 'humanitaires' entre l'Europe et l'Iran.

L'autre observation que ces échanges inspirent à notre auteur est qu'ils reflètent la mise en œuvre de la politique de 'l'économie de la résistance' consistant à développer une autonomie basée sur une priorité aux productions nationales. D'où la contraction du commerce extérieur non pétrolier. Cette priorité est combinée au « soutien aux exportations et la diversification des sources d'importation ». B. Khajehpour voit aussi dans la composition des importations des indications confirmant cette intuition. « Environ 70% des importations Iraniennes sont des biens intermédiaires », ce qui atteste « qu'il y a un recours accru à la production nationale et à l'ajout de valeur ». Il constate que les 'beaux jours ' des importations de biens de consommation sont derrière nous. Les importations en général décroissent, et singulièrement les biens de consommation. Nous devinons tout de suite, pour notre part, que ce facteur doit être pris en compte dans les approches des entreprises européennes, françaises en particulier, sur ce marché. Il faut anticiper de futures productions locales après de premières exportations, sauf pour les biens qui ne peuvent être produits en Iran. Le plus grand laboratoire pharmaceutique danois Novo Nordisk a récemment construit une unité de fabrication d'insuline en Iran.

Le choix de plusieurs des partenaires commerciaux de l'Iran fournit à B.Khajehpour d'autres indications significatives. Selon lui, l'ampleur des importations en provenance des Emirats, d'Oman, de Russie, révèle une stratégie de constitution de 'hubs' permettant de 'sécuriser les approvisionnements en biens et services nécessaires'. Il attire notre attention sur l'importance croissante des relations de l'Iran avec l'Union Eurasiatique avec qui Téhéran a déjà conclu des accords tarifaires en espérant parvenir à au statut de membre à part entière[21]. La diversification des exportations [22] vise à s'éloigner de la primauté du pétrole et du gaz en investissant dans des productions à plus forte valeur ajoutée, dont la pétrochimie, mais aussi la pharmacie, les denrées agricoles, les produits miniers, les produits manufacturés. A juste titre, l'auteur souligne que si la Chine est le premier partenaire commercial, le choix d'un voisin comme l'Irak s'explique aussi par la nature des relations, dont la dimension sécuritaire, qui illustre l'intérêt de l'Iran pour ses voisins immédiats.

Au total, cette remarquable analyse met en lumière des composantes essentielles de la réponse iranienne aux sanctions : renforcement considérable de la production nationale, qui se reflète par le développement industriel visible du pays, concentration des échanges avec les voisins, la diminution de la dépendance technologique occidentale par une politique de diversification (il reste à mesurer si le niveau inégal des autres sources de technologie compensera ce moindre recours, un pari très hasardeux), et enfin la quête, d'après Khajehpour, de partenariats stratégiques à long terme avec la Russie et la Chine.

En outre, il est possible d'identifier l'émergence d'une politique, certes brouillonne, mais qui tend à s'affirmer. Au niveau des structures gouvernementales, une évolution, certes assez chaotique, émerge. En effet, en avril 2018, la Banque Centrale d'Iran (BCI) publie une directive du Haut Conseil de la lutte contre le Blanchiment rappelant qu'il est interdit de se servir du Bitcoin et d'autres devises virtuelles dans tous les centres financiers et monétaires du pays ». En juillet de la même année, l'administration iranienne fait connaître son intention de lancer une monnaie virtuelle nationale et un mois plus tard une structure liée à la Banque Centrale en a décrit les diverses facettes, indiquant qu'elle serait adossée au Rial. En 2019, une conférence sur ce thème organisée par la BCI expose les technologies associées à de tels projets, et qu'une banque conduirait des tests en ce sens. On perçoit qu'il y a un âpre débat au sein des administrations tant sur le principe de la monnaie virtuelle que (surtout) de son contrôle. Le 4 août 2019, le gouvernement a décidé d'officialiser et d'encadrer l'utilisation du Bitcoin par une réglementation reprenant un draft publié en janvier par la BCI et a concédé à l'activité crypto-minière le statut d'industrie[23] en raison de la relation entre celle-ci et le secteur énergétique dont elle est étroitement dépendante. Cette activité sera autorisée aussi bien pour des organes disposant d'un monopole (étatique) qu'en dehors, outre les zones franches et spéciales, moyennant accord du ministre de l'industrie, des mines et du commerce. Le ministère de l'énergie et le ministère du pétrole sont chargés de définir les conditions (notamment de prix) d'utilisation de l'énergie utilisée par les mineurs. La monnaie virtuelle sera donc autorisée, à condition que les usagers acceptent les risques qui s'y attachent, mais sera interdite pour les paiements locaux (nationaux) ; ceci montre bien l'intention de s'en servir pour le commerce extérieur. D'ailleurs, l'utilisation des monnaies virtuelles pour autre chose que de l'import-export sera passible de taxation. Cette législation a été complétée par des dispositions imposant aux mineurs de monnaie virtuelle titulaires d'une licence de vendre leurs bitcoins exclusivement à la Banque Centrale.

A fin octobre 2020, 1000 licences avaient été accordées à des crypto-mineurs, dont une à Iminer[24], géant turc de ce secteur[25]. Mais le caractère stratégique du Bitcoin pour faire face au défi des sanctions apparaît clairement par la publication récente d'un rapport du Center For Strategic Studies, un think-tank rattaché à la présidence de la République. Selon IranWire, le document souligne que le recours au Bitcoin permettrait à la fois de contourner les sanctions, créerait des revenus pour l'État, de l'activité industrielle et de l'emploi, permettrait de lutter contre la fuite des capitaux en devises étrangères, encouragerait des exportations de services d'ingénierie dans ce domaine, et faciliterait les investissements étrangers en Iran tout en réduisant les besoins en devises.

Les avantages du Bitcoin sont spectaculairement évidents : pas de contrôle extérieur, fluidité absolue. Les risques ne sont pas absents comme la chute de valeur spéculative. Un inconvénient est certain : le caractère 'caché' des transactions en bitcoin est un encouragement fort aux activités illicites. Les pouvoirs publics, curieusement encouragés par les ultras du régime, ont lancé une campagne de fermetures de 'mines' illicites[26] (très nombreuses) et saisi des matériels.

L'expansion du bitcoin ne facilite toutefois pas le rétablissement de transactions bancaires réclamé par l'Iran. La nécessité de 'dérisquer' celles-ci s'impose au vu de l'attention croissante portée par l'Ofac aux opérations bitcoin, comme on l'a constaté à l'occasion de la transaction intervenue le 18 février entre l'Ofac et Bitpay, société impliquée dans des opérations concernant des pays sanctionnés comme l'Iran, la Corée du Nord, la Syrie, Cuba, le Soudan, la Crimée[27]. C'est une grosse contradiction. Sera-t-elle tranchée ? Pour l'heure, nous avons l'impression que le recours au bitcoin prospère en Iran[28]. Le 10 avril, les media iraniens ont fait état d'une annonce de la BCI de son intention d'accorder prochainement des licences autorisant des banques et bureaux de change officiels à utiliser des bitcoins iraniens pour l'importation de certains produits[29]. La réglementation ad hoc devrait être publiée après approbation du Conseil Suprême pour la lutte et la prévention du blanchiment (d'argent sale)[30]. Il n'est pas exclu que la Banque Centrale Iranienne songe à créer une monnaie virtuelle nationale (sous contrôle, donc pouvant répondre aux prescriptions du Gafi), inspirée par l'exemple chinois. En effet, la Banque Centrale chinoise lance un yuan numérique (DCEP - digital electronic payment-) qui n'est pas sur le modèle décentralisé (bitcoin, litecoin, ethereum), pour contrer la domination du dollar[31] et les risques de sanctions. De quoi donner des idées aux iraniens. D'autant que la Banque Centrale Européenne a également entamé une (très prudente) réflexion sur la monnaie numérique.

M.C - En janvier 2020 à Bagdad, le général Qassem Soleimani fut assassiné par les forces américaines ayant fait usage d'un drone. Avec du recul, qu'avez-vous à dire sur les objectifs politiques et diplomatiques de l'administration Trump ?

M.M - L'élimination du général Soleimani fut évidemment un coup très dur pour la République Islamique. Il est permis à présent d'en tirer quelques aperçus sur les calculs stratégiques des principaux acteurs, et bien entendu, sur les modifications des rapports de force stratégiques qui découlent de cette importante péripétie. Nous en avons étudié en détail les différents contours dans l'étude que nous lui avons consacrée, à laquelle nous renvoyons[32].

L'examen attentif du déroulement de l'opération montre que bien qu'elle ait été techniquement préparée depuis longtemps (Le général figurait de longue date sur la liste des personnes à abattre) et il était surveillé de très près par les services américains comme israéliens, en étroite coopération. Il reste qu'au sein de la hiérarchie militaire une telle décision n'était pas la première au sommet de la pile d'options face aux différentes actions iraniennes. Ce fut, rappelons-le, une décision personnelle de Trump, plutôt précipitée à la suite du mouvement violent d'une masse de miliciens chiites contre l'ambassade américaine de Bagdad. Trump, encouragé par le petit groupe de 'durs (dont Pompeo), a considéré que ce déplacement était une tentative d'envahir les locaux diplomatiques, et a signifié qu'il ne supporterait pas la répétition de l'humiliation de la prise d'otages américains en Iran en 1979. Il a prétendu que cet assaut était commandité par l'Iran, donc le général Soleimani pour infliger un nouveau camouflet. Cette élimination a pris par surprise car en fait le chef de la Force Al-Qods est venu en Irak sans grande protection, car il se rendait à l'invitation du premier ministre irakien à qui il venait apporter la réponse de Téhéran à une demande de diminution de tension avec l'Arabie Saoudite ( qui avait requis à cet effet la médiation irakienne) .Donc l'intéressé n'avait pas de raison particulière de se méfier, d'autant qu'il était probable que Trump avait donné son feu vert à Riyad pour cette démarche. Tuer ainsi Soleimani est visiblement un acte impulsif, dont Trump était coutumier, avec son style inimitable d'infliger par surprise un 'bloody nose' (en français familier, 'bourre-pif') à un adversaire. Evidemment sans s'interroger sur les conséquences au-delà du très court terme.

Il eut été logique (ce que tout le monde redoutait) que l'Iran riposte par de spectaculaires représailles. Un piège béant dont on devine immédiatement qu'il emportait le déclenchement d'un cycle infernal menant directement à un conflit armé entre l'Iran et Israël entraînant automatiquement l'implication des États-Unis (un rêve caressé depuis des lustres par Netanyahu[33] dont on se rappelle les tentatives des années 2010/2011) et l'embrasement assuré de tout le Moyen-Orient. L'Iran risquait de subir des frappes dévastatrices. Or il se trouve que l'Iran a appliqué une stratégie fort habile de riposte graduée. Il est vrai qu'immédiatement après la mort de Soleimani, le choc terrible ainsi infligé a suscité chez les généraux pasdarans des déclarations apocalyptiques menaçant Washington de subir d'épouvantable dommages, pouvant passer par l'élimination pure et simple de Trump et /ou de hauts responsables américains, ou des coups terribles comme couler un navire majeur de la flotte américaine (porte-avions, etc.) A l'issue de quelques jours de réflexion, un consensus s'est déroulé au sommet de l'État, sans doute dans le cadre du National Supreme Suprême Security Council présidé par le Guide mais animé par le très avisé amiral Ali Shamkhani. La ligne qui en a découlé, aux accents un peu mystérieux sous le vocable de 'patience stratégique', déclinée sur 12 scénarios possibles, est la suivante. Il s'agit d'envoyer à Washington un message fort tout en faisant comprendre que la République Islamique ne tombe pas dans le piège. Elle consistera à frapper suffisamment fort (pour montrer que l'on ne se laisse pas intimider) tout en veillant attentivement à ne pas franchir la ligne rouge qui serait d'infliger des pertes humaines américaines. Les Iraniens vont donc frapper la base américaine d'Ain al-Asad après avoir prévenu Irakiens et Américains pour que ces derniers se mettent à l'abri. Téhéran a donné une énorme valeur de point à une action limitée. Trump a immédiatement compris le message. Les choses en sont restées là.

Donald Trump, la main dans la main avec les Israéliens, a déployé ensuite une tactique de coups forts, à la limite de ce qui pourrait déclencher un conflit armé avec Téhéran. L'assassinat du scientifique iranien Mohsen Frakhizadeh par une équipe impliquant certainement des 'sous-traitants 'locaux (peut-être des membres infiltrés des Moudjahidines du Peuple alias MKO/MEK dont la branche politique française est le Conseil National de la Résistance Iranienne aussi influent en France et en occident qu'inexistant car infréquentable en Iran en raison de son alliance avec Saddam Hussein), est une opération très professionnelle (et humiliante pour les services sécuritaires iraniens) est très probablement israélienne avec une possible coopération américaine.

L'administration Trump a légué à son successeur l'héritage empoisonné d'une impasse des négociations nucléaires, la politique de 'pressions maximales ' asphyxiant l'Iran sans que les européens puissent remplir leur propre engagement. D'où l'escalade dangereuse de Téhéran à la fois par l'accumulation par étapes de violations de ses engagements pouvant mener à une crise grave, et par une montée des tensions régionales (autre levier iranien) par la poursuite du développement des missiles non seulement balistiques mais surtout des missiles de croisière qui ont 'changé la donne' stratégique régionale. En effet, Téhéran a acquis la maîtrise des frappes fortes et précises combinées à l'effet 'saturation' par des drones et roquettes. Ceci constitue un renversement qui peut menacer directement Israël. La sécurité du centre nucléaire de Dimona n'est plus absolue.

M.C - Que signifie pour vous la phrase de Joe Biden « America is back », « Democracy is back » ?

M.M - « America is Back » est présentée essentiellement par Biden comme le retour au multilatéralisme, au respect des accords et conventions internationales. En proclamant que l'Amérique retourne à l'Organisation Mondiale de la Santé, à la Convention de Paris sur le Climat, et de façon générale veut faire acte de présence dans les organismes internationaux (on verra comment elle agira à l'OMS), elle veut se poser en État 'normal'. La seconde dimension est la volonté affirmée du nouveau locataire de la Maison-Blanche de consulter ses alliés et partenaires. Sur un plan formel, Joe Biden a dès son entrée en fonctions mis en application son engagement. Contacts téléphoniques, messages, conférences en visio, se succèdent. Les échanges se multiplient avec le trio européen, mais aussi avec Israël et les monarchies arabes qui font un forcing auprès du successeur de Trump pour persuader celui-ci de ne pas lever les sanctions visant l'Iran. La récente concertation avec les alliés de l'Otan sur maints sujets mondiaux en est aussi l'illustration.

Pour les Européens, et singulièrement le trio franco-germano-britannique, cet exercice n'est pas exempt d'ambiguïté et il n'est pas évident à nos yeux que les E3, comme on les appelle, aient bien perçu toutes les facettes de la posture américaine.

Nous observons pendant les premiers mois de la présidence Biden la poursuite d'un alignement sur les positions américaines (à commencer par l'impasse 'you first' actuelle), voire une surenchère, comme le montre l'attitude du président de la République française. On a vu dès les premiers jours, un enthousiasme marqué des E3 à l'endroit du nouvel élu et des appels émouvants au retour à la 'solidarité transatlantique' sans que leurs auteurs paraissent avoir demandé qu'elle soit bilatérale ; et plus précisément encore, que leurs intérêts soient pris en compte et non plus sacrifiés sur l'autel du 'front contre la menace iranienne'.

Les Européens et alliés sont et seront consultés, assurément, mais il n'est pas du tout démontré que Washington cessera de privilégier les siens, y compris en se servant du rapport de forces face à des européens sans volonté ni vision. On a vu les réticences de certains, notamment en Allemagne, devant les propositions d'autonomie stratégique européennes 'avancées par Emmanuel Macron. Ce que nous voulons mettre en évidence ici, c'est qu'à travers la reprise d'éléments significatifs de la politique de Trump, Biden donne une coloration à son « America is back ». La posture américaine n'est pas abandonnée, elle est rendue plus collaborative et plus conforme aux pratiques diplomatiques. A titre d'exemple, le secrétaire d'État Tony Blinken a énoncé lors de la rencontre d'Anchorage avec les dirigeants chinois la liste de lourds griefs que l'Amérique a contre la Chine à qui il a signifié que les États-Unis ne se laisseront pas faire. De même le président américain a utilisé un vocabulaire inhabituellement rude à l'encontre de Vladimir Poutine à propos de la tentative d'assassinat de l'opposant Navalny. Biden a fait savoir aussi qu'il n'admettrait pas les ingérences ou actions hostiles russes. Nous remarquons simultanément une dégradation de la tonalité des relations entre la France et la Chine, et avec la Russie également...

Le slogan « Democracy is back » est à notre sens passablement ambigu. Il renvoie à l'engagement du candidat Biden à convoquer rapidement un grand 'Sommet de la Démocratie' pour que les États amis constituent un front pour lutter contre les pratiques des autoritaires (en fait largement la Chine et la Russie...). Les démocrates devront faire bloc contre les dangers militaires, mais aussi technologiques (5G), voire pandémiques. Les arrière-pensées sont assez visibles, le contenu beaucoup plus flou. Certes, Joe Biden affiche une préoccupation pour le respect des droits de l'Homme dont il s'est prévalu pour revoir (dans une mesure limitée) à l'égard de l'Arabie Saoudite (il s'est opposé à toute mesure contre MBS dans l'affaire Khashoggi mais l'a subtilement humilié), mais les objectifs réels de ce 'front' restent à clarifier en dehors d'une manœuvre visant à 'recoller' les morceaux de la 'solidarité transatlantique'.

M.C - Comment comprendre l'épreuve de force engagée par l'Iran concernant le retour aux négociations relatives à l'accord sur le nucléaire iranien ? Pourquoi l'Iran-a-t-il engagé ce bras de fer avec les États-Unis ?

M.M - On ne peut présenter l'impasse qui prévalait lors de l'ouverture des négociations nucléaires avec l'Iran comme une simple épreuve de force. Pour comprendre cet imbroglio, il faut commencer par un point de départ. Le 8 mai 2018, Donald Trump quitte unilatéralement le JCPOA sans même respecter la procédure prévue à l'article 36 du Texte. Ce n'est pas le laborieux processus du 'snapback' qu'a fait introduire Laurent Fabius dans l'Accord. Rappelons que ce qui est en cause est bien la traduction de ce 'Plan d'Action', une feuille de route, transcrite dans un texte international opposable aux parties, la Résolution 2231 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies.

Avant ce retrait unilatéral, l'Iran avait déjà reproché aux États-Unis de ne pas avoir effectivement appliqué la levée des sanctions en janvier 2016, créant maints blocages par un cumul de sanctions er de pressions. Téhéran avait formulé ces griefs devant la Commission de Suivi 5+1 du JCPOA, en vain, celle-ci n'ayant pas déclenché la procédure de mise en cause des États-Unis. A l'Europe, l'Iran reproche son impuissance à persuader Washington de respecter ces engagements malgré ses appels répétés. La création d'Instex et la réactualisation du Règlement de Blocage n'ont produit aucun effet (L'opinion de l'avocat général Hogan rendue le 12 mai dans l'instance opposant devant la Cour Européenne de Justice la banque iranienne Melli et TeleKom Deutschland, où il considère que la plaignante peut se prévaloir du Règlement, est intéressante mais ne renverse pas encore la situation de faiblesse actuelle).

L'étranglement financier se poursuivant, le gouvernement modéré Rohani désormais politiquement minoritaire depuis les législatives de 2020 remportées par les conservateurs durs proches des Gardiens de la Révolution, n'a eu plus d'autre choix que de durcir considérablement sa position. Il subit d'énormes pressions, pratiquement accusé de trahison s'il ne défie pas ses adversaires en position de force en vue des présidentielles de juin 2021. Une sorte de consensus s'est établi : Téhéran met en pratique la menace contenue dans une loi votée par le parlement conservateur programmant des étapes de violations croissantes des engagements nucléaires iraniens si les USA ne lèvent pas les sanctions rétablies par Trump.

M.C - Joe Biden a fait connaître son envie de revenir dans l'accord sans toutefois reprendre l'accord tel qu'il a été signé en 2015 mais souhaite au contraire y apporter de nouvelles clauses. Quelles peuvent-être selon vous ces nouvelles clauses ?

M.M - Deux questions se posent en réalité. D'une part la liste des clauses éventuellement concernées, d'autre part où et comment les ajouter. Contrairement au 'faux débat' piégeant dans lequel Trump a entraîné les E3, Biden et ses équipes n'envisagent pas de modifier entièrement le JCPOA tel qu'il est. C'est une rupture par rapport à la position de Trump (« négocier un nouvel et bon accord qui éliminera tout risque que l'Iran se dote de la bombe et mettra un terme à toutes les autres 'menaces' iraniennes »). Téhéran a de son côté affirmé qu'il ne pouvait en être question. La seule discussion en cours pouvant être considérée est le retour à l'Accord par les deux parties et les garanties et conditions de son application effective par les deux parties. Cette étape franchie, l'administration américaine entend négocier une révision des 'sunset clauses', c'est-à-dire, le programme de missiles balistiques iraniens, les activités régionales de l'Iran (qualifiées de 'déstabilisantes', de 'soutien au terrorisme').

Téhéran s'accorde avec Washington sur le fait de prioriser la recherche d'un compromis sur le nucléaire. L'Iran, en dépit de propos contradictoires, n'est pas hostile à négocier sur d'autres sujets, mais seulement après avoir évoqué le nucléaire.

C'est le chapitre régional qui serait le plus prometteur. On sait de longue date que l'Iran est prêt à négocier sur le Yémen. Interrogé sur l'intérêt stratégique de ce petit pays pour Téhéran, Zarif répond le 20 février 2018 à un journal américain : aucun ![34]

En fait l'Iran a déjà obtenu ce qu'il voulait pour un coût ridicule (ébranler l'Arabie Saoudite surarmée, doter l'allié Houthi des moyens non seulement de résister à Riyad et ses alliés mais d'infliger de gros dommages, etc.) Ce n'est un secret pour personne que des conversations en vue d'une solution politique existent depuis longtemps et se poursuivent via divers canaux.

Pour les discussions 'régionales', Jake Sullivan, conseiller de Biden, dans une interview en juin 2020, suggère très judicieusement de procéder par des consultations informelles entre acteurs de la région[35]. Il serait préférable, selon lui, d'éviter que les États-Unis soient parties prenantes à ces négociations mais plutôt des facilitateurs.

En revanche, on sait que Biden, comme les Européens, tiennent absolument que soit abordée le très délicat sujet des missiles balistiques iraniens. Or le Guide, les Gardiens de la Révolution répètent depuis toujours que ces missiles ne sont pas négociables, ils sont un outil de défense et de dissuasion indispensables face aux menaces israéliennes, américaines et des alliés ou 'complices' de 'l'ennemi américano-sioniste' (selon le jargon consacré).

Un examen plus attentif permet de supposer que malgré ce discours catégorique martelé, il n'est pas certain que ceci ne puisse pas être discuté. Nous avons dans une précédente analyse[36] montré que le 'vrai sujet' n'était sans doute pas les missiles balistiques qui font l'objet d'une polémique aussi enflammée que stérile, mais plus probablement la très dangereuse menace que constituent les missiles de croisière qui ont montré leur redoutable efficacité en Arabie Saoudite et en Irak.

Biden, comme les E3 alignés sur lui, veut renégocier un certain nombre de clauses du JCPOA pour 'renforcer' les exigences de celui-ci et allonger la durée de certaines dispositions restrictives. Ce sont au premier chef ce qu'on appelle les 'sunset clauses'. De quoi s'agit-il ? Le JCPOA contient plusieurs dispositions qui devraient venir progressivement à échéance. En particulier : « des limitations sur les centrifugeuses perfectionnées devraient être levées progressivement 8 ans après l'accord (c'est-à-dire en 2023) ;des limites à la production de centrifugeuses expirent après 13 ans (en 2028) ; des restrictions sur le stockage d'uranium enrichi prennent fin au bout de 15 ans (en 2030).Certaines dispositions s'éteindront au bout de 25 ans - en 2040 - (par exemple la surveillance renforcée par l'AIEA) et d'autres n'ont pas de limite dans le temps (par exemple l'application du Protocole Additionnel de l'AIEA par l'Iran).[37] Trump avait fait de ceci une priorité absolue face à un danger irrésistible que l'Iran se précipite dès l'expiration de ces clauses dans la confection de projectiles nucléaires et autres horreurs.

En effet, contrairement à ce que ces propos alarmistes laissent entendre, l'essentiel des exigences du JCPOA subsistent, avec un volet de surveillance et d'inspections importants. A cet égard, il convient de rappeler également que c'est à titre volontaire que Téhéran appliquait le Protocole Additionnel du Traité de Non-Prolifération Nucléaire qui implique un régime d'inspections renforcées. Si les sanctions sont levées, non seulement l'Iran reviendra sur le chemin du respect de ses engagements mais probablement consentira à reprendre l'application du Protocole Additionnel. Cela étant dit, il ne faut pas exclure qu'en pareil cas, les Iraniens consentent alors à entamer des discussions sur des garanties supplémentaires ou sur tel ou tel allongement de durée dans un contexte dédramatisé (ce qui n'est pas le cas actuellement). Les E3 pourraient-ils jouer un rôle dans ce cas, être une force de propositions ? En théorie, oui, mais la dégradation récente des relations entre les E3 du fait de leur attitude maximaliste, en particulier en proposant avec l'appui de Washington au board de l'AIEA une motion condamnant les violations iraniennes successives du JCPOA, (motion retirée in extremis)[38], a installé une défiance peu propice au compromis. En revanche, Zarif ayant indiqué qu'il considère le Haut-Représentant de l'Union, Josep Borrell, comme interlocuteur valable, ce dernier contribue (avec son adjoint) à la recherche de solutions. Mais l'acteur central d'une telle négociation ne peut être à notre sens que l'AIEA, dont le directeur général Grossi, qui a déjà réussi à conclure un 'arrangement technique' intérimaire, a démontré ses capacités de dialogue pragmatique. En bref, ce serait à l'Agence de lister les mesures supplémentaires prioritaires dont elle a besoin pour améliorer sa mission.

Quant aux fameux missiles balistiques, on se souvient de ce que Trump, les Israéliens, les néoconservateurs de tout poil, y compris en France, (ce qui a nourri des condamnations indignées des pouvoirs publics à chaque test iranien) ont invariablement prétendu que le programme iranien de missiles balistiques violait la résolution 2231 qui codifie le JCPOA. L'Iran a toujours prétendu que ce texte ne l'interdit pas. Il en a découlé une querelle byzantine échevelée embrouillée à plaisir. Le texte invite (Call upon)[39] à ne pas s'engager dans un certain nombre d'activités en ce domaine. Ce n'est pas une obligation juridique. La différence est essentielle car si l'Iran poursuit un tel programme, ce n'est pas une violation d'une obligation, c'est un comportement critiquable, certes, mais pas sanctionnable. Pourquoi cette latitude étonnante ? En fait les négociateurs américains ont entendu mettre de côté le dossier des missiles balistiques dont ils ont voulu réserver le sort à une négociation dans un autre cadre. Ce n'est ni une négligence, ni un laxisme naïf ou coupable des négociateurs américains sous la houlette du très expérimenté secrétaire d'État à l'énergie d'Obama, Ernest Moniz. Conclusion pratique : il devrait être possible d'ouvrir des conversations sur les missiles balistiques dans un cadre ad hoc une fois les deux parties revenues au JCPOA.

Pour mémoire, le 18 octobre dernier a expiré l'embargo interdisant la fourniture d'armements à l'Iran. Washington avait désespérément tenté le 14 août 2020 d'obtenir du Conseil de Sécurité des Nations-Unies le prolongement de cet embargo, une défaite cuisante pour Trump, doublée le 25 août d'une défaite non moins cuisante dans sa tentative de convaincre le Conseil de prononcer le retour des sanctions de l'ONU. En fait, beaucoup de bruit pour rien. L'Iran ne s'est pas précipité dès cette expiration[40] pour se faire livrer des quantités massives d'armes. Téhéran négocie depuis longtemps d'importants marchés avec Moscou mais n'est pas parvenu à les concrétiser significativement. D'une part la Russie est prudente, ne souhaite pas provoquer frontalement Washington là-dessus. L'Iran tente de longue date de persuader Moscou de lui fournir les fameux missiles anti missiles AS400 (les plus perfectionnés du marché) mais Poutine ne souhaite pas bouleverser le paysage stratégique. En plus les iraniens n'ont pas les moyens financiers d'acquérir tous les matériels de la liste qu'ils ont présentée. La Chine reste également assez réservée sur ces fournitures.

M.C - En quoi les nominations de Robert Malley et Anthony Blinken constituent un message fort pour les Iraniens ?

M.M - Le choix de Robert Malley, qui connaît les Iraniens pour avoir participé aux négociations nucléaires, est assurément un signal important et plutôt rassurant pour eux. Un interlocuteur professionnel, qui connaît non seulement fort bien les dossiers critiques, mais aussi doté d'une expertise solide sur les grands sujets brûlants du Moyen-Orient. Bien plus, l'intérêt très profond que manifeste le coordinateur des affaires du Moyen-Orient à l'égard des Palestiniens avec qui il a une réelle sympathie et une proximité avérée est une raison supplémentaire pour Téhéran de retrouver un visage connu. Malgré tout, on peut penser que les préjugés favorables des Iraniens sont tempérés par le fait que d'une part Malley n'est qu'un membre d'une grande équipe (si l'on regroupe les conseillers du président, ceux de Blinken, etc.) à l'intérieur de laquelle diverses tendances, y compris des conservateurs, sont représentées.

Les premiers mois du mandat de Biden ont très certainement refroidi l'enthousiasme à Téhéran. Malley a longtemps peiné à réunir un consensus sur la ligne à adopter. D'intenses consultations ont eu lieu (et sans doute se poursuivent) tant à l'intérieur de l'administration qu'à l'extérieur, sans parler des échanges avec alliés et partenaires. En plus, le Congrès où pèsent autant les républicains que des démocrates parfois aussi conservateurs qu'eux, oblige les conseillers, secrétaires d'État, etc., à donner des gages d'une ligne dure. Ce double facteur (il n'était pas prêt, il doit rester ferme) explique partiellement une posture rigide de Malley dans l'impasse qui prévalait avant la rencontre virtuelle de la commission de suivi du JCPOA le 2 avril.

La nomination d'Anthony Blinken a retenu l'attention en Iran, mais n'a pas suscité de satisfaction particulière. Si la présidence et le gouvernement iraniens sont sans doute soulagés de retrouver un interlocuteur professionnel, connaissant ses dossiers, doté d'une prévisibilité, le profil du nouveau secrétaire d'État suscite une prudente réserve.

M.C - Comment expliquer les frappes américaines sur des milices pro-Iran en Irak ?

M.M - Le 25 février Joe Biden a autorisé une frappe en Syrie contre des infrastructures utilisées par des milices pro-iraniennes. John Kirby, porte-parole du Pentagone, a déclaré que des milices telles que le Kataeb Hezbollah occupaient ces infrastructures 'multiples' qui ont subi d'importantes destructions. Washington a expliqué que cette action, la première de ce genre décidée par le nouveau président, visait à répondre à une série d'attaques de roquettes en Irak contre la base d'Erbil dans le Kurdistan irakien qui a fait une victime (un contractor Philippin), contre la base de Balad où un autre contractor a été blessé, et dans la zone verte de Bagdad. La cible syrienne a été officiellement choisie pour éviter d'embarrasser le gouvernement irakien qui peine à contrôler les milices chiites soutenues par l'Iran. Ces représailles ont été également présentées comme 'ciblées', calibrées, en sorte de présenter un caractère limité. Somme toute, elles se situent dans le registre de 'riposte graduée' mise en œuvre en Irak. Un responsable militaire américain a précisé que l'opération a été conduite en sorte d'éviter des pertes humaines importantes.

On peut voir dans cet épisode une continuité entre Trump et Biden. On la retrouve dans la décision d'envoyer de nouveau des bombardiers B52 survoler la région après que l'Arabie Saoudite ait subi des tirs de drones et de missiles pour rassurer les monarchies du Golfe et rappeler à l'Iran les lignes rouges à ne pas franchir.

M.C - Au vu de la configuration actuelle et du difficile dialogue entre les deux pays, pensez-vous que l'Iran comme les États-Unis parviendront à un accord ?

M.M - Il est clair que l'issue des négociations présentera des conséquences de première importance dans le paysage politique interne iranien, comme au plan régional. Enfin, exposer ici le détail de ces péripéties nous a permis de mieux percevoir les processus de décision (et rapports de forces internes) des divers protagonistes.

Le sort des négociations était encore incertain bien que l'espoir semblait renaître à l'issue de la seconde réunion[41] de la Commission de suivi du JCPOA à Vienne le 6 avril. Il faut dire qu'avant la rencontre préliminaire en distanciel du 2 avril, présidée par Enrique Mora[42], adjoint de Borrell et directeur des affaires politiques du Service d'Action Extérieure de l'Union Européenne, un doute subsistait sur le caractère prioritaire du dossier iranien pour Biden malgré ses déclarations avant son élection. La nouvelle administration paraissait afficher un certain désintérêt à ce sujet, comme on le voit dans le document intérimaire de 23 pages sur les priorités stratégiques de l'Amérique publié en mars (où la Chine, la Russie occupent l'essentiel aux côtés des enjeux nationaux, avec une seule très courte phrase sur l'Iran), et dans la conférence de presse de Biden le 25 mars (l'Iran n'est même pas cité). L'urgence semblait ailleurs, à l'instar de la rencontre de Blinken avec ses homologues chinois à Anchorage.

A présent, le doute est levé quant à la volonté américaine de négocier, pour autant de nombreuses incertitudes se sont accumulées au début des négociations. Parmi celles-ci, les changements de positions iraniennes sur le champ des discussions. Si les deux parties ont convenu de ne traiter à présent que du dossier nucléaire, Téhéran, qui laissait entendre son intention de négocier étape par étape, est revenu sur sa position en faisant savoir sa volonté de négocier un retour (bilatéral) à une complète conformité[43]. Ce changement reflète probablement des pressions et luttes d'influence internes aux- quelles on attribue aussi le refus iranien d'envisager l'interruption de l'enrichissement de l'uranium à 20% en échange d'allègements partiels des sanctions. L'objet crucial de la rencontre virtuelle du 2 avril entre les E3, la Chine, la Russie (cosignataires du JCPOA), l'Union Européenne et l'Iran, était de convenir d'une réunion en présentiel de la commission de suivi de l'Accord, sans présence physique des États-Unis, mais avec leur participation indirecte (la délégation américaine étant abritée à très courte distance de la réunion), grâce à un système de 'navettes' orchestrées par Josep Borrell, qui assure la coordination des conversations. Washington voulait des négociations directes mais Téhéran s'y refuse et maintient sa ligne officielle conditionnant son retour à la pleine conformité à la levée de toutes les sanctions par les États-Unis, comme l'a répété le vice-ministre iranien Abbas Araqchi[44].

Préparée activement par des rencontres discrètes entre les E3 et l'Iran, la session du 6 avril marque la véritable 'entrée en négociations'. L'objectif annoncé par un communiqué de l'Union Européenne est «de discuter la perspective d'un retour possible des États-Unis dans le JCPOA et comment assurer l'application pleine et effective de l'accord par toutes les parties ». Des diplomates européens précisent : « Nous sommes basiquement en train de négocier une liste d'engagements nucléaires et en parallèle une seconde liste d'engagements de levée des sanctions ». Mais pour Zarif, le but de la réunion est de « finaliser rapidement les mesures de levée des sanctions et (les mesures) nucléaires pour un retrait 'chorégaphié' de toutes les sanctions, suivi par la cessation par l'Iran des 'mesures' réparatrices » (les violations successives des obligations nucléaires par Téhéran pour répliquer à la non levée des sanctions).

En clair, Téhéran maintient son 'you first' face à Washington, manifestant sa méfiance. Selon des sources iraniennes, le Guide impose cette ligne rouge dont les diplomates ne peuvent s'écarter. La marge de manœuvre de Rohani et de Zarif est d'autant plus limitée que les élections présidentielles approchent[45].

Ali Rabiei, porte-parole du gouvernement, ajoute une précision d'importance : l'Iran veut « la levée de toutes les sanctions américaines cruelles imposées au peuple iranien ou réimposées ou réétiquetées sous différents prétextes après que Trump soit arrivé au pouvoir »[46].

Elles devront toutes être retirées et elles devront toutes être vérifiées. Ce qui est visé ici, ce sont les diverses sanctions que Trump a prononcées contre des entités ou personnes déjà sanctionnées au regard de la prolifération nucléaire (sanctions susceptibles d'être levées au titre d'un retour au JCPOA) mais sous des motifs divers : atteintes aux droits de l'Homme, soutien au 'terrorisme' (= au Hezbollah, aux milices irakiennes, yéménites, etc.) En effet Trump avait lancé une 'pluie ' de sanctions redondantes pour retirer toute efficacité pratique à une levée de sanctions nucléaires découlant d'un retour au JCPOA. La revendication iranienne est de faire lever également ces sanctions 'bloquantes'. Le résultat concret visé pour la session de Vienne est la constitution de deux groupes d'experts, l'un sur les engagements nucléaires, l'autre sur ceux relatifs aux sanctions. Il ne devrait pas y avoir d'autre sujet abordé (activités régionales[47], missiles, etc.) A l'évidence, il existe à ce stade un profond désaccord sur le séquençage, aussi les discussions se focaliseront sur les attentes respectives de chaque partie[48]. Comme le remarque Mikhail Ulyanov, représentant Russe aux organisations internationales de Vienne, « l'impression est que nous sommes sur la bonne voie, mais le chemin à faire ne sera pas facile et va requérir des efforts intensifs ». Juste avant la session, Zarif s'est entretenu avec deux des E3 (France et Angleterre), pour les conjurer d'adopter une attitude 'constructive' ; et en particulier il a adjuré Jean-Yves Le Drian que « la France honore ses engagements de l'Accord, et cesse de se soumettre aux sanctions illicites imposées par les USA ». Symétriquement, le ministre français des affaires étrangères a « encouragé l'Iran à être constructif dans les discussions qui vont prendre place ». A son homologue britannique Zarif a rappelé l'urgence d'une levée des sanctions américaines, tandis que Dominic Raab a indiqué que son pays essaiera d'aider à ce que les négociations portent du fruit. Pour sa part, Wang Qun, le délégué chinois auprès de l'Onu et des organisations internationales de Vienne, s'est solidarisé avec l'Iran en réclamant que les demandes iraniennes soient d'abord satisfaites, Téhéran étant la victime de l'irrégularité américaine, dans le cadre du retour des deux parties au JCPOA.

La rencontre de Vienne, qualifiée prudemment de 'constructive' par Washington, est une phase de clarifications d'une part, et d'autre part de rodage de la technique de communication indirecte entre Washington et Téhéran par le truchement des E3, de l'Union, et sans doute des autres parties (Pékin et Moscou). Il semble que l'administration Biden ait pris en compte le problème délicat des sanctions en doublons sur des cibles identiques.

Ned Price, porte-parole du Département d'État, reconnaît qu'il faudra lever les « sanctions qui sont incompatibles avec le JCPOA ». Il n'en réaffirme pas moins que les États-Unis n'entendent pas « faire des gestes unilatéraux ni des ouvertures conciliantes qui ne seraient pas assorties « de mesures iraniennes. Et il rappelle qu'une fois un accord trouvé, qui servira de socle il faudra ouvrir des négociations sur d'autres chapitres : renforcement de certaines dispositions, allongement de la durée d'autres, activités 'néfastes' régionales, missiles balistiques, soutien au 'terrorisme'[49]. De son côté, Ali Rabiei estime avec confiance « que nous sommes sur la bonne voie « et que si l'Amérique fait preuve de volontarisme et de sérieux, ce sera un signal pour un meilleur avenir de l'accord nucléaire. Chacun s'accorde à dire que le chantier ouvert est compliqué, sera peut-être long, notamment du fait que le dialogue avec l'Iran est indirect.

L'optimisme est prudent et relatif car la tâche à accomplir par les deux groupes de travail est lourde. Le vice-ministre iranien Abbas Araqchi réitère dans une interview du 7 avril la position de principe iranienne : « Nous voulons que les sanctions soient totalement levées ; ceci comprend les sanctions imposées pendant la période Trump, ainsi que toutes les sanctions imposées par le Conseil de Sécurité des Nations Unies »[50].

Ceci comprend à la fois des sanctions thématiques et des sanctions contre des individus et des institutions. » Araqchi insiste : « la priorité est de lister les sanctions qui sont à lever ». C'est précisément l'objet d'un des deux groupes d'experts. On remarque ici que Téhéran ne se contente pas de répéter sa demande de base mais adopte une posture maximaliste et par certains côtés, irréaliste, d'entrée de négociations (comportement assez classique chez les iraniens) dont il sait fort bien que le résultat final n'en sera pas le reflet du fait d'inévitables concessions. Il n'est pas certain qu'Araqchi ait perçu que dans le contexte actuel, pareille attitude risque d'être contre-productive.

Le déroulement de ces discussions est suivi avec attention par le très conservateur parlement iranien qui a émis de vives critiques sur celles-ci, doutant de leur succès et estimant que l'approche suivie pourrait être contraire aux intérêts du pays[51].

Les pressions ne manquent pas, comme le montre l'annonce, le 6 avril, de tests sur de nouveaux modèles de centrifugeuses IR9 prévus pour le 10 avril suivant, un signal ne favorisant pas un climat de détente. Les délégations se sont retrouvées le 9 avril après une brève pause pour un premier bilan des deux groupes de travail. Selon l'AFP, » les États-Unis ont indiqué avoir fait des propositions 'très sérieuses' à l'Iran pour relancer l'accord sur le nucléaire iranien et s'attendre à ce que Téhéran fasse preuve du même 'sérieux'[52].

Après quoi les experts ont repris leur chantier de clarification des positions réciproques. Ce même 9 avril, Kazem Gharibabadi, délégué iranien à l'AIEA et membre de l'équipe de négociateurs, avait précisé ce qu'il entendait par le caractère vérifiable de la levée des sanctions : « Vérifications signifie, par exemple, que la République Islamique doit être capable de signer ses contrats d'exportation de pétrole et de l'exporter et de rapatrier ses revenus par des canaux bancaires ou considérer d'autres utilisations pour eux ».

Dans le même sens, il indique : « Ou, dans le secteur bancaire, (l'Iran doit) être capable de mener ses transactions en utilisant différents canaux financiers ». Il a réitéré l'exigence que cette levée se traduise dans les faits, pas sur le papier, y compris pour les sanctions théoriquement non nucléaires prises sous d'autres prétextes mais aux mêmes fins[53]. De son côté, Abbas Araqchi, le vice-ministre iranien reprend l'exigence iranienne de levée de toutes les sanctions prononcées par Trump, tout en souhaitant parvenir à un accord d'ici 5 à 6 semaines. Selon le media iranien PressTv citant des sources proches des négociateurs iraniens, Téhéran ne se satisferait pas de simples suspensions temporaires de sanctions, de 'waivers' de 120 ou 180 jours[54]. L'Iran campe toujours sur sa posture maximaliste.

Parallèlement à cela, la perspective d'un accord contrarie de plus en plus Netanyahu qui avait prévenu, le 7 avril, qu'Israël ne se sentira lié par aucun accord signé par les grandes puissances s'il aboutit à assurer à Téhéran l'arme nucléaire[55]. La veille, un navire iranien, le MS Saviz, stationné en Mer Rouge, et qui est réputé servir de base (ou de station de surveillance) pour des commandos des Gardiens de la Révolution, est touché par une mine dont l'origine probable est israélienne. Ce n'est certainement pas un hasard du calendrier. Cette attaque fait suite à une douzaine d'opérations conduites par des Israéliens contre des pétroliers iraniens se rendant en Syrie[56]. Deux jours après, Israël bombarde des installations tenues par des Gardiens de la Révolution près de Damas. De son côté, l'Iran est fortement soupçonné d'être à l'origine d'une attaque contre un cargo appartenant à une entreprise israélienne le 25 mars. Dans ce climat tendu, Téhéran a relâché le 9 avril (au moment où les experts se réunissent à Vienne) le tanker sud-coréen jusqu'ici retenu. Par ce geste, précédant opportunément la visite de Chung Sye kyun, le premier ministre sud-coréen à Téhéran (premier déplacement en Iran d'un responsable coréen de ce niveau depuis 44 ans), l'Iran entend faciliter le dégel de ses devises immobilisées en Corée qu'il voudrait utiliser pour importer des médicaments, notamment des vaccins contre le coronavirus[57]. Le chef du gouvernement coréen a assuré l'Iran de son appui dans les discussions sur le dossier nucléaire et qu'il se concertera avec les pays concernés pour essayer de régler le problème de ces fonds iraniens bloqués[58].

Les 'coups' plus ou moins cachés, soigneusement calibrés, que s'infligent mutuelle- ment israéliens et iraniens, pour être limités, n'en sont pas moins dangereux ; des analystes israéliens décrivent cette 'guerre de l'ombre' comme une 'escalade contrôlée', c'est-à-dire dont « les protagonistes font monter les enchères mais veillent à ne pas en perdre le contrôle et laisser dégrader vers une guerre totale ». Mais le risque d'une telle perte de contrôle est bien réel, selon certains observateurs, et la capacité à le reprendre, limitée. Ils soulignent que la crise politique israélienne ajoute à cette incertitude[59].

Voyant que les pressions israéliennes ne freinent pas les négociations, Netanyahu décide de frapper fort afin de les perturber durablement.

Le 11 avril se produit une violente explosion sur le site nucléaire de Natanz qui abrite notamment des centrifugeuses, auquel d'importants dégâts sont infligés[60], causant une grande confusion. Ali Akbar Salehi, responsable de l'Organisation Iranienne de l'Energie Atomique (AEOI), parle de 'terrorisme nucléaire' sans désigner nommément Israël. Mais nombre de media israéliens évoquent directement une cyberattaque visant un site hébergeant des centrifugeuses[61]. Visiblement 'inspirés' par les services spéciaux[62], ces journaux ont voulu délivrer ainsi un avertissement limpide à Téhéran : nous pouvons frapper et neutraliser votre arsenal quand nous le voulons. Un vigoureux message dont Biden et les signataires du JCPOA sont aussi destinataires : Israël ne laissera pas sa sécurité amoindrie par un JCPOA 'médiocre'.

La violence du propos est à la mesure de l'irritation de Netanyahu qui joue ses cartes pour peser sur une négociation où il n'est pas invité. Pour l'Iran, le choc est rude, l'humiliation sévère. L'explosion intervient le lendemain du jour où l'AEOI a annoncé que le site de Natanz a été complètement reconstruit et qu'elle se préparait à remettre en service ses centrifugeuses.

Mehran Mostafavi, chercheur nucléaire basé en France, souligne que les défaillances dans la protection des sites iraniens sont particulièrement pénalisantes (d'autant plus que les services de sécurité - d'un côté le ministère des renseignements, de l'autre le SR des Gardiens de la Révolution- qui se livrent une concurrence féroce[63], ont connu des échecs retentissants face aux attentats et assassinats perpétrés en Iran), alors que le pays consacre à ces derniers des budgets fort importants.

Ce dernier estime[64], comme d'autres, qu'Israël a voulu de la sorte peser sur les négociations nucléaires et envoyer un avertissement au gouvernement. Il considère que si l'Iran « a la capacité technique de construire une bombe, en pratique, la mise en œuvre n'a pas été possible ». Il faudrait non seulement disposer de missiles dotés d'un guidage de précision, et conduire des essais nucléaires souterrains. Il ajoute qu'en sus, Téhéran ne pourrait pas déménager en secret des centrifugeuses stockées dans des souterrains. L'opération israélienne de sabotage a probablement fortement contrarié la poursuite accélérée de mise en service de centrifugeuses (qui fait partie des écarts successifs programmés par Téhéran pour contraindre Washington à lever les sanctions bloquant les exportations de pétrole et le flux financiers). Elle appelle quelques remarques rapides : d'une part elle s'inscrit dans un chapelet de coups portés à l'Iran, non seulement rapprochés mais d'une intensité croissante.

Des sabotages étaient déjà intervenus dans le passé, celui-ci apparait en revanche spectaculaire. En second lieu, la série de chocs que se sont infligés les deux protagonistes ne se limite plus à des actions clandestines, celles-ci se déroulent désormais pratiquement au grand jour. Bien plus, les opérations israéliennes ne se limitent plus aux « alliés » locaux ('proxies') mais de plus en plus visent directement l'Iran. C'est un tournant important qu'il convient de souligner. L'analyste Dalia Dassia Kaye y voit l'application de la doctrine 'Octopus' définie par Naftali Bennett, consistant à cibler directement l'Iran et non plus diverses milices comme le Hezbollah[65]. Israël exerce ainsi sa propre version des 'pressions maximales' sur Biden pour empêcher celui-ci de conclure un compromis avec Téhéran, ou, du moins, un accord qui ne permette pas à ses yeux l'immobilisation totale et définitive du programme nucléaire iranien en cours.

Dans un autre ordre d'idées, il convient de souligner, ce qui est assez étonnant, que ni Washington ni les E3 n'ont officiellement condamné l'explosion de Natanz, et se sont refusés à mettre en cause Israël. Jen Psaki, porte-parole de la Maison-Blanche, s'est contentée de dire le 12 avril que l'Amérique n'était en rien impliquée dans cet épisode. De son côté, l'Union Européenne rejette toute tentative de mettre en péril les négociations nucléaires et attend des conclusions établissant les origines de cet épisode.

L'absence de condamnation européenne du sabotage de Natanz a très certainement choqué les Iraniens. Il nous semble clair que la non distance de l'Union, et singulièrement des E3 par rapport à la 'neutralité' américaine a choqué et ajoute au sentiment des dirigeants iraniens que les E3 sont de simples satellites de l'Amérique. Le 13 avril, Zarif a vigoureusement condamné la passivité européenne devant cet acte et a inversement remercié la Russie de sa prise de position réprouvant cette action. Il a doublement blâmé l'Europe qui non seulement ne s'est pas élevée contre ce sabotage mais en plus a prononcé de nouvelles sanctions contre des responsables iraniens. En effet, l'Union a sanctionné 8 iraniens responsables de graves atteintes aux droits de l'Homme[66] et 3 Fondations, une mesure dénoncée par le ministère iranien des affaires étrangères comme étant 'politiquement motivée'.

À cette occasion, Zarif a vigoureusement critiqué l'Europe à qui il a promis une réaction : « Nous sommes en train d'examiner des sanctions contre les Européens impliqués dans ce processus ». Le ministère iranien des affaires étrangères a annoncé dans la foulée suspendre la coopération avec l'Europe dans plusieurs domaines (droits de l'homme, stupéfiants, terrorisme et réfugiés)[67]. Il a élargi la portée de sa critique à l'égard de l'Europe : « Au cours des dernières années, l'Union Européenne a montré qu'elle a progressivement perdu de son importance dans les relations internationales en ne parvenant pas à respecter ses obligations et en succombant aux pressions américaines »[68].

La question de la réaction iranienne s'est immédiatement posée. En dépit d'inévitables déclarations martiales, pouvant laisser craindre une riposte iranienne violente sur des objectifs israéliens[69], il apparaît que Téhéran a suivi la doctrine de 'patience stratégique' (éviter le déclenchement d'une guerre 'totale' avec Israël, donc aussi avec l'Amérique, qui lui serait fatale) mise en œuvre dans la foulée de l'élimination du général Soleimani où l'on a assisté à un exercice de 'riposte graduée' maîtrisée[70]. Les experts israéliens s'attendent à ce que l'Iran ne prenne pas le risque d'un affrontement alors que se déroulent les négociations nucléaires. Zarif déclare lui aussi que l'Iran se 'vengera' mais « ne tombera pas dans le piège en refusant d'entamer des négociations qui permettraient la levée des sanctions américaines unilatérales ». Il ajoute que non seulement Natanz sera reconstruit, mais sera doté de centrifugeuses plus perfectionnées[71]. Ali Salehi, directeur de l'Agence nucléaire AEOI, a non seulement annoncé qu'un certain nombre de centrifugeuses seront réparées, mais que des installations souterraines seront installées dans des montagnes (détail intéressant mais on devine que l'installation de ces nouveaux ateliers à l'abri prendra du temps)[72].

La riposte iranienne la moins risquée était inévitable. Abbas Araqchi, vice-ministre iranien, annonce le 13 avril que l'Iran va franchir un nouveau pas en lançant l'enrichissement de l'uranium à 60% et prévoit d'installer 1000 centrifugeuses dotées d'une capacité augmentée de 50% à Natanz en plus du remplacement des centrifugeuses détruites[73]. Cette décision a été condamnée tant par Washington que par les Européens, mais on peut percevoir une certaine différence entre les réactions américaines et européennes. Biden a manifestement voulu éviter de grossir cette péripétie, en déclarant que porter l'enrichissement de l'uranium à 60% était inopportun mais qu'il se réjouissait de la poursuite des négociations nucléaires[74].

Prudemment, le locataire de la Maison-Blanche concède : « Les discussions sont en cours, je pense qu'il est prématuré d'avancer un pronostic sur ce qu'il en sortira. Mais nous continuons de dialoguer ». Blinken est plus alarmiste : « Nous prenons très au sérieux cette annonce provoquante d'une intention de commencer à enrichir de l'uranium à 60% ». Il ajoute que ces développements « mettent en question le sérieux de l'Iran au regard des discussions nucléaires ». Du côté européen, on perçoit chez les E3 une volonté de dramatiser davantage : « La dangereuse communication récente de l'Iran est contraire à l'esprit constructif et de bonne foi de ces discussions ». La France a déclaré que la décision iranienne était « un événement sérieux » et nécessitait une réponse coordonnée des signataires du JCPOA ; visiblement Paris a voulu se poser en 'leader' d'une posture plutôt ferme mais dont on ne voit pas les tenants et aboutissants pratiques.

La troisième session de la commission de suivi s'est tenue brièvement le 15 avril pour un point d'étape. Le contexte tendu que nous venons d'évoquer aurait pu engendrer un raidissement iranien risquant de compromettre toute négociation. Paradoxalement Ali Khamenei l'a précédée d'un signal positif encourageant à poursuivre les discussions tout en exerçant une pression pour les faire avancer. Le 14 avril, il a encouragé les négociateurs à progresser mais en évitant que « les négociations ne traînent trop ou de permettre à l'autre partie de trop étendre les négociations »[75]. Le Guide a ainsi nettement voulu laisser sa chance à la diplomatie. C'est plutôt inattendu, surtout quand on se souvient de ce qu'il avait laissé entendre qu'il n'y avait pas urgence.

Notons qu'Araqchi, vice-ministre iranien des affaires étrangères, a déploré la maigre réaction de ses interlocuteurs européens devant le sabotage de Natanz. Il a vivement critiqué les sanctions européennes qui sont de nature à porter préjudice aux négociations de Vienne : « Les Européens ont non seulement ignoré cet important acte de sabotage, mais ils se sont empressés d'imposer de nouvelles sanctions contre l'Iran, et ceci était inacceptable ».

De leur côté, les Israéliens commencent à réaliser qu'ils risquent de ne pas pouvoir empêcher le rétablissement du JCPOA[76]. Selon le vice-ministre Araqchi, les conversations ont atteint un stade où Téhéran va proposer des textes qui ne seront pas des réactions finales mais serviront de base de discussion. Ceci signifie que les conversations s'approchent de la phase de rédaction d'un texte incluant les points où un consensus est trouvé à l'image de la méthode utilisée pour la rédaction du JCPOA où les négociateurs avaient rédigé un 'tronc commun' assorti de 'trous' et de variantes pour les points où des désaccords subsistaient jusqu'à leur élimination.

À cet égard, Araqchi (position maximaliste indiquant que Téhéran n'est pas encore en phase de conclusion), affirme que l'Iran refuse la distinction entre sanctions 'nucléaires' et les autres. Le 25 avril, deux jours avant la réunion de la Commission Conjointe, il déclare que l'approche 'étape par étape' a été abandonnée ; en outre il réitère sa revendication classique distinguant d'un côté les sanctions sectorielles (pétrole, banque, assurance, transport maritime, pétrochimie, construction et secteur automobile) pour lesquelles, selon lui, il y a un consensus pour qu'elles soient toutes levées. Quant à celles touchant 1500 personnes physiques et morales désignées dont il demande aussi la suppression, il reconnaît que ceci pose des problèmes « complexes »[77] (il se doute qu'il s'expose à nouveau à de fortes objections américaines). En plus, l'Iran redoute que Washington ne propose que des suspensions (waivers) de sanctions au lieu de leur suppression et de ne consentir à l'Iran que de brèves périodes de vérification de leur levée[78].

Pendant ce temps, les États-Unis réfléchissent au choix (de plus en plus délicat) de sanctions à lever et de 'baby steps'[79] à consentir éventuellement. Selon le Wall Street Journal, un responsable américain laissait entendre que les sanctions frappant la Banque Centrale d'Iran, la NIOC, les tankers transportant les hydrocarbures, les industries de l'acier et de l'aluminium pourraient être levées. Une proposition en ce sens aurait été communiquée le 21 avril aux Iraniens[80]. Elle comprendrait une description des sanctions réparties en 3 paniers : celles que Washington est disposé à lever, celles qui ne le seront pas, et celles dont il faut vérifier si elles relèvent de l'Accord nucléaire. Ce 3ème panier est le plus délicat à traiter, car il comprend des sanctions que l'administration Trump a prononcées dans le seul but de compliquer le retour au JCPOA[81]. Le critère de classification posé par l'administration Biden (sanctions qui ne sont pas cohérentes avec le JCPOA = qui ne lui sont pas véritablement liées) est fort complexe.

Selon des diplomates européens, des sanctions frappant les secteurs textile, automobile, transport, assurance pourraient également relever de ce qui peut être levé au titre du JCPOA. En revanche, les Américains ne semblent pas vouloir revenir sur la classification des Gardiens de la Révolution pas plus que celle du Bureau du Guide comme 'organisation terroriste'. Deux sujets qui 'fâchent'[82]. Enfin, Washington a entretemps répété son refus (malgré les demandes iraniennes) de lever toutes les sanctions avant que l'Iran ne recommence à respecter ses engagements nucléaires.

De son côté, le très important Majlis Research Center (think tank du parlement iranien un peu comparable -proportions gardées- au Congressional Research Service américain), qui suit de très près les négociations publie un 5ème rapport sur les priorités iraniennes (« Verification Indicators for the Elimination of Sanctions in the Fields of Energy, Industry and Aviation Technology »)[83]. Pour l'énergie, il faudrait que soient levés les obstacles qui gênent l'exportation, le financement, la fourniture, la production et de développement. Les importateurs d'hydrocarbures iraniens doivent pouvoir les acheter sans problème et pouvoir à nouveau conclure des contrats annuels.

Le Majlis Research Center demande que soit vérifiée la suppression des obstacles aux transferts d'argent des clients, aux transactions avec les secteurs du transport maritime et des constructions navales, et des ports, ainsi que des assurances couvrantes l'exportation de pétrole. S'agissant des opérations bancaires liées à ces transactions, des vérifications sur leur libération devraient pouvoir durer de 3 à 6 mois[84].

De même tous les obstacles concernant la fourniture d'équipements, les transferts de technologie dans ce secteur devraient être supprimés. Le rapport formule aussi des exigences de même type concernant la pétrochimie et le secteur de l'électricité. En matière financière, le rapport revendique l'amélioration de l'appréciation de l'Iran dans l'indice de risque crédit et dans la notation de l'Iran par les organismes financiers internationaux, et l'obtention de lignes de crédit. Nous ne savons pas si ce texte a prévu d'assortir cette demande de l'engagement de Téhéran d'adopter la législation demandée par le GAFI, faute de quoi ces requêtes risquent d'être écartées. Dans le secteur automobile, le rapport plaide pour des contrats à long terme avec les grands groupes mondiaux, et pour l'obtention de financements pour investir dans ce secteur en Iran. (NB : l'Iran a de longue date l'ambition d'être le grand hub automobile régional). Pour le secteur aéronautique, le centre demande que soit confirmée la levée des sanctions sur la fourniture d'aéronefs et de pièces détachées, leur maintenance, et sur le secteur public de l'aviation, sans requérir des licences de l'OFAC. Ceci s'étend aussi aux infrastructures aéroportuaires. Il n'est pas certain que ce vaste menu (dont certains éléments risquent de ne pas être retenus) ait été formellement présenté par les négociateurs. Ce niveau de détail est de toute façon prématuré.

Pour renforcer et accélérer l'efficacité des négociations, la Commission Conjointe, à l'issue d'un premier bilan des deux groupes de travail, où a été reconnue la persistance de désaccords sur ce que Washington et Téhéran doivent accomplir, décide le 27 avril la création d'un troisième groupe « Executive Arrangements Working Group » chargé du séquençage des mesures à prendre par chacun des deux protagonistes (y compris la question sensible des vérifications). Une mission critique dont l'existence-même atteste que des progrès ont été accomplis. Discuter du séquençage signifie que même si des engagements de retour complet étaient souscrits, leur application ne peut matériellement se faire que par étapes. Les participants ont aussi convenu de ce qu'il faut accélérer le cours de ces négociations. Le nouveau groupe a débuté ses travaux dès le lendemain. On observe à cette occasion le renforcement de la concertation entre Téhéran, Moscou et Pékin, et de l'alignement de leurs positions. Néanmoins, notons que la Russie a évité de critiquer publiquement Israël au sujet de l'explosion de Natanz et s'est employée à assurer l'État hébreu de ce que ses préoccupations sont prises en compte, et qu'un accord avec Téhéran ne compromet pas sa sécurité, bien au contraire, (malgré les divergences de vues entre Moscou et Tel-Aviv sur ce point).

Signe de l'inquiétude croissante israélienne, une délégation israélienne a rencontré le secrétaire d'État Tony Blinken le 29 avril, alors que le ministre des renseignements Elie Cohen avait affirmé qu'une guerre surviendrait si les États-Unis et leurs partenaires concluaient un accord nucléaire avec l'Iran considéré comme mauvais par Israël. Le chef du Mossad, Joseph Cohen, et l'ambassadeur israélien Gilad Erdan ont fait part à Blinken de « leurs profondes préoccupations sur le problème nucléaire iranien et les autres activités ». Auparavant, Jake Sullivan s'était entendu signifier par des interlocuteurs israéliens qu'Israël conserve « sa liberté d'action ».

C'est dans un contexte d'incertitude tendue par la proximité des échéances (21 mai et présidentielles iraniennes) que s'est ouvert le 4ème round de négociations le 7 mai. La veille, un représentant du Département d'État a fait une mise au point qui sonne comme un 'rappel à l'ordre', une sorte de message à l'Iran sur les lignes rouges de la discussion. Alors que le délégué russe avait laissé entendre que cette nouvelle session pourrait (éventuelle ment) être l'ultime, le haut-fonctionnaire anonyme (« Senior State Department Official ») met en quelque sorte l'Iran au pied du mur : « une série de choix doit être faite » ; et l'Iran doit prendre « une décision politique ». Il ajoute « Nous ne savons pas si l'Iran a pris cette décision. Nous ne savons pas s'ils ont décidé qu'ils étaient prêts à un strict retour mutuel à la conformité et s'ils sont préparés à le faire maintenant ». Si tel est le cas, selon lui, il peut être réalisé dans les semaines à venir[85]. Le 7 mai, Biden, interrogé sur le sérieux des Iraniens, répond par l'affirmative mais dit ignorer jusqu'à quel point et ce qu'ils sont disposés à faire. Cette position confirme catégoriquement que Washington n'entend pas lever les sanctions qui ne relèveraient pas du JCPOA ; c'est une fin de non-recevoir aux revendications iraniennes de levée de toutes les sanctions, peu important leur qualification. On sait, comme nous l'avons déjà dit, que l'administration Biden accepte d'assimiler à des sanctions 'nucléaires' (levables) celles des sanctions artificiellement redondantes destinées à bloquer tout retour au JCPOA, mais n'ira pas plus loin.

On perçoit donc un certain agacement américain devant ce qui est perçu comme un combat d'arrière-garde iranien (alors que Zarif et ses diplomates sont sous pression du Guide et des durs du régime pour extorquer des concessions maximales). On com- prend aussi que cette attitude atteste la nécessité de confier la finalisation d'un accord aux ministres et non plus à leurs seuls adjoints épaulés par les experts. Le moment de cette intervention ne pourra être retardé indéfiniment.

Pour sa part, Jean-Yves Le Drian, Ministre français des affaires étrangères, fidèle à son suivisme américain, renchérit (avec un rappel de sa mise en garde surréaliste quant à l'imminence d'une bombe atomique iranienne !) dans une interview au quotidien britannique The Guardian : « Nous avons besoin de parvenir d'urgence à certains progrès car du fait des manquements de l'Iran à ses propres engagements, l'Iran n'a jamais été aussi près de la bombe atomique. Les États-Unis sont très déterminés à faire des progrès- ils ont émis les gestes et signaux nécessaires pour montrer qu'ils étaient prêts à prendre les décisions nécessaires pour lever les sanctions.

À présent, l'Iran n'a pas adopté les gestes et signaux correspondants quant à toutes leurs violations de l'accord depuis 2019. C'est un moment crucial car c'est maintenant que les Iraniens doivent adopter les gestes nécessaires ».[86] Le raisonnement du chef de la diplomatie française ne peut convaincre à partir du moment où il 'oublie' que c'est Washington qui a en premier piétiné ses engagements et qu'il y a quelque logique à ce que l'Iran (sans que l'on néglige ses propres écarts) revendique que Washington donne des garanties irréfutables d'une levée des sanctions se traduisant matériellement dans les faits. Au moment où débute le 4ème round de rencontres, Washington n'a pas encore produit ses garanties, ce qui entraîne symétriquement que l'Iran n'a pas émis de signaux concrets de retour à la conformité.

Il reste qu'à l'occasion de ce 4ème round, Téhéran persiste à tenter d'obtenir de plus amples concessions américaines. Abbas Araqchi reconnaît que les Américains sont sérieux dans leur recherche d'un accord mais il ajoute : « Jusqu'à présent ils ont annoncé qu'ils sont prêts à lever la plupart de leurs sanctions, mais nous ne pensons pas que ce soit suffisant ».

Il ajoute : « C'est pourquoi les négociations vont continuer jusqu'à ce que nous obtenions (gain de cause) sur toutes nos demandes à cet égard. » Il conclut : « Si nos demandes sont satisfaites, l'Iran sera très sérieux en revenant à ses obligations d'une totale application du JCPOA »[87].

De son côté, Biden redoute les critiques des ultras au Congrès et ailleurs[88]. C'est sans doute le risque de réactions négatives du Congrès qui fait hésiter l'administration américaine à lancer des 'baby steps' qui, bien que n'ayant pas le caractère de mesures unilatérales de retour à la conformité (que les États-Unis refusent catégoriquement), pourraient incarner les 'signaux' attendus par Téhéran comme attestant la volonté américaine de concrétiser dans les faits les futures levées de sanctions[89]. Le déroulement de ces négociations présente des analogies avec celles de juillet 2015. Il faut parvenir à un moment dramatisé de rupture désastreuse pour qu'une décision politique intervienne dans un moment paroxysmique où chacun est mis face à ses responsabilités, dans l'obligation d'une décision politique. Jusque-là, les uns (américains) campent sur des positions qu'ils estiment raisonnables, tandis que les autres (iraniens) essaient de pousser leurs revendications au-delà de ce qu'ils savent pertinemment atteignable. Pour ces derniers, il s'agit de donner des gages politiques internes de non-capitulation.

Bien qu'expressément exclu des négociations liées au retour du JCPOA, un chapitre n'a cessé d'acquérir de l'importance : la libération des prisonniers binationaux en Iran. La condamnation de Nazanin Zaghari-Ratcliffe à un an de prison à la fin du mois d'avril 2021, a suscité un surcroît d'émotion. Il semble que cette mesure, dénoncée par les opinions occidentales, a permis, en dépit de son caractère arbitraire, de stabiliser le sort de la détenue, ouvrant la voie à des négociations. Celles-ci portent sur l'élargissement de la prisonnière en échange du paiement par Londres de $ 556 mil- lions dus à l'Iran suite à l'annulation en 1979 d'une vente d'armes.

D'autres sources évoquent la possibilité de dégeler £ 400 millions d'avoirs iraniens[90]. Tony Blinken a récemment fait savoir que Washington ne s'opposerait pas à ce règlement, qu'il a qualifié ainsi : « C'est une décision souveraine pour le Royaume-Uni ».[91] Dans le même temps se multiplient les rumeurs d'un accord d'échanges de prisonniers entre iraniens et américains. Le rapatriement de citoyens américains (binationaux) détenus en Iran était une priorité pour Trump qui n'a obtenu guère de résultats à cet égard. Biden sait que le sort de ces prisonniers pèsera lourd dans l'opinion, mais surtout au Congrès quand il devra présenter le résultat de ses négociations avec l'Iran. En fin avril, Ali Rabiei, porte-parole du gouvernement iranien, déclare que l'Iran veut la libération des citoyens iraniens détenus aux USA. Or Al Mayadeen[92] (media libanais) fait état d'une négociation en cours entre Téhéran et Washington ; cet écho a été repris par la télévision publique iranienne.

Selon lui, en échange du déblocage de $7mds actuellement retenus aux États-Unis, la libération de 4 prisonniers (il pourrait s'agir de Siamak Namazi,Bagher Namazi, Emad Edward Sharghi, Morad Tahbaz) pourrait intervenir à réception de ces fonds.

En revanche, il n'y a pas d'indication sur l'avancement des discussions pour la libération d'autres binationaux prisonniers à Téhéran, ni sur l'élargissement possible de détenus iraniens en Amérique. La France, pour sa part, ne fait pas état de progrès pour l'obtention du retour de Fariba Adelkhah, toujours interdite de quitter le territoire iranien. L'annonce du 'deal' sur les 4 détenus a rapidement fait l'objet de dénégations. L'administration américaine a démenti[93] qu'un deal avait été conclu, même si des conversations étaient en cours. Le représen- tant permanent de Téhéran à l'ONU, Majid Takht Ravanchi, a déclaré que cette nouvelle « n'est pas confirmée »[94].

Le ministère des affaires étrangères a également démenti l'existence d'un deal mais pas nié celle des négociations tandis que les media proches des Gardiens tentent d'en attribuer les mérites à ces derniers[95]. De son côté, un diplomate russe a tenu à préciser que les échanges de prisonniers ne sont pas à l'ordre du jour des discussions de Vienne (une façon de dire que c'est une affaire purement bilatérale entre américains et iraniens). On peut néanmoins supposer qu'en toute discrétion l'Union Européenne comme les autres signataires du JCPOA plaident pour une libération de l'ensemble des prisonniers des deux protagonistes. Benjamin Brière, citoyen français détenu en Iran depuis mai 2020, devrait être attrait devant un tribunal pour 'espionnage et propagande contre le régime', accusation passe-partout régulièrement utilisée par le pouvoir judiciaire en présence de dossiers peu nourris.

Le chemin de l'accord est, comme on l'a bien vu, parsemé d'embuches.

Dès que les négociations progressent, des nuages orageux viennent en perturber le cours. Le 25 avril plusieurs media révèlent l'existence d'une longue interview (7 heures) de Zarif par l'économiste Saeed Leylaz, enregistrée via le réseau Clubhouse dont Iran International publiera un large extrait (3 heures)[96]. Cette interview, qui n'était pas destinée à être publiée, fait partie d'une série de 33 entretiens ayant vocation à constituer un 'documentaire oral' constitué par le Centre pour les Etudes Stratégiques, think tank du chef de l'État, dirigé par Heshaloddin Ashena, un proche de Rohani. Les propos tenus par Zarif contiennent des révélations explosives qui ont entraîné de très gros remous de nature à déstabiliser le chef de la diplomatie iranienne.

Celui-ci défie frontalement les Gardiens de la Révolution en les mettant en cause et en critiquant frontalement une figure « intouchable » du régime, le général Soleimani. Il brise une série de tabous. De quoi susciter un séisme politique si ces propos sont divulgués. Le ministre déclare qu'en fait la diplomatie iranienne est confisquée par les Gardiens de la Révolution qui imposent leur ligne sans que le ministre puisse s'y opposer : « Dans la République Islamique, le militaire dicte les règles » et il dénonce le caractère unilatéral de l'implication des Gardiens sur la diplomatie : « J'ai sacrifié la diplomatie pour la sphère militaire plutôt que le militaire a servi la diplomatie ». Il confirme que les décisions sont prises, certes par le Guide, mais aussi par les Gardiens[97].

Il se plaint d'avoir été régulièrement marginalisé par Soleimani sur plusieurs dossiers importants. Il révèle que le général lui a demandé d'intervenir auprès de Serguei Lavrov, ministre russe des affaires étrangères, pour que Moscou intervienne en Syrie mais s'est toujours refusé de peser sur ce dernier quand Zarif en avait besoin. Pire, Soleimani a mis Zarif en position délicate en utilisant (sans le prévenir) la compagnie aérienne Iran Air pour transporter hommes et matériels militaires.

De même, le chef de la Force Al-Qods et la haute hiérarchie des Gardiens ont dissimulé à Zarif les circonstances réelles de l'affaire de l'avion ukrainien abattu. Un autre aspect de ces déclarations laisse perplexe. Le chef de la diplomatie iranienne affirme qu'en réalité Moscou était hostile au JCPOA[98] qui pouvait entraîner un rapprochement de l'Iran avec les occidentaux[99]. Non moins curieusement, Zarif prétend que John Kerry, lorsqu'il était secrétaire d'État sous Obama, l'aurait informé de ce que Israël aurait procédé à plus de 200 opérations clandestines contre des cibles iraniennes en Syrie. Cette révélation a provoqué un flot de protestations indignées dénonçant Kerry, voire exigeant sa démission de l'équipe Biden. Le Département d'État a démenti que les informations communiquées par Kerry soient une révélation pour Zarif (qui ne pouvait ignorer ces opérations dont les gouvernements concernés avaient fait état publiquement)[100].

Sans surprise ces révélations ont déclenché un séisme politique en Iran. Les milieux conservateurs se sont déchaînés[101] contre celui qui a osé à la fois dénoncer la mainmise des pasdarans, mais surtout briser un tabou en critiquant une 'idole' intouchable. Les media ultra, proches des Gardiens, ont ciblé une part importante de leurs attaques contre Hesamoddin Ashena, organisateur du projet de 'documentaire', et surtout proche de Rohani. Il est notamment accusé implicitement d'être responsable de la « fuite » qui a permis à un media étranger (Iran International) d'avoir accès à cette interview. Ce point n'est pas anecdotique, nous y reviendrons plus loin : « Comment un projet politique peut-il être mené du début à la fin par un organe sous la supervision du président et ensuite finir entre les mains d'antirévolutionnaires à Londres ? » demande le journal Farhikhtdegan, qui insiste : « Qui sera responsable de ce scandale historique du gouvernement Rohani ? ».

Au-delà de Zarif, Rohani est inclus dans le tir (bien ajusté, car c'est une vraie question) contre l'exécutif. Le journal en profite pour prétendre que la fuite permet de mettre en doute « la gestion du gouvernement Rohani du dossier nucléaire »[102] ce qui, selon lui, permettrait d'expliquer les terribles chocs sécuritaires intervenus dans un passé récent, comme l'explosion de Natanz. D'un côté, on voit que ces media proches des Gardiens abondent la dénonciation d'un exécutif faible (traduction : à remplacer par des décisionnaires 'forts') mais commettent un aveu involontaire de faiblesse en évoquant les failles sécuritaires dont ils sont responsables. L'explosion de Natanz, les autres actions violentes commises sur le territoire iranien, sont des échecs calamiteux des services de sécurité, au premier chef, les Gardiens. Selon Iran International, l'agence Fars, proche de ceux-ci, moque Zarif dont le 'comportement erratique était connu'. Plus intéressant, Fars laisse entendre que « les voleurs qui ont dérobé cet enregistrement audio et que ceux qui l'ont publié » avaient deux objectifs : « D'abord blâmer la 'sphère' (les Gardiens) en toute chose et dire que c'est à cause d'elle que le JCPOA n'a pas permis de produire des résultats, et en second lieu qu'en Iran le président n'a pas de pouvoir et que la solution des problèmes ne viendra pas d'un changement de président » ; Fars parle de 'nouvelle sédition'. On voit que le nœud de cette très violente offensive qui oppose l'exécutif n'est pas un 'loupé' mais que cette contestation porte sur les institutions elles-mêmes. De nombreux media ultras, rapporte la même source, accablent surtout Ashena en vitupérant contre le 'scandale Ashena'.

Les conséquences de cet épisode sont encore difficiles à apprécier. Immédiatement Rohani a donné instruction au ministère des renseignements de procéder à une enquête sur l'origine des 'fuites'. Ali Rabiei, porte-parole du gouvernement, a dénoncé une 'manœuvre' : « Nous pensons que ce vol de documents est un complot contre le gouvernement, le système, l'intégrité des institutions nationales responsables, et aussi contre nos intérêts nationaux »[103]. On voit ici poindre le soupçon naturel que les Gardiens de la Révolution, hostiles à la conclusion d'un accord avec les occidentaux qui serait contraire à leurs intérêts, ont saisi cette occasion (l'interview) pour le torpiller et en même temps conforter leur position (un exécutif fort) en vue des présidentielles. Cette explication est plausible, en tout cas c'est une des réponses (mais pas la seule) à la question « à qui profite le crime ? ». Inévitablement, un premier fusible doit sauter. La pression est forte : Manouchehr Mottaki, ancien ministre des affaires étrangères sous Ahmadinejad, tempête : Zarif doit démissionner. Du coup, Hesamoddin Ashena doit quitter la direction du think tank présidentiel ; il est remplacé par Ali Rabiei, qui reste en même temps porte-parole du gouvernement. Ashena, selon Al-Monitor, était déjà critiqué par les media ultra pour ses supposées relations avec des publications iraniennes 'hostiles' basées à l'étranger[104]. Signe d'un malaise chez les Gardiens, selon Iran Wire, des personnels du service des renseignements des pasdarans ont lancé une opération le 30 avril dans les locaux du chef de l'État et de Zarif où ils se sont emparés par la force de documents[105].

Point essentiel dans cet étrange épisode : quelle sera la réaction du Guide ? Elle prend la forme d'un discours à la gloire de la Force al Qods publié le 2 mai sur son site[106]. Ce texte est très révélateur, son intérêt va très au-delà d'une position circonstancielle. Sans que Zarif soit littéralement nommé (il est clairement désigné), Khamenei lui inflige un double camouflet. Un à titre personnel, en blâmant des propos qui sont un 'reflet de ceux de l'ennemi', l'autre, le plus important, d'ordre institutionnel. Il affirme à cet égard que « nulle part au monde la politique étrangère est déterminée par son ministère des Affaires étrangères « ; il ajoute : « Dans le monde, la politique étrangère est déterminée par des organes gouvernementaux à un niveau supérieur à celui du ministère des Affaires étrangères.

Dans notre pays, c'est conduit par le Conseil Suprême de la Sécurité Nationale. Dans de tels organes supérieurs, les hauts responsables du pays sont présents et ils déterminent la politique étrangère du pays. Bien sûr, le ministère des Affaires étrangères participe aux décisions en matière de politique étrangère. Mais pas au point que le processus de décision dépende du ministère des Affaires étrangères. Non, le ministère des Affaires étrangères exécute ces décisions ». Une lecture trop rapide pourrait suggérer qu'il est normal que le ministère ne soit pas le concepteur ni l'architecte de cette politique, comme dans nombre de pays. Mais un examen attentif permet de comprendre que l'on est ici en présence d'une 'relecture' de la constitution, avec un rehaussement des compétences du Conseil, une diminution du rôle du ministère (et en filigrane du président). Au-delà, c'est la consécration (indue) de la conception quasi-uniquement sécuritaire de l'orientation de la politique extérieure, telle que voulue par les Gardiens, ici avalisée par le Guide. Le ministère des affaires étrangères n'a plus qu'à exécuter les décisions prises par le Conseil Suprême. Or l'article 176 de la Constitution confère à ce dernier d'amples missions en matière de sécurité, comme le savent les experts de ce texte, mais pas spécifiquement la définition de la politique étrangère. C'est donc un tournant institutionnel. Il est révélateur d'une inflexion du régime. Selon des milieux proches du Bureau du Guide, Khamenei aurait refusé la démission de Zarif car ceci risquerait de faire chuter le gouvernement avant l'élection présidentielle et que ceci risquerait de porter un coup fatal aux négociations nucléaires en cours. Mais les mêmes interlocuteurs laissent entendre que « Le Guide songe sérieusement à retirer le dossier des négociations nucléaires au ministère des Affaires étrangères et à le confier au Conseil Suprême de la Sécurité Nationale »[107]. Dans une lettre à Khamenei où il confirme qu'il ne veut pas se présenter aux présidentielles, Zarif demande au Guide que cessent les pressions sur l'équipe de négociateurs nucléaires en vue de la conclusion d'un accord[108].

On notera toutefois que des éléments importants non publiés de l'interview de Zarif montrent que celui-ci refuse de se poser en trublion ; il déclare qu'il n'entend pas se présenter aux présidentielles ; à côté des critiques formulées contre Soleimani, il dresse un éloge appuyé de ce dernier, notamment pour son rôle dans des négociations en Afghanistan et en Irak, affirme sa fidélité au Guide, se présente comme authentique 'serviteur de la Révolution'. Il appuie la 'résistance' du Hezbollah. Au passage, il dénonce les actions saoudiennes pour freiner la conclusion du JCPOA en 2015. Il considère qu'il est possible de parvenir à une solution avec le conflit qui oppose l'Iran aux USA sans pour autant que les deux pays soient destinés à devenir amis. Le JCPOA est un accord équilibré[109]. Dans une réaction au discours de Khamenei, Zarif délivre un message d'apaisement mais qui est aussi un subtil 'dont acte' au Guide[110].

Ceci nous amène à revenir à une des questions soulevées par la 'fuite' de cette interview. Si un premier réflexe tend à accréditer que celle-ci a été voulue par les adversaires d'un retour au JCPOA , des doutes subsistent à ce sujet. Zarif, fin connaisseur du régime, se sachant surveillé par les 'services', ne peut douter un seul instant de ce qu'ils ont (sans nécessité de 'publication' sauvage) communication immédiate de ses propos. Il ne peut ignorer qu'ils ne sont pas confidentiels et que le risque de 'révélation' est maximal. La question qui se pose ici est : sans imaginer qu'il ait organisé cette diffusion extérieure, sous peine d'accusation de 'traîtrise', ne s'est-il pas placé en position de faire savoir urbi et orbi que les Gardiens de la Révolution confisquent au détriment de l'intérêt national les négociations nucléaires qui sont un des rares moyens pour l'Iran de retrouver le calme, la sécurité, et surtout l'urgente amélioration de la situation économique, du sort de la population ? Zarif, par cette dénonciation de l'emprise délétère des Gardiens, non seulement s'adresse aux occidentaux pour leur signifier qu'il n'est pas responsable des obstacles à un accord, mais d'une certaine façon, met le Guide au pied du mur. Celui-ci est désigné responsable d'un choix entre une rétractation sécuritaire et l'acceptation d'une diplomatie dans l'intérêt national. Un piège subtil ? Ceci ne peut guère passer pour un repositionnement d'un Zarif pour les présidentielles, l'intéressé ayant clairement exprimé son refus de concourir[111]. Certains rêvent-ils de lui comme un futur recours ?

Zarif joue gros, à l'image de son pays à l'issue du 4 ème round de négociations dont le bilan a été tracé le 19 mai sur une note prudemment optimiste. Si le président Rohani a proclamé (peut-être de façon quelque peu volontariste) : « nous avons accompli une étape majeure et considérable et le principal accord a été fait », notamment sur des questions cruciales comme les sanctions[112], le vice-ministre Abbas Araqchi a déclaré plus sobrement qu' »un bon progrès a été fait, et qu'il y a certains sujets-clés qui requièrent plus de consultation et de décisions à prendre dans les capitales (des négociateurs des pays respectifs)... en sorte de pouvoir conclure à ce sujet lors du prochain round de négociations »[113]. Cet optimisme est partagé par le délégué de l'Union Européenne, Enrique Mora : « Je ne me hasarderai pas à une date...mais je suis vraiment certain qu'il y aura un accord final »[114], qui ajoute que « des progrès substantiels ont été réalisés pendant les dix derniers jours ». Cependant, « il y a encore certains points à travailler ».

C'est l'objet du 5ème round de négociations qui doit finaliser un texte. Du côté américain, la prudence est de mise, et l'on se refuse à commenter cette situation. Les E3, de façon également sobre, reconnaissent cependant la réalité des avancées : « Nous avons réalisé des progrès tangibles », selon le Wall Street Journal, et ajoutent : « Tant sur l'aspect nucléaire que celui des sanctions, nous commençons à présent à voir les contours de ce à quoi l'accord final pourrait ressembler ». Un constat assorti d'une réserve : « Cependant, le succès n'est pas garanti ». En effet, ils précisent : « Il reste encore quelques points très difficiles à résoudre. Nous ne devons pas sous-estimer les défis qui sont devant nous ». Selon Ali Vaez (International Crisis Group), les questions les moins conflictuelles ont été traitées, et il doit y avoir un projet de texte commun avec plein de parenthèses (points de désaccords, dont les sanctions non nucléaires). Le délégué russe, Mikhail Ulyanov, qui avait un peu rapidement dit qu'un accord était imminent, concède qu'en dépit des progrès enregistrés, « des questions non résolues subsistent ». Le 5ème round de négociations a donc pour vocation de parvenir à des décisions politiques émanant, comme lors des négociations de juillet 2015 des échelons gouvernementaux les plus élevés qui doivent, in fine, trancher.

Il a débuté le 25 mai dans une atmosphère tendue et studieuse, les protagonistes étant conscients des difficiles obstacles à trancher, et de l'impact des manœuvres électorales du Conseil des Gardiens de la Révolution pour la sélection des candidats (rejet de Larijani) sur le climat de ces discussions. Leur poursuite était conditionnée par la prorogation de l'arrangement technique conclu avec l'AIEA, venu à échéance le 21 mai. Celle-ci n'allait pas de soi : Qalibaf, le président du très conservateur parlement iranien, n'avait pas manqué de rappeler le 23 mai que le gouvernement devrait de ce fait interdire aux inspecteurs de l'Agence l'accès aux installations nucléaires iraniennes. Le même jour, Nasrollah Pejmanfar, président de la commission de l'article 90 du majlis, rappelle (menace !) solennellement : tout accord nucléaire conclu à Vienne ne sera valide que s'il est approuvé par le Parlement. Finalement, le 24 mai, Rafael Grossi, directeur général de l'AIEA, annonce que l'arrange- ment est prolongé jusqu'au 24 juin. Les outils de surveillance pourront continuer de fonctionner jusque cette date et, de même, les vidéos collectées seront pareillement conservées. Une mesure saluée par Enrique Mora au nom de l'Union Européenne qui « offre un peu plus d'espace pour parvenir à un accord à Vienne ». À Téhéran, le Conseil Suprême de la Sécurité Nationale, dont on connaît le rôle essentiel dans les décisions à prendre à ce sujet, a confirmé qu'en accordant ce répit supplémentaire, « l'opportunité nécessaire est offerte pour le progrès et la conclusion des négociations »[115]. En annonçant à Rafael Grossi la décision de l'Iran de renouveler ce compromis, le Conseil reflète certainement le fait que le Guide n'a pas renoncé à un accord possible avec les 5+1 malgré l'hostilité des ultras conservateurs, notamment chez une partie des pasdarans. C'est un signal fort.

Malgré tout, les obstacles qui restent à franchir à l'issue de la première séquence de ce 5ème round demeurent conséquents, notamment régler le sort des centrifugeuses nouvellement mises en service est ardu mais techniquement possible. Comme prévu, le contenu de la 'troisième catégorie de sanctions' infligées par Trump (sous des qualifications diverses mais en réalité pour empêcher la levée des sanctions nucléaires) est particulièrement difficile à établir en vue de sélectionner celles qui seront maintenues ou pas car étrangères au JCPOA.

La réalité de griefs autres que 'nucléaires' concernant certaines entités est un problème complexe, et la levée des sanctions contre le bureau du Guide et celles désignant les Gardiens de la Révolution en tant que tels sont politiquement très 'sensible'. Alors que le délégué russe, Mikhail Ulyanov, avait démenti les rumeurs sur l'éventualité d'un sixième round de négociations, celui-ci s'est avéré inévitable à l'issue de la réunion de bilan tenue le 2 juin en raison des progrès limités sur les quelques points les plus critiques. Précédé par des consultations des différentes parties dans leurs capitales respectives, ce nouveau round débutant le 10 juin, devrait être le final, selon Enrique Mora, qui représente l'Union Européenne, mais d'autres diplomates sont dubitatifs. Ali Rabiei, porte-parole du gouvernement, a déclaré le 1er juin que les négociateurs s'attendent à finaliser un accord au mois d'août prochain, sachant qu'en dépit des progrès accomplis, des divergences subsistent, « comme les sanctions de Trump et les mesures que l'Iran doit prendre ». Araqchi, pour sa part, avouait que les discussions sont « compliquées » et qu'il faudra encore un peu de temps pour résoudre les problèmes persistants.

Pendant ce temps, le responsable de l'organisation nucléaire iranienne, Ali Akbar Salehi, à la suite de deux rapports de l'AIEA critiques à l'égard de l'Iran, a notifié à l'Agence que l'arrange- ment technique expirant le 24 mai a bien pris fin, mais que 'par bonne-volonté', Téhéran continuera à l'appliquer tout en contestant les manquements qui lui sont reprochés. Cette position à caractère formel vise aussi à répondre au parlement conservateur où les proches des pasdarans contestent la légalité de la prolongation du moratoire au-delà du 24 mai.

Malgré ce contexte difficile, Netanyahu n'a pas hésité à montrer sa très vive contrariété face à une perspective de compromis nucléaire en affirmant qu'entre l'amitié avec Washington et le refus absolu de tout ce qui favoriserait selon lui le programme nucléaire iranien, il n'hésitera pas à contrer celui-ci quitte à braver l'Amérique. Benny Ganz, ministre de la défense, s'est publiquement opposé à cette position, en déclarant que les divergences de vues devaient se traiter dans la discrétion et sans défiance. Ce dernier a par ailleurs présenté une requête au Pentagone pour la fourniture d'une aide de $1 mds pour la fourniture de bombes de précision, et le renouvellement de missiles Tamir pour le système antimissiles Dôme de Fer. Sur le même ton que Netanyahu, le nouveau chef du Mossad, David Barnea, a déclaré qu'il ne suit pas la communauté internationale car Israël n'admet pas les conséquences « de l'évaluation erronée » de la menace iranienne. Tel Aviv augmente la pression sur Biden en essayant encore une fois de le persuader de renoncer à un accord avec Téhéran. Cette nervosité est un signe de faiblesse devant la perspective de ce compromis.

Au moment où l'heure de vérité a sonné pour l'accord nucléaire avec l'Iran, il est frappant de noter que plusieurs dimensions semblent négligées. Du côté des E3, il est surprenant, alors que les autorités de Téhéran multiplient les demandes d'assurances que les transactions qui pourraient être autorisées dans le cadre d'une levée des sanctions ne soient plus exposées aux obstacles et pressions connues après l'entrée en vigueur du JCPOA. Les banques et entreprises européennes ont besoin des mêmes assurances. Or cette condition est prioritaire sous peine de sacrifier une fois de plus les intérêts européens. Il est urgent de se saisir de cette question et que les pouvoirs publics demandent des garanties écrites aux américains. Il est étonnant que les E3 restent peu diserts à ce sujet. Nous ne saurions que trop conseiller aux banques et entreprises de lancer de pressantes démarches en ce sens. S'agissant de Washington, il est aussi significatif, alors que les négociations ont avancé, de constater une absence de vision dans la relation bilatérale au-delà du traitement du dossier nucléaire. Les équipes de Biden ont entrepris des réflexions sur le nouveau paysage stratégique et diplomatique moyen-oriental, et sur l'Afghanistan où l'Iran a un rôle à jouer, mais le locataire de la Maison Blanche n'a pas fait connaître ses intentions quant à des possibilités de 'reset' des relations bilatérales[116].

M.C - Quels sont les enjeux des élections en Iran en juin 2021 et quel impact peuvent-elles avoir sur la relation américano-iranienne et, au-delà, dans la région ?

M.M - Les élections présidentielles sont un enjeu capital[117]. Non seulement l'avenir politique, mais le développement économique, et la posture stratégique en dépendent. Si un candidat conservateur proche des Gardiens est élu, il est envisageable que l'orientation 'Go East' tournée vers la Chine, la Russie, l'Asie, l'Asie Centrale, sera confortée (sauf en cas d'accord large avec les Américains). Comme nous l'avons laissé entendre, le choix du candidat élu sera déterminant pour la relation américano-iranienne.

Le Guide, dans son discours de Nowrouz, a fait comprendre qu'à ses yeux Biden continue largement la politique de pression maximale de Trump. La priorité de Khamenei est que l'Iran aborde les futures négociations en position de force. C'est un axe classique de la politique extérieure iranienne. Un candidat conservateur reflétant les vues des Pasdarans serait un profil idéal pour lui. Si ce choix est confirmé par les urnes, Washington découvrira que les nouveaux interlocuteurs seront non seulement plus 'coriaces', mais surtout beaucoup moins disposés à faire des concessions. Il en aurait été peut-être différemment si Khamenei avait laissé un candidat comme Ali Larijani (l'ancien président conservateur mais pragmatique du parlement), une des seules personnalités politiques iraniennes à avoir la stature d'un homme d'État (son rôle de pilote de la négociation du traité stratégique entre l'Iran et la Chine vient d'être mis en lumière)[118], ne pas être éliminé par le Conseil des Gardiens de la Constitution, et surtout gagner les élections.

Or le Conseil a causé plus qu'une surprise, un choc, quand il a diffusé le 25 mai au ministère de l'intérieur la liste des 7 candidats qu'il autorise à se présenter[119] : Saeed Jalili, l'ancien très rigide négociateur nucléaire sous Ahmadinejad, Ebrahim Raisi[120], le célèbre et redouté chef du pouvoir judiciaire (ancien candidat malheureux aux présidentielles contre Rohani, et surtout souvent considéré comme le favori du Guide à sa propre succession, Alireza Zakani (conservateur disqualifié par le Conseil des Gardiens aux présidentielles de 2017, actuel directeur du très important majlis Research Center, le think tank du parlement), Amir-Hossein Qazizadeh Hashemi, Mohsen Mehr Alizadeh (réputé réformateur, écarté des présidentielles de 2005 par le Conseil des Gardiens mais rétabli comme candidat sur ordre du Guide. Il membre du Conseil d'administration de l'Organisation de la zone franche de l'Ile de Kish) inconnu de la plupart des iraniens, Mohsen Rezaie (le bien connu général pasdaran à présent secrétaire général du Conseil du Discernement), et le gouverneur de la Banque Centrale d'Iran Abdolnasser Hemmati (modéré, certes, mais dont le poids politique ne semble pas significatif à l'intérieur des frontières, inconnu du grand public). Ce dernier a été contraint par Rohani de présenter sa démission en raison de l'incompatibilité entre ses fonctions et sa candidature ; il est remplacé à la tête de la BCI par Hamid Pour Mohammadi,ancien directeur adjoint du PBO (Management and Planning Organization). Les candidats modérés /réformateurs ne semblent avoir été retenus que pour faire de la 'figuration', sauver la face d'un vote très 'préparé'.

Si l'élimination d'Ahmadinejad était totalement prévisible (certainement anticipée par l'intéressé), comme celle du très militant réformateur Mostafa Tajzadeh[121] et celle du réformateur connu Masoud Pezeshkian, en revanche l'éviction du vice-président Jahangiri, et surtout la disqualification de Larijani, ne l'étaient pas[122]. Indiscutablement cette mise à l'écart est un geste politique fort à valeur de message. Il semble difficilement concevable qu'il ait été pris sans qu'il s'agisse soit d'instructions du Guide soit de son assentiment. Certes, dans le passé, le Guide a déjà imposé au Conseil de rétablir des candidatures écartées. Mais dans le cas présent la personnalité de Larijani impose que le Conseil ait consulté Khamenei.

Quelle est le sens de cette décision qui a créé en Iran un choc sans précédent ? La première hypothèse est que le Guide a voulu 'préempter ' l'élection de Raisi en évitant à celui-ci l'épreuve de la concurrence. En cas de duel avec Larijani, même s'il en sortait vainqueur, il risquait d'y 'laisser des plumes'. On se souvient que dans un passé récent, plusieurs hauts responsables des Gardiens de la Révolution avaient publiquement affiché leur sympathie à ce dernier. On peut donc imaginer que soit les pasdarans ont fait pression sur Khamenei pour qu'il soit élu, soit le Guide leur ait demandé de déclarer leur soutien à 'son' préféré qu'ils devront faire leur. Un symptôme significatif conforte cette hypothèse.

Dans la nuit du 24 mai, plusieurs candidats se sont désistés en faveur de Raisi. Parmi eux, Rostam Qasemi, l'ancien responsable du conglomérat Khatam ol Anbia, l'ancien ministre de la défense Hossein Deghan, Mohammad Hassan Nami, ancien officier pasdaran. Un autre conservateur, Alireza Afshar, s'est également retiré[123]. A supposer que le Guide, à l'écoute des Gardiens, ait manœuvré en sorte de faciliter l'élection de Raisi, ceci n'épuise pas toutes les interrogations. Si ce 'favori' est élu président, un poste sans plus de pouvoir qu'un premier ministre, cette victoire vise-t-elle à servir de marche pied pour la future succession du Guide ou inversement n'est -elle pas une subtile mise à l'écart ? En tout cas si le chef du judiciaire est élu (au second tour) grâce à un scrutin manipulé (sans parler des fraudes), il risque fort de n'être qu'une marionnette entre les mains des Gardiens. Il n'aura pas la tâche facile. On peut même se demander si cette opération ne reflète pas indirectement une offensive des Gardiens pour prendre le pas sur le clergé, une tendance de fond que nous observons depuis longtemps sur la scène iranienne (n'oublions pas l'effondrement de la présence des populations dans les mosquées à l'exception des grandes commémorations, et surtout l'effondrement du nombre de religieux au Majlis, historiquement au plus bas niveau -16 élus- en 2016).

S'agissant de Larijani, cette disqualification, au bout du compte, peut préserver son avenir à long terme. S'il avait été élu, il risquait d'être réduit à l'impuissance qui viderait son mandat de contenu. Il a peut-être gagné au change. Le clan a été massivement mis à l'écart par le Guide sous pression des Gardiens, mais l'ancien président du parlement conserve de redoutables réseaux d'influence. Sa prudente réaction face à cette déconvenue montre qu'il veut préserver l'avenir. Dans un bref habile communiqué repris par l'agence Tasnim, il déclare qu'il s'était présenté pour 'servir la nation', 'déterminé à résoudre les problèmes du pays', et ce en ligne avec l'importance accordée par le Guide aux élections, et suivant l'avis de 'grandes autorités en imitation' (allusion aux plus hauts gradés dans la hiérarchie religieuse chiite : marja, modèle à imiter). Sans donner formellement acte au Conseil de sa décision, il dit que le processus de sélection s'est déroulé, et qu'il a 'fait son devoir'. Façon subtile de placer chacun devant ses responsabilités. Larijani confie à son équipe de campagne : » J'ai accepté le résultat et je n'ai pas d'objection et je ne demande pas de réexamen ». Il aurait aussi, selon les mêmes sources, invité à participer aux élections[124].

L'émotion est forte chez réformateurs et modérés, voire au-delà. Le spectacle de cette élimination frise le ridicule. L'ancien président Khatami considère que cette purge de candidats majeurs « a mis en danger la nature républicaine du système politique iranien ». Le Front Réformateur a indiqué le 26 mai qu'il ne soutiendra aucun candidat après la disqualification de personnalités qu'il aurait pu investir. On peut interpréter ce message comme une invitation à l'abstention. Les réformateurs en désarroi sont divisés : certains prônent l'abstention devant un simulacre, d'autres appellent à voter massivement pour faire 'barrage'. L'entourage de Raisi ne recule pas devant des tentatives d'intoxication : Khezr Khalili, son chef de campagne, prétend qu'un groupe de réformateurs, dans un esprit d'unité, a décidé de créer un courant politique en faveur d'une forte participation électorale et soutenant Raisi. Faezeh Hashemi, fille bien connue de l'ancien président Rafsandjani, tonne : « Ce n'est plus une élection, c'est une nomination »[125].

Les réactions ont été fortes dans la classe politique[126]. Sadegh Amoli Larijani, frère du candidat, ancien chef du judiciaire démissionné de ce poste au profit de Raisi, a vigoureusement attaqué le Conseil des Gardiens dont il a qualifié la décision 'd'injustifiable' et souligné que pour la première fois 'l'ingérence croissante 'd'un 'organisme sécuritaire' a entraîné ces éliminations en masse. Jahangiri, tout en ne contestant pas sa propre élimination, a décrit cette situation comme « une menace sérieuse contre une compétition loyale ». Le Conseil des Gardiens ne peut dissimuler son embarras mais campe sur ses positions : les critères de sélection sont valides, la liste des retenus est définitive[127].

Il n'hésite pas (contre toute vraisemblance) à prévoir une 'participation élevée'. Les supporteurs d'Ahmadinejad[128] ont vitupéré[129] contre la nouvelle disqualification que le Conseil lui a infligée. Hassan Khomeini, petit-fils de l'imam, à qui le Guide avait 'conseillé ' de ne pas se présenter, s'indigne en déclarant qu'il aurait retiré sa candidature si elle avait été retenue dans ces piètres conditions. Un malaise est palpable, même le rédacteur en chef de l'agence Tasnim (proche des Gardiens), Kian Abdollahi, dénonce l'attitude du Conseil en déclarant qu'un segment important de la base de la ligne 'dure' n'est pas convaincue par la purge des candidats.

Encore plus significatif, « trois associations universitaires appartenant à l'organisation paramilitaire des Bassiji, ont demandé au Conseil d'annuler sa décision et d'approuver les candidats »[130].  C'est aussi un signe des divisions au sein même des conservateurs durs, pasdarans compris. Raisi est sans doute conscient du vaste trouble créé et du discrédit durable auquel il s'expose. Selon certaines sources il aurait tenté de rencontrer le Guide pour le convaincre de requalifier Ahmadinejad, Ali Larijani, et Saeed Mohammad (le jeune ex-patron du conglomérat Khatam Ol Anbia jusqu'en mars 2021, figure de la nouvelle génération des Gardiens de la Révolution, avec une tonalité managériale moderne).

Le 29 mai suivant, ce dernier annonce qu'il met son équipe de campagne au service de Raisi sur le thème les jeunes soutiennent Raisi. N'est-ce pas une façon d'appliquer la consigne du Guide pour un renouvellement politique par les jeunes ? Mohammad pense probablement à son propre avenir.

L'indignation a gagné les centres religieux de Qom. L'association des chercheurs et enseignants des Séminaires a sévèrement condamné le Conseil « qui n'a pas reconnu le principe de la république et du vote du peuple ». Elle accuse cet organe de coopérer avec des « forces extérieures » pour établir une direction par une unique faction. De son côté, Gholamreza Mesbahi Moqadam, porte-parole de la Société du Clergé Combattant, qui avait pourtant promu la candidature de Raisi dans la mesure où elle avait été choisie par le Conseil pour l'Unité des Conservateurs, a déclaré qu'il n'est pas certain que les autres candidats conservateurs se désistent en faveur de Raisi car ceci relève de leur choix personnel. Cet aveu intéressant atteste l'existence d'un malaise dans ce groupe. L'ayatollah Hojjati-Kermani (pourtant un ami du Guide) a dénoncé l'attitude du Conseil qui entraînera une désaffection du public. Moquant son ancien ami il lui dit qu'il vaudrait mieux qu'il désigne directement le président sans perdre de temps ni d'argent avec une élection ![131] Il faut savoir que Khamenei est très impopulaire dans certains séminaires de Qom en dehors d'un cercle de fidèles. Cet épisode n'améliorera pas sa réputation.

Quant à Rohani, il a fait connaître un geste politique fort : il a écrit au Guide pour demander de revoir cette situation et souligné la nécessité de 'transparence' pour une institution comme le Conseil. Il a insisté sur l'importance de réunir des conditions favorables aux élections[132].

Sa lettre étant restée sans réponse, le chef de l'État a adressé après la publication de la liste des candidats un Avertissement Constitutionnel au Conseil des Gardiens, rappelant à celui-ci que le président de la République, en vertu de l'article 113 de la Constitution, est responsable « de la mise en œuvre de la Loi Constitutionnelle et de la direction du pouvoir exécutif dans tous les domaines qui ne sont pas de la responsabilité du Guide Suprême ». Cette injonction met directement en cause le Conseil ainsi accusé d'outrepasser ses compétences. En termes voilés et indirects (le Conseil est aux ordres du Guide !), la critique s'adresse aussi à Khamenei qui a laissé faire (encouragé ?) ce coup de force. Cette condamnation risque d'être sans conséquence immédiate sur le déroulement du scrutin.

En revanche, elle n'est pas anodine. Cette dénonciation pourrait peser sur le choix du successeur du Guide lorsque l'Assemblée des Experts devra se prononcer pour le désigner. Un candidat se réclamant de 'l'héritage' de Khamenei pourrait se voir reprocher les entorses constitutionnelles de ce dernier...

Dans son discours du 21 mars dernier, le Guide avait décrit les qualités requises pour postuler : la compétence, mais aussi être religieux. Il avait aussi appelé à ce qu'un « jeune »[133] et Hezbollahi » gouvernement prenne les reines du gouvernement. Qui correspond au portrait-robot, du moins dans son esprit ? Les 'sélectionnés' du Conseil ne s'en rapprochent pas.

Au niveau régional, le profil du futur président n'est pas indifférent. S'il s'agit d'un ex ou proche des Gardiens, ceci augmentera la tension déjà existante avec Israël et compliquera les négociations futures sur la sécurité régionale. Mais beaucoup dépendra de la personnalité choisie. Il y a « Gardiens et Gardiens ». Tous n'ont pas le même profil ; un militaire en exercice n'est pas comparable à un ancien Gardien. En plus, ils sont traversés de rudes rivalités.[134] Lors de ce prochain scrutin, il est probable que le facteur 'âge' joue un rôle même entre les Gardiens[135]. Les différentes candidatures ne sont pas vues du même œil partout. Qalibaf, l'ancien maire de Téhéran (battu) et ancien candidat malheureux aux présidentielles, et nouveau président du Parlement, a joué le rôle de porte-messages du Guide auprès de Moscou pour discuter d'un futur accord. Poutine lui a infligé un camouflet pour signifier qu'il n'est pas un interlocuteur privilégié. Or Qalibaf se voyait bien concourir en juin 2021[136]. Finalement il s'est retiré parce que Raisi a maintenu sa candidature. Une personnalité retient aussi l'attention, en raison de son profil 'œcuménique' particulier. Le Brigadier Général Hossein Deghan, (64 ans), ancien commandant des forces aérospatiales des Gardiens, ancien ministre de la défense sous le premier mandat Rohani, avait lui aussi annoncé qu'il tentait sa chance, avant de se désister pour Raisi , comme nous venons de l'indiquer. Il se décrivait comme ni réformateur ni dur[137]. Son retrait suggère qu'il fait partie désormais de la seconde catégorie, ou du moins, qu'il s'aligne sur elle. D'autres conservateurs se préparaient, comme Parviz Fattah, qui dirige la très puissante Fon-dation des Opprimés (Mostazafan), qui ne s'est finalement pas présenté, ou Saeed Jalili, l'ancien et très rigide négociateur nucléaire, que le Conseil a finalement validé en dépit de la candidature de Raisi. On peut penser qu'en réalité il servira de faire-valoir à ce dernier.

Le bref 'tour de piste' de l'ancien président Ahmadinejad avant sa prompte élimination n'avait qu'un but : rester à tout prix sous les feux de la rampe et se poser en gêneur, l'intéressé n'ayant certainement aucun doute quant à son rejet par le Conseil.

Les royautés régionales seront sans doute contrariées et confortées dans leurs craintes de 'l'aventurisme iranien' si c'est un (trop) proche des Gardiens qui est élu. Or le Conseil avait lancé quelques signaux instructifs sur la conduite qu'il allait adopter. Le 26 avril, son secrétaire, l'ayatollah Ahmad Jannati, a prévenu qu'il examinera avec soin les 'compétences' des candidats (ceci vaut autant pour les postulants aux sièges des Conseils locaux[138] dont l'élection aura lieu en même temps que celle du président). Le 6 mai, une figure en vue de ce puissant organe, Hadi Tahan Nazif, prévient : le Conseil n'hésitera pas à écarter un candidat jusqu'au dernier moment au regard de sa compétence, quitte à revenir sur une approbation initiale. Mais, révélant clairement l'orientation qu'il entend donner à sa sélection, le Conseil avait mis en œuvre la première étape d'un véritable 'coup de force' électoral en modifiant (sans passer par le Parlement) les critères de candidatures.

Le 5 mai, il décide que « les ministres, gouverneurs de province, et officiers supérieurs des forces armées » pourront se présenter. En plus, les candidats devront être âgés d'au moins 40 ans et pas plus de 75 ans, devront avoir un diplôme de maîtrise ou équivalent, et avoir quatre ans d'expérience de direction[139]. On mesure donc que les nouveaux critères sont en quelque sorte taillés sur mesure pour permettre à des officiers ou anciens officiers pasdarans d'être élus. Mais il reste que le critère de compétence comme celui de la fourchette d'âge[140] (un certain rajeunissement) reflète les exigences formulées personnellement par le Guide. Paradoxalement, la sélection finale des candidats ne reflète pas ce critère. A-t-il été mis en avant pour créer une confusion dans l'esprit des adversaires des conservateurs ? Si Raisi est élu, ceci n'exclut pas, bien entendu, une emprise croissante des pasdarans, comme nous l'avons dit. Avec le recul, et la publication des 'admissibles' à concourir, nous réalisons de toute façon que le Conseil avait bien pour mission de 'préparer' cette élection selon les désiderata de Khamenei. En dépit des protestations, il a explicitement approuvé et endossé l'élimination massive de ceux qu'il juge indésirables (la seconde étape du 'coup de force'), et appelé à ignorer les appels à l'abstention[141]. Celle-ci est loin d'être un risque mineur, les modérés et réformateurs étant privés de véritable champion. On se demande si les concepteurs de cette manœuvre n'ont pas privilégié l'assurance d'une victoire de leur camp qu'ils voulaient assurer, la participation étant moins prioritaire, même si au sein des conservateurs d'aucuns critiquent cette option. La page étant tournée, les 'survivants de la purge' ont dès le 28 mai commencé leur campagne en faisant assaut de promesses[142].


[1] Au-delà d'une coopération en vue de sécuriser les moyens de paiements digitaux face aux pressions et sanctions américaines, dûment prévue dans cet accord : https://www.qposts.com/wp-content/uploads/2021/04/Is-the-Iran-China-deal.pdf?fbclid=IwAR0-paPU1Kj2I8eOgo5Rqo6LuZMblfcgtFmJ6_nyQqx4GxSq0WLDpVFspEQ. Simultanément Téhéran cherche à renforcer une coopération de même type avec Moscou.

[2] Voir notre étude en deux parties : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Etude-Biden-elu-Contenir-Teheran-et-ou-negocier-2-2-Biden-choisir-les-bonnes.html

[3] . https://www.al-monitor. com/ originals/ 2021/04/netanyahu-slams-iran-nuclear-deal-holocaust-day

[4] https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/02/05/interview-du-president-emmanuel-macron-au-think-tank-americain-atlantic-council

[5] Dans une lettre adressée par M.Zarif le 12 mars à J.Borrel, chef de la diplomatie de l'Union Européenne, à qui il reproche d'avoir proposé une inutile réunion avec les E3 et les Améri- cains au lieu d'obtenir de ces derniers la levée des sanctions permettant à l'Iran de revenir à la conformité, le ministre iranien des affaires étrangères dénonce l'alignement des E3 sur Washington et déclare que ses interlocuteurs seront désormais J.Borrel et la Suisse pour discuter de clarifications à transmettre aux américains : https://amwaj.media/article/exclusive-zarif-slams-blinken-in-harsh-letter-urges-us-return-to-jcpoa

[6] Pour une description de ces mécanismes, voir notre contribution : https://www.lesclesdumoyenorient.com/Etude-Les-entreprises-francaises-et-europeennes-et-le-marche-iranien-preserver.html

[7]https://www.rferl.org/a/iranian-presidential-election-leading-candidates-nuclear-standoff-little-public-interest/31145042.html

Le Guide a déjà commencé son propre 'filtrage' en déconseillant au petit-fils de l'Ayatollah Khomeyni de se présenter ('invitation' rapidement suivie d'effet, à la grande satisfaction des Gardiens de la Révolution) : https://amwaj.media/media-monitor/khomeini-s-grand-son-withdraws-from-the-presidential-race

[8] Une série d'essais récents a tenté d'en décrire les contours : https://static1.squarespace.com/static/5f0f5b1018e89f351b8b3ef8/t/6013686fa9121e5083baa1c4/1611884656394/IranUnderSanctions_Fardoust.pdf. https://static1.squarespace.com/static/5f0f5b1018e89f351b8b3ef8/t/5fe38508c117b8089abf7234/1608746249352/IranUnderSanctions_Hadi+Salehi+Esfahani.pdfhttps://. https://static1.squarespace.com/static/5f0f5b1018e89f351b8b3ef8/t/5fb5ea1149fcb04fe69b7beb/1605757457555/IranUnderSanctions_U.S.SanctionsandIransEnergyStrategy.pdf. https://static1.squarespace.com/static/5f0f5b1018e89f351b8b3ef8/t/5fd0e4a906d21916ed79ba75/1607525546925/IranUnderSanctions_Batmanghelidj.pdf. https://static1.squarespace.com/static/5f0f5b1018e89f351b8b3ef8/t/5fd0e13ca4b4ef2db6b17e06/1607524670688/IranUnderSanctions_Salehi-Isfahani.pdf

[9] Rouhani's Employment Legacy : 800 ,000 Leave the Iranian Labor Market, Iran Wire, 7 avril 2021.

[10] SCI : Q4 Graduates Unemployment Rate Reaches 14,1%, eghtesadonline.com, 12 avril 2021. Un ensemble de données avec des décompositions sectorielles intéressantes : https://www.en.eghtesadonline.com/Section-iran-economy-67/35005-sci-graduates-unemployment-rate-reaches . Une contribution au débat sur les chiffres du chômage : https://iranwire.com/en/features/9545

[11] Abdul Hemmati, gouverneur de la Banque Centrale, considère que l'inflation iranienne est liée au déficit budgétaire, le gouvernement étant contraint de payer les dépenses en rials, donc d'imprimer de la monnaie, source d'inflation : Central Bank record ; Tsunami of Inflation, rising liquidity and currency shortages, Deutsche Welle, translated from persian, 1er avril 2021.

[12] IMF sees Iran economy recovering this year but inflation still on the up, Reuters, 11 avril 2021. Steve Hanke, spécialiste de l'inflation iranienne qu'il situe pour mars 2020/mars 2021 à 58%, considère ces évaluations réalistes, et l'explique tant par les émissions monétaires excessives que par le manque de confiance dans le rial ;Possible inflationary trends in the short term, amaneghtesadi.com, Economic News agency, 11 avril 2021.

[13] Worsening Inflation Casts a Shadow Over Iranian New Year, Iran Wire, 9 avril 2021 ; https://iranwire.com/en/features/9328

[14] Elle devrait jouer un rôle central dans les prochaines élections présidentielles. Si elle perçoit au vu des négociations nucléaires que son sort peut s'améliorer, elle pèsera en faveur d'un candidat modéré. Au cas contraire, elle exprimera son mécontentement par l'abstention ou un vote conservateur même contre-productif : Djavad Salehi-Isfahani, Iran's middle class and the nuclear deal, Brookings, 8 avril 2021.

[15] Quelques indicateurs éloquents : https://www.cnbc.com/2021/03/23/ these-6- charts- show-how-sanctions-are-crushing-irans-economy.html

[16] Situation : https://www.worldometers.info/ coronavirus/ country/iran/

[17] Téhéran importe des vaccins, notamment AstraZeneca de plusieurs sources,y compris formulés en Europe ou aux USA mais qui ne doivent pas être fabriqués aux États-Unis .Source : Entekhab , 3 mai 2021 , traduit du persan. L'Iran a importé 3 ,19 millions de doses du 3 février au 2 mai 2021, en provenance de Russie, Chine, Inde, Corée du Sud,selon un responsable des douanes cité par l'agence Fars ; Iran Imports 3.19 m Covid Vaccines, eghtesadonline, 5 mai 2021. Rohani, au début mai, estime que 13 millions de personnes, environ 15% de la population, seront vaccinées au 22 juillet : Rouhani Says Iran Will Vaccinate 13 Million by Late July, Bloomberg, 9 mai 2021.

[18] Selon des estimations concordantes : China's Iran oil import seen hitting new high in March, curbing OPEC output options, Reuters, 30 mars 2021 ; en fait l'Iran est dispensé par l'Opep de diminuer sa production tant qu'elle n'a pas atteint son niveau de décembre 2016 : Iran oil production to reach December 2016 level, IRNA, 3 avril 2021. Au cours du mois de mars, 30 millions de barils auraient été importés en Chine avec des ristournes de 3 à 5 dollars par rapport au Brent, la Chine profitant par ailleurs d'une légère baisse des cours : China is a strategic customer, Iran supplies 30 millions barrels of low-priced crude oil, Newsy Today, 1er avril 2021.

[19] As nuclear talks made progress, Iran oil exports stay above 2020 rates in April, Reuters, 22 avril 2021.

[20] Bijan Khajehpour,Why Iran's new trade strategy isn't just a response to sanctions, Amwaj.media, 22 mars 2021 ; https://amwaj.media/article/why-iran-s-new-trade-strategy-isn-t-just-a-response-to-sanctions

[21] En février 2021, les responsables de l'Union Eurasiatique démentaient que celle-ci ait reçu une demande d'adhésion en bonne et due forme : EEU Official Says Bloc Yet to Receive Accession Request from Iran, eghtesadonline.com, 20 février 2021. En réalité les négociations pour une adhésion à part entière se poursuivront au second semestre 2021, Téhéran étant encouragé par le fait que les exportations iraniennes vers les pays de l'Union ont dépassé $ 1,2mds en 2020, soit une augmentation de 51,5% par rapport à 2019. Pour une analyse détaillée, voir Nikita Smagin, EAEU-Iran Trade and Its prospects, Modern Diplomacy, 27 avril 2021.

[22] Les autorités concentrent leurs efforts dans la réinjection des recettes d'exportations non pétrolières dans le système de gestion des devises NIMA ; un nouvel objectif est d'amener les acteurs de la pétrochimie d'introduire 60% de leurs recettes d'exportations (les autres secteurs étant tenus de le faire à hauteur de 50%) dans NIMA et un maximum de 20% pourrait être redistribué sous forme de devises, le restant pouvant être utilisé pour les importations ;$ 4,8 b, of non-oil income injected to Nima in a month Tehran Times, 30 avril 2021.

[23] Iran' government recognises cryptocurrency mining with caveat, Al Jazeera, 5 août 2019 ; https://www.aljazeera.com/economy/2019/8/5/irans-government-recognises-cryptocurrency-mining-with-caveat

[24] Le gouvernement aurait accordé une licence au groupe turc iMiner pour déployer 6000 machines dans la ville de Semnan : A new licensed bitcoin mining far mis getting set up in Iran, eghtesadonline, 5 mai 2021.

[25] Iran : New Crypto Law Requires Selling Bitcoin Directly to Central Bank to Fund Imports, Asharq Al-Awsat,31 octobre 2020.

[26] Bitcoin backlash : Iran cracks down on crypto exchanges, Al-Jazeera, 12 mars 2021. Voir aussi : Sara Habibi, Iranian Crypto Traders Following Musk's Every Move as Arrests and Shutdowns Continue,Iran Wire, 21 mai 2021 ; https://iranwire.com/en/features/9587

[27] https://hsfnotes.com/sanctions/2021/03/22/bitpay-settlement-signals-growing-ofac-focus-on-cryptocurrency-transactions/

[28] Le Bitcoin est devenu un phénomène de société, espace dérégulé dans une économie très étatisée : https://www.aljazeera.com/economy/2021/5/14/these-iranian-woman-are-crushing-it-in-crypto .Voir aussi : https://u.today/iran-to-net-1-billion-in-annual-bitcoin-mining-revenue-elliptic

[29] Iran's central bank says officially mined crypto can be used to pay for imports, cointelegraph.com, 27 avril 2021. Selon un texte publié par la BCI seules les cryptomonnaies émises par des 'mineurs' autorisés par le ministère de l'industrie pourront être utilisées : Iran CBI allows import payments with crypto currencies, Mehr News, 28 avril 2021. La BCI a renouvelé ses mises en garde contre l'usage des bitcoins non autorisés, qui génèrent de gros risques de pertes. Ceci confirme l'ampleur de la pratique sauvage qui se développe sans que les autorités parviennent à l'empêcher malgré des saisies médiatisées : Iran's central bank reiterates ban on trade of cryptocurrencies, PressTV, 5 mai 2021.Voir aussi : Central Bank of Iran Warns Crypto Investors, Again, Financial Tribune, 7 mai 2021. Sur la difficulté pour la BCI de contrôler ces activités, voir : Iran Bans Trading of Foreign-Mined Cryptocurrencies, BITCOINIST, 7mai 2021, et La Banque centrale d'Iran approuve les paiements d'importation en crypto , Cryptomonnaies.io, 9 mai 2021.: https://cryptomonnaies.io/banque-centrale-iran-approuve-paiements-importation-crypto/?utm_source=cpp

[30] Iran to join national crypto owners soon, Mehr News, 10 avril 2021. https://en.mehrnews.com/news/171812/Iran-to-join-national-crypto-owners-soon . Le parlement étudie la possibilité de légiférer à ce sujet : Cryptocurrencies activities can become legal by Iranian parl., Mehr News, 26 février 2021.

[31] Breackingviews-China plus bitcoin is a marriage of convenience, Reuters, 8 avril 2021.

[32] Etude : l'élimination du général Soleimani : Exorciser 1979 ? Divorce Irakien ? Les Clés du Moyen-Orient, 11 juin 2020 ; https://www.lesclesdumoyenorient.com/Etude-l-elimination-du-general-Soleimani-exorciser-1979-Divorce-irakien.html.

[33] Les menaces de frappes israéliennes sont récurrentes, alternant réels préparatifs, mais aussi coups de bluff ou intoxications, et pressions sur les Américains concernant tout accord nucléaire avec l'Iran . Pour mémoire : https://www.theatlantic.com/magazine/ archive/ 2009/ 03/ netanyahu-to-obama-stop-iran-or-i-will/307390/ ; https://apnews.com/ article/ff3d8d27040e45f0a24beab254a63e3d ;https://www.hsdl.org/?view&did=723602. https://www.middleeastmonitor.com/20190905-israel-came-dangerously-close-to-iran-strike-expose-reveals/.Ces menaces ont repris de l'ampleur avec la relance de négociations avec Téhéran par l'administration Biden : https://www.foxnews.com/ world/israel-strike-plan-iranian-nuclear-sites-defense-minister-interview . Certains membres du gouvernement israélien ont toutefois démenti après l'élimination de Soleimani qu'Israël cherchait à entraîner l'Amérique dans un conflit armé avec l'Iran : https://www.reuters.com/ article/uk-usa-iran-israel-idUSKBN29808K

[34] The Frontline Interview : Mohammad Javad Zarif, PBS, 20 février 2018.

[35] https://www.csis.org/analysis/online-event-us-grand-strategy-middle-east

[36] Etude : Biden élu :'Contenir 'l'Iran et/ou négocier ? Le nouveau président entre en fonctions et devra vite opérer des choix cruciaux. Première partie, Les Clés du Moyen-Orient, 25 janvier 2021 ; https://www.lesclesdumoyenorient.com/Etude-Biden-elu-Contenir-Teheran-et-ou-negocier-Le-nouveau-president-entre-en

[37] Simon Grass, Finding the Sweet Spot : Can the Iran Nuclear Deal Be Saved ? European Leadership Network, mars 2018.

[38] https://www.reuters.com/article/us-iran-nuclear-france-idUSKCN2AU2DI. https://www.euractiv.fr/section/affaires-publiques/news/nucleaire-iranien-volte-face-europeenne-a-laiea-place-a-la-diplomatie/

[39] On trouvera ci-après les précisions utiles : https://www.un.org/securitycouncil/content/ 2231/ ballistic-missile-related-transfers-and-activities ; https://www.wisconsinproject.org/ what-the-iran-deal-says-and-doesnt-say-about-irans-ballistic-missiles/

[40] https://www.atlanticcouncil.org/blogs/iransource/what-iran-might-sell-now-that-the-un-arms-embargo-expired/

[41]Pour une chronologie actualisée des rounds de négociations, consulter : https://www.armscontrol.org/factsheets/Timeline-of-Nuclear-Diplomacy-With-Iran

[42] Le successeur d'Helga Schmid , déjà très au fait de ce dossier, est un pivôt essentiel des négociations : From Ms Schmid to Mr Mora ;Will Barjam be saved ?, Deutsche Welle, 3 avril 2021, traduit du persan.

[43] U.S. open to discussing wider nuclear deal road map if Iran wishes, Reuters,31 mars 2021. Laura Rozen donne plus de détails sur ces oscillations : U.S. says prepared to work out Iran deal return before elections, but doesn't control pace, Diplomatic, by Laura Rozen ,31 mars 2021.

[44] Removing sanctions must be first step in reviving JCPOA : Araghchi, IRNA, 2 avril 2021.

[45] Will Iran's supreme leader allow Rouhani's last wish to come true ? Al-Monitor, 5 avril 2021.

[46] Spokesman : Iran Not to Reverse Remedial Measures before Removal of All US Sanctions, FARS news, 6 avril 2021.

[47] Ce qui n'a pas empêché, la veille de la rencontre de Vienne, Saeed Khatibzadeh, porte-parole du ministère iranien des affaires étrangères, de presser l'Arabie saoudite d'entamer avec Téhéran des discussions directes sur les dossiers régionaux : Iran calls for Saudi Arabia to engage in direct talks, Middle East Monitor, 6 avril 2021. En réalité, des contacts directs ont débuté à Bagdad le 9 avril, avec l'appui du premier ministre irakien Musafa al -Khadimi qui en avait parlé à MBS le mois précédent; la délégation saoudienne était conduite par Khalid bin Ali al-Humaidan, chef des services de renseignements ; les conversations ont porté sur les actions militaires des Houthis et se seraient déroulé dans un climat positif ; les progrès des négociations nucléaires et les frappes des Houthis auraient contribué à l'avancement de ces discussions : Saudi and Iranian officials hold talks to patch up relations, Financial Times, 17 avril 2021. MBS semble avoir perçu que les perspectives d'accord nucléaire négocié par Washington qui pousse le royaume à diminuer la tension avec son voisin, lui imposent d'avancer en ce sens : d'où sa déclaration d'ouverture le 27 avril en direction de l'Iran et la poursuite de contacts avec l'aide de l'Irak ; Iraqi president confirms Baghdad hosted Saudi-Iranian talks 'more than once', Al-Monitor, 5 mai 2021. Un changement du paysage stratégique régional ? Voir notamment : Michael Rubin, The real Iran nuclear talks : Why did Bill Burns go to Baghdad ?,American Enterprise Institute, 26 avril 2021 ; Saudi-Iran detente : What rival's dialogue could mean for Middle East,CS Monitor, 30 avril 2021 . Un message bien compris à Téhéran : Saudi Arabia sets the stage for tactical outreach to Iran, Tehran Times, 5 mai 2021 ; un virage visiblement identifié par Israël : Yoel Guzansky,Sima Shine, Saudi-Iranian Dialogue : Towards a Strategic Change ? INSS Insight N° 1464 , 5 mai 2021. Pousser les acteurs régionaux à négocier entre eux avec l'aide (sans y être partie) américaine correspond aux suggestions faites par J.Sullivan en juin 2020 et permettrait de 'déblayer le terrain' pour de futures négociations sur la région avec les occidentaux si un compromis 'nucléaire' est trouvé entretemps.

[48] Vienna meeting signals new push to revive Iran nuclear deal, Politico, 2 avril 2021.

[49] Ned Price, State Department Press Briefing, 6 avril 2021. Il confirmera explicitement cette reconnaissance dans le Press Briefing du 9 avril en précisant que Washington n'entend lever que les sanctions qui empêchent l'application du JCPOA et non toutes les sanctions mises en place par Trump . N.Price indique que si Téhéran persiste à réclamer la levée de toutes ces sanctions, »nous nous dirigeons vers une impasse ».

[50] Araqchi : Lifting all sanctions in one step and verification is the only way, PressTV, 7 avril 2021 ; traduit du persan.

[51] Iranian Parliament Publishes Two Cynical Reports About the Nuclear Deal, Iran Wire, 6 avril 2021, traduit du persan.

[52] Nucléaire iranien : les discussions avec Téhéran continuent, l'Iran met en service de nouvelles centrifugeuses, FranceTv info, avec AFP, 10 avril 2021.

[53] The only option on the Iranian table is the practical lifting of all sanctions and verification, Interview, Khamenei.ir, 9 avril 2021, traduit du persan. Pour une synthèse, voir : Iran details plan to verify US lifting of sanctions, AFP, 9 avril 2021.

[54] Top Iranian negociator reveals 'biggest' obstacle to progress in nuclear talks, Tehran Times, 11 avril 2021. Mais Araqchi a reconnu que pour les sanctions qui ne sont pas de la compétence du président, mais du Congrès, il faut procéder par waivers ; Iran wants return to JCPOA's original model-Iranian, Trend News, 12 avril 2021.

[55] Il s'agit d'une menace à peine voilée d'intervention militaire contre l'Iran si Israël estime que Washington a consenti à Téhéran des concessions que l'État hébreu juge trop laxistes (ne garantissant pas l'impossibilité absolue pour l'Iran de progresser dans un programme nucléaire militaire) à ses yeux : Netanyahu : Israel not to be bound by Iran nuclear deal, UPI, 7 avril 2021. Peu après des responsables militaires israéliens (Aviv Kochavi, chef d'État-major des armées puis Yossi Cohen, chef du Mossad), se sont rendus à Washington pour tenter de convaincre les américains de ne pas s'engager dans un accord avec les iraniens. Zionist military official heads to Washington to discuss Iran, Mehr News, 10 avril 2021.

[56] Well-Placed Iran News Site Says Third Party Involved In Red Sea Attack, Iran International, 8 avril 2021

[57] Iran frees South Korean ship, captain after promise to help with frozen funds, Reuters, 9 avril 2021.

[58] PM : S. Korea willing to help Iran advance dialogue for restoring nuclear deal, Yonhap news agency, 12 avril 2021. Il a affiché sa bonne-volonté personnelle (qui révèle aussi qu'il n'a pas les mains libres) : « j'avais déclaré auparavant que cet argent est de l'argent iranien et qu'il doit être restitué à son propriétaire ».

[59] Ben Caspit, Israel adopts 'controlled escalation' policy for Iran, Al-Monitor, 9 avril 2021.

[60] Alireza Zakani , qui dirige le Majlis Research Center (think tank du parlement) , évoque la destruction de 'plusieurs milliers de centrifugeuses', qui a « éliminé la plus grande partie de nos capacités d'enrichissement », Iran Natanz nuclear site suffered major damage, official says, BBC, 13 avril 2021. Selon le ministère des affaires étrangères, les centrifugeuses détruites appartiendraient à d'anciennes générations IR1.

[61] Iran calls Natanz atomic site blackout 'nuclear terrorism', Associated Press, 11 avril 2021.

[62] What do the Israeli media say about the behind-the-scenes incident at the Natanz nuclear facility ?, Radio Farda, 17 avril 2021, traduit du persan.

[63] Natanz fait partie d'une longue liste de loupés : Reza Haghighatnejad, Where is the dispute between the IRGC and the Ministry of Intelligence over Natanz ?, Radio Farda, 17 avril 2021 ,traduit du persan.

[64] Iran Feels Humiliated After Latest Nuclear Sabotage, Iran Wire, 12 avril 2021.

[65] Dalia Dassia Kaye, Will the attack on Iran's nuclear research facility derail U.S. nuclear talks ?, Washington Post, 14 avril 2021. Sur Octopus, voir du même auteur :An Israeli Escalation Against Iran ?, The RAND blog, 15 juillet 2020. Voir aussi : Cyberwarfare and the 'Octopus Doctrine', Jerusalem Post, 20 mai 2021.

[66] Sont ainsi ajoutés à la liste des 'personnes désignées' plusieurs responsables de la répression, dont le général Salami, commandant en chef des Gardiens, Gholameza Soleimani, chef des bassiji, des responsables de diverses unités, de la police, ainsi que les prisons d'Evin et de Fashafouyeh.

[67] Iran 'suspends' cooperation with EU on multiple fronts after officials blacklisted, www.france24.com, 13 avril 2021.

[68] Zarif slams EU sanctions against Iranian Officials, Fars News, 13 avril 2021.

[69] Dans la crainte d'une attaque iranienne, les dispositifs de défense israéliens ont été mis en état d'alerte et seront renforcés. Le général Austin, Secrétaire d'État américain à la défense, en visite en Israël à ce moment-là (la date du sabotage de Natanz n'est peut-être pas fortuite !) , est resté discret en public mais a fait savoir à Benny Gantz, son homologue israélien, que Washington n'entend pas abandonner la recherche d'un accord avec l'Iran : Israel on high alert after Natanz blast, Al-Monitor, 13 avril 2021. On ne peut en revanche exclure des opérations de représailles iraniennes visant des citoyens israéliens en déplacement.

[70] Ali Rabiei, porte-parole du gouvernement, déclare : « Nous sommes décidés à riposter au même niveau, avec une intensité proportionnée, et au moment adéquat, et ne laisserons pas les ennemis atteindre leurs objectifs politiques » , Tasnim News, 13 avril 2021. Le 13 avril, le cargo israelien Hyperion Ray subit une mystérieuse attaque...

[71] Iran's Zarif blames Israel for Natanz incident, vows revenge, Tasnim News, 12 avril 2021.

[72] Iran to fix Natanz Site Damages Better than Before : Nuclear Chief,Tasnim news, 12 avril 2021.

[73] Iran plans major jump in uranium enrichment after Natanz nuclear site attack, Washington Post, 13 avril 2021.

[74] Biden says Iranian enrichment to 60% unhelpful but glad about talks, Reuters, 17 avril 2021.D'autant qu'une évaluation dépassionnée et techniquement motivée du SIPRI montre que le nouvel 'écart' iranien n'est pas une menace sérieuse contre la non-prolifération : Robert Kelley, How much of a proliferation threat is Iran's uranium enrichment ? Sipri commentary, 16 avril 2021.

[75]https://english.khamenei.ir/news/8449/Sanctions-must-be-removed-first-then-we-ll-carry-out-our-commitments ; Khamenei moves to back Iran's nuclear negociators, Amwaj, 15 avril 2021 . Il n'en rappelle pas moins sa position de principe : Les sanctions doivent être levées en premier : Leader : Sanctions must be lifted first ;then we'll carry out our commitments, IRNA, 14 avril 2021.

[76] Israeli intel agencies believe Vienna talks will lead to U.S. return to Iran nuclear deal, AXIOS, 18 avril 2021.

[77] Step-by-step plan for reviving JCPOA has been set aside, says Araqchi, Tehran Times, 25 avril 2021.

[78] US schedules to suspend sanctions , not lift them, Mehr News, 20 avril 2021.

[79] L'annonce par Hossein Tanhaei,chef de la Chambre de Commerce Iran-Corée du Sud, que Séoul aurait libéré $ 30 millions pour permettre l'achat de vaccins contre COVID-19 et des produits pharmaceutiques , tranche modeste d'un paiement de $ 1 mds en espèces, pourrait correspondre à une telle 'mesure' : South Korea releases $ 30 millions in Iranian assets, Donya e Eqtesad, 22 avril 2021.

[80] Wall Street Journal says US decides to lift sanctions on Central Bank of Iran, IRNA, 22 avril 2021.

[81] US lays out potential sanctions relief for Iran during talks about the nuclear deal, AP pour Euronews, 22 avril 2021.

[82] U.S. willing to lift only financial and oil sanctions : WSJ, Tehran Times, 23 avril 2021.

[83] Behnam Gholipour, Iran Sets Out Conditions for the Revival of the Nuclear Deal(At Least on Paper), Iran Wire, 23 avril 2021 ; https://iranwire.com/en/features/9406

[84] C'est le délai également avancé par Mehdi Mohammadi, conseiller de Qalibaf (président du majlis) dans une longue interview publiée (ce qui est significatif) sur le site du Guide. Il énonce aussi de façon un peu redondante 4 conditions posées par l'Iran pour accepter le retour des États-Unis au JCPOA : 1) que le retrait des sanctions apporte de réels avantages économiques à l'Iran, contrairement à l'expérience passée (NB un argument qui semble admis par Washington), 2) que toutes les sanctions soient levées sans distinction entre sanctions liées ou pas au JCPOA avant que l'Iran ne commence son retour au respect de ses engagements (NB inacceptable pour Biden) ;3)que l'Iran ne reprenne ses engagements qu'après avoir vérifié l'effectivité de la levée des sanctions ;4) que l'Iran ne se satisfaisant pas de simples promesses, il prendra le temps nécessaire (3 à 6 mois) pour vérifier la réalité de cette levée et des bénéfices qu'il en tire ; Verification of Sanctions Removal Will take 3-6 months, Financial Tribune, 27 avril 2021. Texte original : https://english.khamenei.ir/ news/ 8464/Verifying-removal-of-sanctions-will-take-3-6-months

[85] Briefing with Senior State Department Official On Ongoing U.S. Engagement in Vienna, 6 mai 2021.

[86] Patrick Wintour, 'Moment of truth' : talks on salvaging Iran nuclear deal to resume, The Guardian, 7 mai 2021.

[87] Talks 'intensify' on bringin US back to Iran nuclear deal, ABC news, 7 mai 2021.

[88] US and Iran inch closer to nuclear agreement but timetable uncertain, The National, 7 mai 2021.

[89] Parmi ces 'baby steps', figure notamment l'éventualité du dégel de 1 mds $ US.

weights unfreezing $ 1 billion in Iranian funds, CNN com, 6 mai 2021.

[90] UK to release £400 mn of Iranian blocked assets, Mehr News, 2 mai 2021.

[91] US says UK repaying Iran old debt is a 'sovereign decision', Middle East Eye, 6 mai 2021.

[92] Washington to pay $7b in exchange for four spies, Tehran Times, 2 mai 2021.

[93] Washington denies Iran state media report saying prisoner swap agreed, Reuters, 3 mai 2021.

[94] Iran rejects news about agreement with US on exchange of prisoners, IRNA, 3 mai 2021.

[95] Are Iran, US on cusp of announcing prisoner swap deal?,Amwaj.media, 4 mai 2021.

[96] Lien : https://www.youtube.com/watch?v=hi4Oa8WITpw .Texte (3 heures sur 7) transcrit en persan le 27 avril par l'Agence ISNA sous le titre (ici traduit) : The written voice of diplomacy :Full text of marginal interview, ISNA 27 avril 2021.Pour un résumé : Zarif unpublished interview : Under Soleimani's pressure, I sacrificed diplomacy for the war, Iran International, 27 avril 2021, traduit du persan.

[97] Iran's Foreign Minister, in Leaked Tape, Says Revolutionary Guards Set Politics, Reuters, 25 avril 2021.

[98] Une interprétation reprise par l'analyste américain Mark Katz : Russia secretly feared the Iran nuclear deal.Here's why. Iran source, Atlantic Council, 28 avril 2021. Ce point de vue intéressant ( la méfiance entre l'Iran et la Russie est connue, comme la concurrence entre les 2 pays, notamment en Syrie) mais néglige cependant plusieurs arguments : Moscou ne voulant à aucun prix d'un Iran doté de la bombe atomique, a apporté une contribution décisive à l'Accord en organisant un contrôle des flux d'uranium dans le cadre d'un contrat de fourniture de plusieurs centrales nucléaires, et n'a cessé d'apporter son appui à la survie du JCPOA ; ceci s'est renforcé au cours des négociations du printemps 2021.

[99] Voir notamment : Zarif vs. The Guards : A New Round, Iran Wire, 26 avril 2021 ; Zarif Blames Russia and the Guards For Harming the JCPOA in Leaked Interview, Iran Wire, 26 avril 2021.

[100] New audio translation backs up clail Kerry gave Zarif secret info on Israel, Arutz Sheva, 30 avril 2021. On notera que le titre de ce media israélien contredit le texte de son article. Ce n'est sans doute pas un hasard.

[101] Zarif faces fury from Iranian hard-liners after leaked tape, Al-Monitor, 27 avril 2021.

[102] Thieves, Tools,Evil-Insults Fly As Zarifgate Heats Iran, Iran International, 26 avril 2021.

[103] Iran president orders probe into leak of FM's discussion, Middle East Monitor, 28 avril 2021.

[104] Iran leaked tape scandal claims its first victim, Al-Monitor, 29 avril 2021.

[105] Revolutionary Guards Raid President and Foreign Minister' Offices, Iran Wire, 30 avril 2021.

[106] The IRGC Qods Force is the biggest deterrent to passive diplomacy in West Asia ; khamenei.ir, 2 mai 2021.https://english.khamenei.ir/news/8470/The-IRGC-Quds-Force-is-the-biggest-deterrent-to-passive-diplomacy

[107] Iran's Khamenei rejects FM's resignation after leaked recording, Middle East Monitor, 5 mai 2021.

[108] Zarif letter to the leadership : I want to complete the negociations , I will not run in the 1400 elections, ROUYDAD 24 News agency, traduit du persan, 5 mai 2021.

[109] Some important points that were not heard in Zarif's interview.Khabar Online, 28 avril 2021, traduit du persan.

[110] Zarif thanks Leader for unifying speech, Tehran Times, 2 mai 2021.

[111] Jason Rezaian, Opinion, Iran' foreign minister playing a precarious political game, The Washington Post, 27 avril 2021. Hossein Mar'ashi, qui dirige la faction des Serviteurs de la Reconstruction, a inclus Zarif dans la liste de candidats potentiels à la présidence, Tehran Times, 2 mai 2021.

[112] Iran President Hassan Rohani Says There Is A 'Major ' Agreement in Nuclear Talks, Newsweek, 20 mai 2021. Selon Rohani, le 'gros' de l'accord a été conclu, il reste à traiter des 'détails' : Iran's Rohani Says Broad Outline of Deal Reached With World Powers, Details Remain, RFERL, 20 mai 2021. Il va jusqu'à dire que les États-Unis vont lever les sanctions sur le pétrole, le secteur bancaire et maritime, ce qui agace les durs du régime : Rouhani says US will lift sanctions, official contradicts him on Iran State TV, jns.org, 20 mai 2021.

[113] Very good progress made in Vienna talks : Iran top negociator, Mehr News, 20 mai 2021.

[114] Laura Rozen, Iran deal may be moving 'within reach', negociators break til next week,Diplomatic, 20 mai 2021.

[115] Iran extends surveillance deal with IAEA, Tehran Times, 24 mai 2021.

[116] Voir la riche analyse de Nahal Toosi , The one that gets away : Joe Biden's jaded romance with Iran, Politico, 9 mai 2021.

[117] Pour un suivi actualisé des élections, notamment des candidatures, voir : https://en.wikipedia.org/wiki/2021_Iranian_presidential_election . Comme d'habitude, on assiste à une inflation de candidats, souvent fantaisistes, massivement écartés ensuite par le Conseil des Gardiens : https://en.mehrnews.com/news/173483/Total-of-592-people-registered-for-presidential-candidacy

[118] https://en.mehrnews.com/news/171436/China-FM-meets-with-Iranian-ex-speaker-Larijani.

[119] Voir le profil et les principales options des candidats : Garrett Nada and Andrew Hanna ,Presidential Election 2021 : Candidates, Iran Primer, USIP, 27 mai 2021 ; https://iranprimer.usip.org/index.php/blog/2021/may/26/presidential-election-candidates. Et : Jason M.Brodsky, Profiles of Iran's 2021 Presidential Candidates, Iran International, 30 mai 2021 ; https://iranintl.com/en/iran/profiles-irans-2021-presidential-candidates

[120] Pour un aperçu du (lourd) passé de Raisi, voir : Ebrahim Raeesi : The Bloodstained Early Years,Iran Wire, 27 mai 2021 ; https://iranwire.com/en/features/9621

[121] Ce dernier a violemment contesté sa disqualification comme contraire à la constitution : Tajzadeh's reaction to his disqualification was so unjustified that the 20-year-old member of the Guardian Council proested, Khabar Online, 26 mai 2021, traduit du persan.

[122] Selon certaines sources, Ali Larijani aurait fait savoir que les raisons de son élimination ne lui auraient pas été communiquées. Des rumeurs évoquent que le prétexte pourrait être les études et relations universitaires américaines ou anglaises de sa fille Fatemeh Ardeshir-Larijani , qui ont fait l'objet d'échos contradictoires : Daughter's Foreign Ties Used To Exclude Larijani From Poll, Iran International, 28 mai 2021.

[123] Prominent candidates withdraw election race in favor of Raeisi, Tehran Times, 26 mai 2021.

[124] Patrick Wintour, Iran's leadership accused of fixing presidential election, The Guardian, 25 mai 2021.

[125] Faezeh Hashemi : This is Not an Election It's an Appointment, Iran Wire, 26 mai 2021.

[126] Pour un éventail de réactions : Domestic Backlash to Candidate Selection, Iran Primer, USIP, 26 mai 2021.

[127] Guardian Council deputy head clarifies on confusion over qualifications, Tehran Times, 26 mai 2021.

[128] Ce dernier a décidé de ne pas voter en juin et ne soutiendra aucun candidat : Rejected Ahmadinejad Says He Won't Vote In Iran Presidential Poll, Iran International, 27 mai 2021. Bien plus, il a révélé que le général Hossein Nejat, chef des pasdarans pour Téhéran, l'a fermement invité, en l'informant de sa disqualification, à « rester silencieux et à coopérer ». Il a été mis sous surveillance après qu'il ait laissé entendre qu'il enverrait ses supporteurs 'donner de la voix' contre son élimination qu'il considère comme inacceptable : Iran's Guards Tell Ahmadinejad To Keep Silent, As He Warns Of Regime Change, Iran International, 26 mai 2021.

[129] Ahmadinejad, Larijani Supporters Slam Decision To Bar Their Candidacy, Iran International, 25 mai 2021.

[130] Pressure grows on Khamenei to overturn candidate disqualifications, Amwaj.media, 26 mai 2021.

[131] Qom Clerics Join Criticism Of 'Stage-Managed' Iran presidential Election, Iran International, 27 mai 2021.

[132] Rouhani, referring to the processing of reviewing qualifications, I had to write a letter to the Supreme Leader, ISNA, 26 mai 2021.

[133] Mahan Abedin estime que Khamenei ne souhaite pas nécessairement un président jeune, contrairement à ce que ces propos laissent penser, mais plutôt entend que le futur président fasse appel à des 'éléments jeunes et révolutionnaires' à la tête des principales branches de l'exécutif ; Iran presidential election promises generational shift, Middle East Eye, 27 mai 2021.

[134] Guards Trade Blows As Iran Presidential Election Run-In Heats Up, Iran International, 3 avril 2021.

[135] Parmi les 'jeunes' se détachait en particulier Saeed Mohammad, (52 ans), qui dirige le très puissant conglomérat des pasdarans, Khatam ol Anbia. Bien qu'il ait été disqualifié, ce 'poids lourd' des Gardiens comptera pour beaucoup dans le paysage politique et économique du pays :Sina Azodi, Saeed Mohammad : The Young face of the IRGC weighing his political options, The Atlantic Council, 1 er mars 2021.Il a déclaré le 8 mai qu'il respectera le JCPOA ; My administration will respect JCPOA , says presidential hopeful, Tehran Times, 8 mai 2021.On comprend que les durs du régime ne veulent pas paraître comme privant la population des fruits d'une levée des sanctions obtenue par d'autres. Un autre 'poids lourd', senior, Rostam Qasemi, ancien directeur de Khatam ol Anbia, ancien ministre du pétrole sous Ahmadinejad, s'était porté candidat avant de se désister ; avec lui, on pouvait être assuré d'une ligne 'dure ' : Rostam Qasemi announces presidential candidacy, Tehran Times, 27 avril 2021.

[136] Celui-ci a essayé de marginaliser Ebrahim Raisi,chef du judiciaire, qui est aussi un postulant potentiel à la succession du Guide et qui bénéficie du soutien de l'Association du Clergé Combattant. On peut d'ailleurs se demander si l'élection de Raisi (ou même un échec cuisant, car il a déjà été battu par Rohani lors des présidentielles) ne serait pas un moyen de l'écarter de la course à au titre de Guide.... à moins que les Gardiens ne souhaitent de porter à cette dignité suprême un personnage qu'ils contrôleraient. Qalibaf avait initialement déclaré qu'il ne se présenterait pas contre Raisi. Celui-ci avait dans le passé laissé entendre qu'il ne postulerait pas et n'avait pas obtenu l'aval officiel de Khamenei. Manifestement il l'a reçu entretemps, ce qui a conduit Qalibaf à renoncer, in fine. On voit que cette situation permet nombre d'hypothèses. De toute façon, l'ancien maire de Téhéran risquait fort d'être exposé aux accusations de corruption massive. Voir : Iran's speacker moves to oust judiciary chief from presidential race, Amwaj.media, 22 avril 2021 ; voir aussi : Sanam Vakil, Ebrahim Raisi : Will he stay or will he go ? Atlantic Council, 6 avril 2021.

[137] Kourosh Ziabari, Iran's next hardline president coming into view, AsiaTimes Online, 29 mars 2021.

[138] Iranian hardliners move to purge city councils of Reformists ahead of June vote, Amwaj.media, 5 mai 2021. Les Gardiens n'ont pas digéré l'écrasante défaite qui les a privés du contrôle de Téhéran, Ispahan, Machaad, une humiliation bien pire que la victoire de Rohani.Ils veulent prendre leur revanche.

[139] In a landmark ruling, Iran's Constitutional Council allows top military commanders to run for president, PressTV, 5 mai 2021 ; voir aussi : Guardian Council Bypasses Parliament to Change Iran's Election Rules, Iran Wire, 6 mai 2021. Et : https://www.tehrantimes.com/news/460752/Guardian-Council-clarifies-criteria-for-presidential-candidates; https://www.tehrantimes.com/news/460943/Guardian-Council-says-recent-interpretation-of-law-is-yardstick ;Rohani a fait connaître sa ferme opposition à ces nouvelles règles et laisse entendre qu'il ne se sent pas lié par elles : https://www.aljazeera.com/news/2021/5/11/registration-opens-for-irans-presidential-election

[140] Who will be eliminated by the youngest and oldest candidates of 1400 Parliament ?, Khabar Online, translated from persian, 28 avril 2021.

[141] Leader : Elections are a field for serving people, Mehr News Agency,27 mai 2021. Il déclare : « L'honorable Conseil des Gardiens a fait ce qu'il avait à faire et qu'il considérait nécessaire en vertu de ses devoirs » ; Iranian Supreme Leader Backs Disqualification Of Key Presidential Candidates, RFERL, 27 mai 2021.

[142] Pour un florilège : Candidates elaborate on economic plans, Tehran Times, 29 mai 2021 ; Mehr Alizadeh : I will create 4 millions jobs, Tehran Times, 29 mai 2021 ; Zakani :Americans will beg Iran if I am elected president, Tehran Times, 28 mai 2021.