Covid-19 : Deuxième secousse au sein de la gouvernance mondiale
Par Alexandre Negrus, Président des Ambassadeurs de la Jeunesse
D'aucuns datent le basculement définitif dans le XXIè siècle à 2001, lorsque le 11 septembre le terrorisme islamiste frappait au coeur de l'économie mondiale. Je m'inscris davantage dans la lignée de ceux qui considèrent que le XXIè siècle a véritablement basculé en 2008, lorsque Lehman Brothers a fait faillite.
La mondialisation a alors pris un nouveau tournant. Les nouvelles technologies ont complètement transformé les relations internationales, qui se complexifient chaque jour. La figure de l'État s'est à certains égards effacée devant la puissance incontrôlable de bon nombre d'entreprises. Aussi, le droit international montre des limites, tandis que les organisations régionales et internationales se sont crispées face aux principaux enjeux du début du siècle.
Le covid-19 constitue selon moi la deuxième secousse au sein de la gouvernance mondiale. Cette crise fait ressurgir un mal profond dont il faudra tirer les conséquences avec lucidité. Dans un monde globalisé, pourquoi ne parvenons-nous pas à nous protéger collectivement ? Les initiatives privées et publiques pour la recherche se sont multipliées malgré certaines carences largement identifiées. De nombreuses analyses ont été rendues publiques pour alerter sur les risques pandémiques. Cependant, que vaut une analyse si l'action politique pour résoudre un problème identifié est défaillante ?
Aujourd'hui encore et malheureusement, le covid-19 fait ressurgir les failles de la coopération internationale.
Comment expliquer le manque de préparation des décideurs politique face au covid-19 alors que les alertes ne manquaient pas depuis deux décennies ?
On ne peut que pointer, en l'espèce, l'échec cuisant de la globalisation et de la gouvernance mondiale. Les États ont été incapables d'assumer une diplomatie sanitaire ; nous en payons aujourd'hui le prix.
À toutes les échelles, nous ne pouvons qu'assister à un échec de la politique sanitaire :
- L'Union européenne n'est pas en mesure de défendre ses intérêts et de réfléchir à des solutions communes ;
- Les États-Unis font preuve d'un unilatéralisme assumé et d'une passivité dévastatrice ;
- La Chine est accusée d'instrumentaliser la pandémie et tente d'en tirer des bénéfices géopolitiques.
En vertu de tout ce qui précède, l'un des principaux constats que l'on peut dresser est, sans aucun doute, le fait que les démocraties sont trop vite entrées dans la mondialisation sans avoir eu le temps et la capacité d'apprendre à la maîtriser.
En conséquence de cela et dans la continuité de cette crise pandémique, le vainqueur ne sera ni un chef d'État ou de gouvernement en particulier, ni un État : ce sera le populisme.
Les régimes autoritaires propageront des discours factieux et ouvriront la voie à toutes les dérives. Alors que l'attention de la communauté internationale est naturellement tournée vers la crise pandémique, de nombreuses initiatives en cours traduisent le mal de nos sociétés. Si l'Union Européenne, déjà incapable de trouver une voie de coopération pour répondre à un défi commun, n'a pas eu mieux à faire que d'avancer avec l'Albanie et la Macédoine du Nord sur des négociations en vue d'une adhésion de ces derniers, la Hongrie sombre dans des dérives inquiétantes et assumées avec un Premier ministre obtenant des pouvoirs quasi illimités.
L'État est fragilisé et se pose véritablement la question de savoir s'il est en mesure de protéger sa population ? La mondialisation a créé de l'interconnexion mais n'a pas fait émerger un véritable système de solidarité, ni à l'échelle régionale ni à l'échelle internationale. Il faudra donc, à l'avenir, faire preuve d'imagination pour créer un système de sécurité collective puis pour instaurer un principe de précaution qui ne sera pas qu'une coquille vide. Si l'émergence de certains instruments de droit laissent croire à la naissance d'un système de sécurité sanitaire collective, il reste de nombreuses étapes à franchir. En sus de cet enjeu, l'on se rappelle aujourd'hui que la santé est une composante essentielle de la nouvelle donne géopolitique à l'échelle mondiale.
Entre imprévisibilité et impréparation, l'on peut aisément deviner où se situe le curseur. Si des postures guerrières sont aujourd'hui affirmées, notamment au niveau des dirigeants politiques français, c'est une fois la crise pandémique maîtrisée que la guerre sera imminente.
La paix et la sécurité internationales sont en danger. Après cette crise, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine continuera de faire des dégâts à l'échelle mondiale. Les principaux enjeux précédant le virus continueront d'agiter la scène internationale. Toutes les crises qui persisteront resteront-elles sans solutions en raison de blocages politiques et diplomatiques ? Il y a de quoi être fataliste. Ce pessimisme affiché pourrait être contredit à plusieurs conditions. À commencer par la redéfinition d'une relation transatlantique. Il revient à l'Union Européenne de trouver rapidement des solutions puis d'imaginer une nouvelle voie de coopération pour défendre des intérêts communs. Cela dépendra d'une part de la capacité de l'Union Européenne à se trouver un leader qui soit écouté et suivi par ses pairs et, d'autre part, des résultats de la prochaine élection présidentielle américaine. La Russie continuera d'affirmer ses ambitions géopolitiques tandis que la Chine poursuivra ses objectifs pour devenir le centre du monde globalisé.
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