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Afghanistan : nouvelles dynamiques locales et régionales

16/08/2021

Par Alexandre Negrus, Président de l'Institut d'Études de Géopolitique Appliquée


Comment citer cette publication

Alexandre Negrus, Afghanistan : nouvelles dynamiques locales et régionales, Institut d'd'Études de Géopolitique Appliquée, Paris, Août 2021


pixabay.com
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Vingt ans après en avoir été chassés par une coalition menée par les États-Unis, les talibans reprennent le pouvoir en Afghanistan. Ces derniers jours et avec davantage d'intensité ces dernières heures, nombreux ont été les commentateurs à fustiger le retrait américain. En oubliant trop souvent notre propre retrait il y a presque dix ans, qui n'avait suscité la même émotion ;  l'indifférence était de rigueur.

En Afghanistan il y a eu une série de fautes politiques majeures. On est revenus aujourd'hui à la situation à la fin des années 1990. Le fiasco afghan ne date pas d'aujourd'hui. Il ne date pas d'hier. Il s'inscrit dans le temps.

Les Américains se sont retirés. Ils n'avaient déjà plus beaucoup de forces et ils ont surtout arrêté le soutien aérien : c'est l'élément décisif. Le gouvernement, qui comptait essentiellement sur son aviation et ses forces spéciales, a été débordé.

Pourquoi sommes-nous partis, depuis une décennie ? Sans doute, le pressentiment de l'échec était déjà là. Au-delà des dynamiques internes hors de contrôle et des grandes fractures culturelles, les ingérences régionales et la sur-militarisation de la région ont mené à une diversion des objectifs originels. Le pays est par ailleurs caractérisé par une forte corruption généralisée, touchant les forces armées. Il y a une telle corruption dans l'armée afghane qu'une partie des munitions et du carburant a été revendue aux talibans. La corruption a englouti le millier de milliards de dollars dépensés dans le pays par les forces occidentales pour construire des infrastructures, des écoles et des universités et développer son économie, contribuer à l'entraînement et l'armement d'une armée nationale et organiser des élections. Ces éléments ont conduit à un effondrement progressif et inévitable.

Le désastre afghan aura-t-il une conséquence géopolitique au sens large ou bien cela se limitera-t-il aux voisins de la région ? S'il faut évidemment s'attendre à une crise migratoire, il convient toutefois de rappeler que le retrait américain est en cours depuis une décennie. Ce qui n'empêche pas de rappeler que les modalités du retrait définitif des américains sont largement critiquables.

Le Royaume-Uni, la Fédération de Russie et les États-Unis ont commis la même erreur en Afghanistan, à savoir le coût de leur engagement disproportionné par rapport au gain stratégique attendu. Partant, un retrait était la seule décision rationnelle pour eux. 

Dans les années à venir, on risque de voir émerger une entente Afghanistan-Pakistan-Chine, dans le cadre d'une stratégie anti-indienne et anti-américaine. Avec le retrait des troupes occidentales, les acteurs locaux et régionaux - Iraniens, Russes, Chinois, Indiens et Pakistanais - ne pourront plus se positionner pour ou contre les États-Unis.